Les grands Bachi Bouzouks et les technocrates de la Commission Européenne étaient aux manettes, ils s’apprêtaient à annoncer triomphalement la signature du CETA (accord commercial entre l’Europe et le Canada), puis celle du TAFTA (le Grand marché transatlantique avec les États-Unis)…Et voilà ti pas que la Wallonie tire la nappe, renverse la vaisselle et refuse de signer le traité ! C’est un peu comme si le petit souverain de la principauté de Boisbelle défiait le royaume tout entier…
Les wallons sont-ils devenus fous ? Ou sont-ils atteints du virus de Don Quichotte ? Ou bien plutôt, ont-ils, eux, étudié le projet du CETA ? “Les vingt pages du texte de 2009 sont devenues mille six cent pages et maintenant on nous demande de dire amen. Non, c’est précisément ce qui ne marche pas. C’est précisément parce que nous ne pouvons plus accepter cette manière de faire que nous avons, dès septembre 2015, dès que les textes nous ont été connus, tiré la sonnette d’alarme.” (extrait du discours de Paul Magnette, Ministre-président de Wallonie).
Pendant ce temps, les journalistes des télés et radios affirment comme une évidence que ces négociations doivent finir par un accord... Par exemple ce commentaire: “neuf ans de négociations à jeter à la poubelle à cause de seulement trois millions de Belges”. Les médias se moquent de nous, car le parlement Wallon avait signalé son désaccord depuis plus d'un an. Ce n'est que très tardivement que la Commission Européenne semble l’avoir remarqué, depuis lors, elle montre sa préférence pour l’ultimatum et non pour le débat démocratique. Un coup de force n’est pas exclu, puisque les dirigeants européens cherchent à maintenir à tout prix le sommet UE-Canada prévu jeudi 27 octobre.
Il faut savoir que la Wallonie ne fait qu’appliquer l’État de droit belge et européen, n’en déplaise à la Commission Européenne et aux pro CETA qui approuvent le traité sans l’avoir bien lu. Contrairement à ce que voudraient faire croire les propagandistes du CETA, la Wallonie n’est pas seule à le refuser. Les élus de la région de Bruxelles-Capitale (un million deux cents mille habitants), sont sur la même longueur d’onde. Le 23 octobre, mille trois cents organisations (syndicats, écologistes…) ont manifesté à Madrid. En mai, le Parlement d’Estrémadure s’y est opposé. Depuis, Podemos et les mouvements citoyens à la tête de villes comme Madrid, Saragosse ou Barcelone en font autant et cent cinquante municipalités ont suivi. Les Danois manifesteront contre le Ceta et le Tafta jeudi 27. Une journée nationale de manifestations vient d’avoir lieu le 15 octobre en France… etc.
La décision rendue par la Cour constitutionnelle allemande le 13 octobre est soigneusement passée sous silence dans les médias. Elle est pourtant aussi importante que le “non” des élus wallons. La Cour constitutionnelle a en effet rendu un avis sur le CETA en indiquant que le gouvernement allemand peut ratifier l’accord avec le Canada, mais à certaines conditions. L’Allemagne doit pouvoir quitter l’accord à tout moment si elle le demande. De plus, Berlin ne peut accepter la disposition sur les tribunaux d’arbitrage. Ceux-ci sont, selon la Cour de Karlsruhe, contraires à la constitution allemande et présentent le risque d’instituer une justice parallèle contre l’État allemand.
Cette décision est importante puisqu’elle rend impossible la création des fameux tribunaux d’arbitrage, si controversés.
Il n’y a donc pas que les wallons, les ONG, des syndicats et partis politiques dans divers pays d’Europe, quelques “souverainistes” et quelques médisants, qui s’inquiètent des dangers du CETA….
