Depuis des années, bien avant que Jacques Chirac parle de la fracture sociale en France, il y a dans notre pays des millions de chômeurs et de gens qui ne peuvent finir le mois avec leur maigre salaire. Une injustice qui est à la fois cruelle pour les familles concernées et désastreuse pour l’économie, puisqu’elle étrangle le commerce dont les recettes réduisent. Elle étrangle aussi les industries, et les emplois qui nous restent (Les autres emplois sont partis en fumée avec les délocalisations et le transfert de productions en extrême orient). Elle étrangle la sécurité sociale qui a besoin de ces cotisations pour fonctionner….
Les discours, les programmes, les campagnes électorales ont promis que demain on raserait gratis, mais aucun gouvernement ne s’est employé à résoudre cette injustice et ce non sens. Bien au contraire, les politiciens au pouvoir se sont employés à répandre un rideau de fumée pour cacher ces réalités, et n’ont rien fait pour y mettre un terme.
Pour compléter le discours des politiciens, les médias ont inondé les français d’une propagande pro-gouvernementale servile ou de bavardages sans intérêt. On voit défiler pour des débats où tous sont du même avis, des “experts” tous inféodés à l’idéologie du marché et de la finance. Quelques opposants se voient chichement alloué un temps de parole…. Le temps restant est consacré à la télé réalité, aux émissions de loisirs, aux jeux, aux faits divers…. Pour éviter de montrer la réalité sociale et d’informer les citoyens.
Pourtant cette réalité sociale, que les Gilets jaunes rappellent vigoureusement à tous depuis des semaines, pèse beaucoup plus lourd que les trente quatre questions et les thèmes du débat Macron. Rappelons quelques faits qui ne figurent pas dans les beaux discours gouvernementaux :
La France compte 6 691 000 chômeurs (catégories A, B, C, D et E), chiffres d’avril 2018. Le total de chômeurs, précaires et travailleurs pauvres occasionnels atteint onze millions à la même date.
8,8 millions de personnes pauvres, soit 14 % de la population (chiffres de l’Insee 2018) perçoivent moins de 1 026 euros par mois (pour une personne seule).
Il ya deux millions de travailleurs payés au Smic : 1 521 euros brut, 1 202 euros net.
La fondation Abbé Pierre recense 4 millions de personnes mal logées en 2018 (sans logement personnel, en foyers, en logements surpeuplés ou sans confort).
Je n’en dis pas plus, toute la colère exprimée par les gilets jaunes (et d’autres citoyens qui n’en pensent pas moins), découle de cette situation. On ne peut donc pas affirmer que la France est une des plus fraternelles et des plus égalitaires de toutes les nations, comme le prétend Macron.
Les urgences sont déjà connues, elles figurent dans les cahiers de doléances qui sont déposés dans de nombreuses mairies et dans les revendications des Gilets jaunes. Ces revendications sont d’abord de justice sociale, puis de hausse de pouvoir d’achat, enfin de profonde réforme politique (le RIC, notamment). Elles apparaissent comme un contre-programme à celui du chef de l’État.
Pourtant, au lieu de rencontrer tout de suite les “Gilets jaunes” et d’autres partenaires sociaux pour négocier, le chef de l’État écrit aux français pour énoncer les conditions d’un grand débat. L’urgence est remise à plus tard… Alors que de toutes parts on lui demande des réponses, monsieur Macron pose des questions…
Un seul exemple suffirait à comprendre que la lettre de Macron est faite de questions tordues : C’est “Quels impôts faut-il à vos yeux baisser en priorité ?” Chacun aura vite compris que moins d’impôts signifie moins de recettes pour l’État et encore moins d’argent pour les services publics (moins pour les hôpitaux et les maternités, moins pour l’école, moins pour la poste, moins pour les collectivités territoriales, moins pour les routes et les chemins de fer, moins de fonctionnaires et plus de chômeurs).
Au contraire, il faut restaurer l’Impôt sur la fortune (ISF) et supprimer les cadeaux fiscaux aux riches, au contraire, il faut augmenter les salaires pour que chacun puisse consommer, pour faire redémarrer l’économie et payer ses impôts.
Au contraire, il faut ouvrir le grand et long chantier de la création d’emplois en France, rapatrier les productions délocalisées, fabriquer ici ce que nous importons d’Extrême Orient…
Au contraire, il faut moraliser et contrôler les dépenses de la Présidence, de l’État, des ministres…
Autre exemple que le “Grand débat” s’annonce tordu : monsieur Macron refuse de revenir sur la suppression de l’Impôt sur la fortune (ISF). C’est une sottise qui montre son aveuglement. C'est pourtant le point central de la révolte des "gilets jaunes” approuvés sur ce point par une majorité de français.
Encore un exemple de “Grand débat” tordu, c’est l’absence de l’Europe et des directives de la Commission de Bruxelles. C’est pourtant un sujet poids lourd ! Car on a beau discuter en France, les lois et les règlements se font à Bruxelles, elles s’imposent à nous, elles conditionnent une grande partie des sujets du “Grand débat”. Si quelqu’un veut y changer quelque chose, vous connaissez déjà la réponse.…
“Je souhaite aussi que vous puissiez, au-delà de ces sujets que je vous propose, évoquer n’importe quel sujet concret dont vous auriez l’impression qu’il pourrait améliorer votre existence au quotidien”. Formule alambiquée pour dire que les participants au débat auront le droit de parler d’autre sujets que ceux proposés par le président… mais attention il rappelle que cela doit être seulement “évoqué”, c’est à dire que ce sera possiblement considéré “hors sujet”.
L’actuel président éprouve le besoin de proposer des pistes de discussion. Il semble pourtant que le peuple en suggère de nombreuses, et des plus sérieuses, depuis maintenant des mois. On note aussi un grand absent, puisque que jamais il ne parle du mouvement des "gilets jaunes" dans son message. Là, chapeau, c’est un tour de force, Macron fait fort !
“Je n’ai pas oublié que j’ai été élu sur un projet, sur de grandes orientations auxquelles je demeure fidèle”. Là ce n’est pas tordu, c’est clair, nous sommes prévenus : Macron entend toujours donner la priorité à la finance, aux grandes entreprises et aux directives européennes, ce qui est contradictoire avec le social et l’écologie.
Avec cette citation, on comprend que la lettre de l’actuel président, ainsi que le “Grand débat national”, n’existent que pour une chose : faire ce que les politiciens et les technocrates qui sont au pouvoir depuis une cinquantaine d'années baptisent du mot de “pédagogie” (en langue de bois). C’est à dire en bon français une opération de communication, ou de propagande, disant au peuple pourquoi il doit a se plier à l’arbitraire économique de ceux qui gouvernent réellement : les grandes puissances d’argent.
Le gouvernement avance prudemment, cherche et trouve difficilement des personnalités “indépendantes” susceptibles de garantir l’honnêteté et la transparence des opérations, parce qu'il ne veut pas donner l'impression de prendre le contrôle du “Grand débat” et de ses conclusions. Là aussi, il sera difficile de convaincre…
Mais il est probable que beaucoup de Français ne liront pas la lettre du “Grand débat”, que ce soit pour rendre son mépris au président, par scepticisme, ou par rejet définitif de la politique à la sauce Macron…..
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> Si vous voulez creuser le sujet, je vous suggère la lecture de cette page d’AgoraVox : Analyse de la lettre de Macron, qui en fait le tour paragraphe par paragraphe. >>> Lien.