L’affaire Benalla, qu’on devrait appeler l’affaire Benalla/Collomb/Macron, tant le pouvoir apparaît comme complice, commence à faire l’objet d’un traitement édulcorant par les médias avec la fameuse lessive à base de novlangue. C’est ainsi que divers experts glosent à tours de langue sur la communication par Macron et celle de son gouvernement, qu’on répand le brouillard en nous assommant de milliers de détails secondaires, et en appelant les choses autrement que par leur nom, comme ce titre révélateur : “L’affaire Benalla, premier vrai bug politique de la présidence Macron” - Ah bon, rien qu’un bug ?
Et, qu’on n’en doute pas, ils vont en inventer d’autres, car pour égarer le public, rien ne vaut des affaires dans l’affaire .
Dans ce tintamarre médiatique, on entend rarement l’essentiel : les infractions commises par Benalla et ceux qu’il faut bien nommer ses complices, puisqu’ils l’ont couvert durant deux mois et demi.
Heureusement, dans une page de son site web, l’avocat Régis de Castelnau nomme les choses par leur nom et nous rappelle de quoi il s’agit. En effet, monsieur Benalla n’est pas coupable de communication, ni de vocabulaire, ni de détails, mais d’infractions au Code pénal.
Commençons par le commencement : Après que monsieur Benalla agresse violemment deux personnes à Paris le 1er mai, le pouvoir annonce des sanctions et une mise en examen de Benalla et quelques comparses le 20 juillet, soit deux mois et demi après les faits. Selon Médiapart, Gérard Collomb a rencontré Alexandre Benalla, le soir du 1er mai dans les locaux de la préfecture de Paris, quelques heures à peine après les incidents de la Contrescarpe. Il lui aurait même donné l’accolade, précise Médiapart. Une fois informé des incidents, il a, comme les supérieurs hiérarchiques de Benalla à l’Élysée, et les fonctionnaires de la préfecture de police, couvert de facto ces faits de violences, en se gardant bien d’en référer à l’autorité judiciaire. Ils ont ainsi violé une obligation administrative.
Pour Régis de Castelnau, cette affaire est d’une gravité exceptionnelle au plan juridique, judiciaire et administratif. Depuis deux mois et demi et jusqu’à présent sa mise en examen, la seule conséquence avait été une mise à pied de quinze jours jours, assortie de l’attribution d’un logement Quai Branly (en consolation ?), pour “un acte inadmissible” !
Le Secrétaire général de l’Élysée qui a pris cette sanction n’a pas fait ce que lui impose l’article 40 du code de procédure pénale, c’est-à-dire de transmettre au procureur de Paris les informations dont il disposait. C’est pour Régis de Castelnau, la partie la plus importante du scandale qui montre “l’arrogant sentiment d’impunité de la petite caste qui entoure le chef de l’État”.
Sur les videos, on voit que monsieur Benalla porte un casque et un brassard tendant à le faire passer pour un policier dans l’exercice de ses fonctions. Premier délit prévu et réprimé par l’article 433-5 du Code Pénal.
Sur les mêmes videos, on voit que monsieur Benalla, ainsi costumé en membre des forces de l’ordre, exerce des violences contre des personnes. C’est donc un viol des articles 433-12 et 433-13 du Code Pénal interdisant de s’immiscer dans une fonction publique réservée à son titulaire, et de le faire en introduisant une confusion dans l’esprit du public, par le port de cet uniforme. Cela s’appelle en bon français une “usurpation de fonctions”. C’est une infraction très grave, souligne maître Régis de Castelnau.
En regardant les vidéos on observe que monsieur Benalla exerce des violences illégitimes sur la personne de deux passants (qui semblent n’être que de passage et pas venues à la petite manifestation apéro la place de la Contrescarpe, avant que ça se gâte…). En tous cas, selon l’article 222–13 du Code Pénal, monsieur Benalla a commis des coups et blessures volontaires, ce que la loi interdit.
Cerise sur le gâteau, monsieur Benalla a déclaré à une des personnes qui enregistrait une video de ses actes : “Si tu la diffuses, je te crame !” Il appartiendra à la justice de dire si ce n’est qu’une “simple” menace de violence ou une menaces de mort ? Article 222-18 du Code Pénal.
L’inobservation par les fonctionnaires de l’obligation de respecter l’article 40 du Code de Procédure pénale n’est pas assortie de sanctions pénales dans le texte, puisque c’est une obligation administrative, dit encore Régis de Castelnau. Une obligation qui engage la responsabilité professionnelle du fonctionnaire sous peine de sanction disciplinaire. Sont concernés, après Gérard Collomb, Alexis Kohler (secrétaire général de l’Élysée), Patrick Strodza (directeur de cabinet du président), Michel Delpuech (préfet de police de Paris), un commissaire, un commandant et un contrôleur général de la préfecture de police de Paris. Et monsieur Macron, pourra-t-il prétendre longtemps qu’il n’était pas au courant ?
Pour l’opinion, ces messieurs sont aussi des complices. La justice sera-t-elle saisie ?
En tous cas, il y a de la réorganisation dans l’air des hautes sphères…
PS. Les trois députés macronistes du Cher ne semblent pas pressés de s’exprimer dans Le Berry Républicain. Mais le journal a-t-il pensé à les interroger ?
> Les infractions au Code Pénal.
Article 40 du code de procédure pénale, Obligation de dénonciation d’un crime ou délit.
Article 433-5 du Code Pénal. Usurpation de fonction.
Articles 433-12 et 433-13 du Code Pénal. Usurpation de fonction.
Article 222–13 du Code Pénal, Crimes et délits contre les personnes.
Article 222-18 du Code Pénal. Menaces et menaces de mort.
Sources : Médiapart. Gérard Collomb a couvert Alexandre Benalla.
Vu du droit. Régis de Castelnau. Affaire Benalla : le Code Pénal ? Pour quoi faire ? >>> Lien.
Lire aussi le commentaire de Pierre d’Artois. : L’affaire Benalla, ou la descente aux enfers d’Emmanuel Macron. >>> Lien.