Le gouvernement Macron vient d’inventer un label de certification ”vérité officielle” en désignant des médias (AFP, Libération, Le Monde, France-TV et 20 minutes) qui produisent des ”articles sûrs et vérifiés” par des spécialistes du “fact checking”, en liant ces articles au site du service d’information du gouvernement. On notera l’emploi du terme “fact checking”, comme si le sabir anglo-américain était la garantie d’un sérieux encore plus sérieux que le sérieux.
Les articles sélectionnés par ce ”ministère de la vérité” (on pourrait dire aussi Propagandastaffel) n’évoquent pas le fiasco des masques, ni celui des tests, les déclarations contradictoires, les approximations, les ce n’est qu’une gripette, les dissimulations, les chiffres et statistiques bidon, ni les affirmations fracassantes de Sibeth N’Daye.
Parmi les journaux cités, Le Monde et Libération ont réagi en dénonçant un procédé qui ferait d’eux de vulgaires relais de propagande.
Mais ce n’est pas la première fois que Macron cuisine ce genre de plat. En février 2019, au cours d’une rencontre avec quelques journalistes, le Président de la République avait exprimé une vision de l’information à la sauce Orwell en proposant, au sein du journalisme, une part destinée à la ”vérification”, rémunérée par l’État. En somme, un service d’information d’État délégué à des journalistes triés par le pouvoir.
Autre ratatouille qui mijotait depuis les vœux à la presse du 3 janvier 2018, le texte pour lutter contre la diffusion des fausses informations sur Internet en période électorale. Emmanuel Macron se disait victime de nombreuses fausses informations durant la campagne présidentielle. C’était en fait, vouloir une loi de circonstance pour interdire les voix dissonantes. Malgré l’opposition de gauche et de droite et celle du Sénat, cette loi a tout de même été promulguée le 22 décembre 2018 et publiée au Journal officiel le 23.
Puis il y a eu la création mort née d’un "conseil déontologique“ des médias. Passons.
Mais pourquoi tout cette batterie d’ustensiles pour cuisiner l’information au beurre Macron, alors que des lois existent déjà pour réprimer les fausses nouvelles ?.
En effet, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (article 27) prévoit une infraction pénale susceptible d'être punie d'une amende de 45 000 euros pour la ”publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de fausses nouvelles, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé l’ordre public ou aura été susceptible de le troubler”. Depuis plus d’un siècle elle a été utilisée et a fait la preuve de son efficacité. Mais comme elle n’employait pas le terme fake news, il fallait réformer ça !
En fait, le gouvernement de Macron est mal placé pour démêler le vrai du faux, quand on connaît sa tendance à mulltiplier les bobards. Devant les réactions très négatives, c’est le ministre de la Culture, Franck Riester qui a été désigné pour annoncer le retrait du projet de label vérité. Il l’a fait le 5 mai.
Mais pas le temps de dire ouf, le vote le 16 mai de la sinistre et liberticide loi Avia ”contre la haine sur Internet” n’a fait que rendre le rata encore plus toxique. Résumons le Canard enchaîné du 20 mai et sa dégustation de la nouvelle tambouille du chef de l’Élysée.
En effet, n’importe qui pourra, par simple courriel, dire à une plateforme numérique de supprimer un contenu qui lui semblerait ”haineux”. Et quelle loi définit la haine (il faudra interroger l’Académie Française) ? Le responsable de la plateforme, ou du moteur de recherche, aura 24 heures pour supprimer le message prétendu haineux. Sinon l'amende pourra atteindre 250 000 euros. Qui vérifiera que le contenu supprimé était vraiment haineux et illégal ? Personne. Et que risque l'opérateur en censurant à tout-va ? Rien. Et comment faire rétablir le texte incriminé ? La procédure risque d’être longue et coûteuse. C’est du gâteau pour les gros de l’Internet : simple et sans ennuis.
Résumons. Alors, il ne sera plus permis d’avoir un mot plus haut que l’autre, de critiquer vigoureusement les ministres qui disent des bobards, les entreprises qui abusent, les politiciens de tout poil ? Pourra-t-on critiquer l’islam ? Tiens, le délit de blasphème, revient avec la loi Avia ! Qui, désormais, dira le permis et l'interdit, le vrai et le faux, le légal et l’illégal ? Un simple employé de Google, de Twitter ou de Facebook, qui censurera derrière son bureau, sans débat contradictoire, sans contrôle, sans garantie, sans justice. Oui, car la justice est évincée dans cette affaire. On croyait pourtant vivre dans un État de droit…..
Encore une réforme ! Voilà la censure privatisée, comme dit Le Canard enchaîné.
> De nombreux commentateurs ont fait le parallèle avec la cuisine macronienne et ”1984” le roman de George Orwell. Le héros de cette histoire, Winston Smith, travaille au ”ministère de la Vérité” (appelé Miniver), pour réécrire les textes historiques et les faire coller à la version officielle du gouvernement.
On s’en approche, ou on y est déjà ?
> Sources. Marianne. Vers un ministère de la Vérité ? >>> Lien.
ParisVox. Macron en marche vers le ministère de la vérité ? >>> Lien.
Le Canard enchaîné du 20 mai 2020.
Wikipedia.
1984, par George Orwell. En livre de poche. Ou gratuit, à télécharger. >>> Lien.