Fred Vargas. Puissent-nos enfants avoir la clairvoyance et le courage....

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Fred Vargas est connue d’un vaste public pour ses romans policiers et les enquêtes du désormais célèbre commissaire Adamsberg. Ses livres, maintes fois récompensés, ont été adaptés au cinéma et à la télévision et traduits dans quarante pays et vendus à des millions d'exemplaires dans le monde..

Mais dans L’humanité en péril, l’auteure de romans policiers a changé de genre. Dans son dernier livre il y a bien un crime, ou bien pire, une une course à l’abîme de l’humanité tout entière.

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Pour Fred Vargas, ce livre n’est pas une réponse banale à l’actualité, nourrie chaque jour des effets du dérèglement climatique, de la perte de la biodiversité, malgré les actions pour la sauvegarde de l’environnement. Non, nous sommes dans l’abîme si on ne fait pas quelque chose vite. Demain matin 8 heures, ce serait l’idéal, explique-t-elle. Il nous reste deux ans pour bouleverser totalement le système de profit et de production industrielle qui nous gouverne. Si nous n’arrivons pas à changer cela, nos modes de pensée et nos modes de vie, quitte à ce qu’on nous coupe l’électricité quelques heures par jour pour économiser, ce sera foutu. 


Je dédie ce message à mes enfants et à tous les enfants de la terre

Puissent-ils avoir la clairvoyance et le courage que nous n'avons pas eus (et je ne leur demande pas de nous pardonner).

Nous y voilà, nous y sommes. Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l'incurie de l'humanité, nous y sommes.

Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l'homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu'elle lui fait mal. Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d'insouciance.

Nous avons chanté, dansé.

Quand je dis « nous », entendons un quart de l'humanité tandis que le reste était à la peine.

Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l'eau, nos fumées dans l'air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu'on s'est bien amusés.

On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l'atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu.

Franchement on s'est marrés.

Franchement on a bien profité.

Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu'il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre.

Certes.

Mais nous y sommes.

À la Troisième Révolution.

Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire), qu'on ne l'a pas choisie.

“On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ?” demanderont quelques esprits réticents et chagrins.

Oui.

On n'a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis.

C'est la mère Nature qui l'a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies.

La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets.

De pétrole, de gaz, d'uranium, d'air, d'eau.

Son ultimatum est clair et sans pitié : Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l'exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d'ailleurs peu portées sur la danse).

Sauvez-moi, ou crevez avec moi.

Evidemment, dit comme ça, on comprend qu'on n'a pas le choix, on s'exécute illico et, même, si on a le temps, on s'excuse, affolés et honteux.

D'aucuns, un brin rêveurs, tentent d'obtenir un délai, de s'amuser encore avec la croissance.

Peine perdue.

Il y a du boulot, plus que l'humanité n'en eut jamais.

Nettoyer le ciel, laver l'eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l'avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, (attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille) récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n'en a plus, on a tout pris dans les mines, on s'est quand même bien marrés).

S'efforcer. Réfléchir, même.

Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire.

Avec le voisin, avec l'Europe, avec le monde.

Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.

Pas d'échappatoire, allons-y.

Encore qu'il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l'ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante.

Qui n'empêche en rien de danser le soir venu, ce n'est pas incompatible.

A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie, une autre des grandes spécialités de l'homme, sa plus aboutie peut être.

A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.

A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore."

- Fred Vargas, Archéologue et écrivaine.


> Fred Vargas L’humanité en péril. Éditions Flammarion. 352 pages. Format poche. 15 euros. En vente à La Poterne, 41 rue Moyenne à Bourges - et dans les autres bonnes librairies.

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