> Dans son discours au parlement wallon, Paul Magnette a souligné “que la Wallonie a toujours été une terre de grande vitalité démocratique. Nous avons des organisations syndicales, des mutualités, des associations, dans tous les secteurs, extrêmement actives, dynamiques, vigilantes, mobilisées qui ont étudié ce texte avec beaucoup de sérieux, qui ont consulté les meilleurs experts, qui ont remis des avis et qui ont alimenté nos propres travaux. Cette vitalité démocratique de notre propre population, nous ne pouvons pas en faire fi ; nous ne pouvons pas le balayer du revers de la main sous prétexte que nous risquons d’être isolés. Être isolés de sa propre population, être isolés de ses propres citoyens, à une époque, au début du XXIe siècle, où la démocratie est déjà tellement profondément en crise, ce serait au moins aussi grave que d’être diplomatiquement isolés. Nous devons faire en sorte que ces liens très forts que nous avons soient préservés”.
La résolution votée au Parlement wallon, désigne les nombreuses interrogations sans réponses dans le texte négocié, notamment concernant le futur mécanisme d’arbitrage Investisseur-État qui créerait une juridiction favorable aux multinationales qui deviendrait supérieure aux États ! Elle permettrait aux entreprises de porter plainte contre des États et de demander des sommes vertigineuses en guise de “réparation” pour les manques à gagner subis, lorsque ces États (ou même des communes) font des lois dans l’intérêt général.
C’est pour les mêmes raisons que de plus en plus de citoyens européens et d’acteurs de la société civile tirent la sonnette d’alarme et dénoncent l’absence de garanties entourant ces méga-accords de commerce et d’investissement, le CETA et le TAFTA, qui menacent des pans entiers de nos modèles sociaux et démocratiques.
Ces événements mettent en lumière les défauts du traité UE-Canada, qui est pourtant décrit par le gouvernement français comme étant un “bon accord”. Alors que les critiques contre le TAFTA concernant les normes sociales, environnementales, ou encore la protection du modèle agricole français et de la démocratie ne sont absolument pas respectées à travers le texte final du CETA.
"C'est trop facile de suivre les opinions publiques", a déclaré Emmanuel Macron, (un grand penseur de la démocratie). Bien sûr, il ne faut pas faire voter le peuple : c’est trop risqué. Mais on ne fera pas voter l’Assemblée non plus… ou du moins, pas avant les élections ! On verra ça plus tard… Ils avaient sans doute imaginé qu’à ce moment là, le CETA serait déjà entériné !
Le libre échangisme et l’ouverture des marchés à tout va nous ont déjà coûté la perte d’une partie de notre industrie et des millions d’emplois. Devant ce désastre, la Commission Européenne s’obstine, nos présidents et gouvernements obéissent et prétendent qu’il ne faut surtout pas changer de cap !
Pourtant, on aurait aimé que le gouvernement français et le parlement débattent sur le CETA avec le même sérieux que l’ont fait les Wallons.
> Bref, il y avait urgence à stopper le CETA, car ce projet d’accord de libre-échange entre l’Europe et le Canada est porteur des mêmes maux que son cousin le TAFTA qui fait peser de graves menaces sur l’avenir de notre alimentation, de notre santé, du climat et de nos démocraties en donnant des pouvoirs démesurés aux multinationales.
Je laisse la conclusion à “La Libre Belgique” : “L’Union européenne souffre d’un déficit démocratique dont elle ne parvient pas à sortir, obnubilée qu’elle est par ses objectifs de croissance économique, de création d’emplois ou de revenus fiscaux dont elle croit, imprudemment, qu’ils pourront être atteints par des textes dont elle ne mesure pas les dangers. La Wallonie, elle, a vu le piège. On devrait l’en louer”.
> Discours de Paul Magnette au Parlement Wallon. Video. >>> Lien.
Les raisons d’un refus, la volonté d’un avenir. Texte intégral du discours de Paul Magnette sur le site “Pour”. >>> Lien.
La libre.be. Ceta: "La Wallonie a vu le piège”. >>> Lien.
Attac France. Tafta Ceta, pas d’accord ! >>> Lien.
“Danger, Grand marché transatlantique” dans Gilblog. >>> Lien.