Pourquoi faut-il que les beaux gestes de la République soient gâchés par de vilains revers de médaille ? Maurice Genevoix est en route vers le Panthéon avec un an de retard sur le programme, et on apprend que la cérémonie se déroulera à huis clos. Pendant ce temps on s’apprête à bétonner les paysages de Loire qu’il aimait tant.
Depuis 1996, une lutte farouche oppose les gens de bon sens et les bétonneurs qui projettent un pont sur la Loire tout proche de la maison des Vernelles où vivait Maurice Genevoix. Ce pont est l’élément majeur d’un contournement d’Orléans par l’est, qui ne dit pas son nom : quatorze kilomètres de bitume au travers de forêt et de terres agricoles, en plein Val de Loire. Pourtant Maurice Genevoix, grand témoin de la Première Guerre mondiale, prix Goncourt et académicien, écrivain naturaliste, mais aussi précurseur de l’écologie n’avait pas mérité ça. Et les habitants de la région non plus.
Genevoix, grand blessé retiré de la guerre sanglante au printemps 1915, prit la plume comme témoin épris de vérité. ”Ceux de 14”, son témoignage est une œuvre bouleversante qui surpasse tout ce qui a pu être écrit sur la première guerre mondiale, à part peut-être ”Le Feu” du pacifiste Henri Barbusse.
Mais cet écrivain naturaliste est aussi un précurseur de l’écologie. Par ses réflexions sur les liens entre l’homme, la nature et la culture, par son aspiration à une écologie sensible et par son goût de l’engagement, ce grand écrivain prend place au sein du mouvement qui reconsidère la vision égoïste et avide qui a jusque-là mené le monde, au dépens de la nature. Seul un romancier visionnaire pouvait avec autant d’acuité, au sortir du naufrage de la Grande Guerre, entrevoir la lueur d’espoir que représente la vie sauvage et que nous offre aujourd’hui le courant écologique.
L’homme qui entre au Panthéon est un gardien de la mémoire de Ceux de 14 mais aussi un grand amoureux de La Loire, de la Sologne (il s’installa à Brinon sur Sauldre pour écrire Raboliot), de ses pêcheurs et de ses braconniers, sources d'inspiration de ses ouvrages.
C’est pourquoi ”La Loire Vivra”, coordination d’associations en lutte contre le contournement est d’Orléans et son pont sur la Loire à Mardié, interpelle le président Macron dans une lettre ouverte dont voici quelques extraits.
C’est là, enfin, à quelques centaines de mètres des Vernelles ( la demeure de l’écrivain), qu’un pont routier, monstre de béton armé surgi de l’imagination des aménageurs du siècle dernier, veut planter ses mâchoires aveugles pour contourner l’est d’Orléans et faciliter les flux de marchandises. Au cœur des rives que Maurice Genevoix chérissait, celles dont il décrivait, avec une tendre complicité, le calme envoûtant, les ombres moirées, le charme délicat des grèves bleues, des arbres séculaires et du petit peuple joueur d’animaux sauvages - là exactement où il flânait, songeait, vivait et rêvait de mourir ! (…)
Monsieur le Président, au moment d’accompagner ce grand disparu vers sa dernière retraite, et de refermer sur l’écrivain et le soldat qu’il fut la dalle lourde et le silence glacial du Panthéon, qui portera l’alerte parole de Maurice Genevoix, si justement sensible aux égarements du progrès ?
Que celles et ceux qui veulent rendre hommage à Maurice Genevoix qui veulent défendre ce fleuve, sa flore et sa faune, ses berges, n’hésitent pas à nous rejoindre pour emporter avec Maurice Genevoix sa dernière victoire, aux côtés de la Loire.
> Illustrations de haut en bas. Portrait de Maurice Genevoix par Moretti. Photo-portrait restaurée. Gravure de Louis-Joseph Soulas pour “Raboliot".
> Vous trouverez cette lettre ouverte, signée par de nombreuses personnalités, accompagnée d’une video en cliquant sur ce lien : https://youtu.be/nFxxBq0WrUs https://genevoix-vivra.frama.site.
La page Fecebook de ”La Loire vivra”: https://www.facebook.com/La-Loire-vivra-Mardi%C3%A9val-947381875342826/