La Commission Européenne et le gouvernement fédéral belge savaient depuis un an que le Parlement wallon ne voulait pas du Ceta tel qu’il était rédigé. Cette opposition avait été exprimée dans une résolution votée le 27 avril, avant d’être affirmée une nouvelle fois la semaine dernière. “Une inconséquence politique de la Commission qui laisse sans voix”, écrit Jean Quatremer, correspondant du quotidien Libération à Bruxelles. C’est cette inconséquence qui est “un épisode humiliant pour l’Europe” plutôt que la critique des abandons du texte “négocié” par les technocrates de Bruxelles qu’en ont faite les Wallons.
Les parlements francophones et germanophones de Belgique annoncent d’ores et déjà qu’ils ne ratifieront pas le texte si le mécanisme de règlement des différends en matière d’investissement, c’est-à-dire le fameux tribunal arbitral supra national, n’est pas abandonné, ou modifié. Cette position pourrait bien faire tache d’huile car il reste encore une quarantaine de Parlements nationaux et régionaux, et le parlement Européen, qui devront approuver (ou non) le Ceta.
Le tribunal arbitral qui pourrait décider par dessus les lois nationales est la disposition la plus contestée par les opinions publiques. En effet, de nombreuses associations telles Attac, des syndicats et partis, craignant de voir les entreprises multinationales canadiennes, et surtout les filiales des grands groupes américains installées au Canada, attaquer les États ou l’Union Européenne si une législation allait contre leurs intérêts.
Dans l’accord belge, il est maintenant convenu que le gouvernement saisira la Cour de justice Européenne pour qu’elle se prononce sur la légalité de ce tribunal vis-à-vis du droit européen. Le plus étonnant (on devrait dire scandaleux) dans cette affaire est que ce sont les “négociateurs” Européens (et non le Canada) qui ont demandé ce machin… Pour qui roulent-ils ?
Enfin, le Ceta sera complété d’un garde fou, accepté par le Canada qui aura la même force juridique que le traité lui-même. Cet “instrument interprétatif”, précise tout ce que ne permet pas le Traité : pas de remise en cause du droit à légiférer, pas d’obligation d’accepter les normes élaborées en commun, interdiction d’abaisser les normes sociales et environnementales, affirmation que la définition des services publics appartient aux États et que chacun est libre de privatiser ou de nationaliser tel ou tel service.
En faisant ce petit bilan, on voit que ce que les politiciens et les médias bien pensants appellent “un compromis entre Belges”, est en réalité une défaite pour les inconditionnels du Ceta ! Enfin, une quarantaine de Parlements nationaux et régionaux doivent encore se prononcer. L’affaire n’est pas close….
Pour la plupart des sujets de la politique Européenne, nous subissons une avalanche de propagande grossière au lieu de l’information à laquelle nous avons droit. Et durant la semaine où le parlement wallon a exprimé son refus du projet de Ceta mal fichu, on a atteint des sommets.
Petit florilège relevé sur le site Acrimed :
L’échec du CETA a fait la “une” du Monde qui annonçait “un épisode humiliant pour l’Europe”, un “blocage” qui “illustre la tentation du protectionnisme”. Et, plus loin : l’échec des négociations serait “une aberration”. Ou encore cet ultimatum : “Ce soir la balle est dans le camp des Wallons. Il leur reste quelques heures pour changer leur position”. Sur France 3 Nord Pas-de-Calais on a eu droit à : “La Wallonie, ce petit bout de Belgique qui bloque l’Europe”. Mais les Wallons n’auraient “pas soulevé de réserves de fond”, ce qui démontre que leur refus n’est qu’un caprice…
“Il suffit qu’une poignée d’irréductibles bloquent un accord pour 500 millions d’Européens”. Comme si ces cinq cents millions d’Européens étaient, eux, largement favorables au CETA. Qu’en savent-ils ces faux experts (?), ils oublient un peu vite qu’on n’a pas demandé l’avis des citoyens Européens ! Ils oublient aussi que la Belgique est un des rares pays où les chambres parlementaires sont consultées pour la signature de l’accord.
Je garde pour la fin celle ci : Il y aurait “beaucoup de théories complotistes dans la dénonciation de l’accord”, qui est digne de figurer dans une anthologie !
Bref, les grands prêtres de l’information feraient mieux de s’informer eux mêmes avant de déverser des tonnes d’inepties… De deux choses l’une : ou ils sont ignorants et font mal leur boulot, ou ils savent et ne sont pas honnêtes…
Que l’on soit wallon, français, de gauche, de droite ou du milieu, tout le monde est d’accord pour que le commerce fonctionne au mieux et que des conventions mettent de l’huile dans les rouages. Mais ce que chacun désapprouve avec bon sens, c’est que des traités déséquilibrés nous mettent en position de faiblesse, nous, nos produits, nos emplois et nos économies.
La leçon de démocratie que vient de donner la Wallonie aux responsables politiques a marqué les esprits, même si les responsables européens et les médias mettent déjà tout en œuvre pour la faire oublier.
L’ouverture incontrôlée du marché européen nous a couté la perte de milliers d’entreprises et a produit des millions de chômeurs. Et ça, c’est bien pire que “humiliant pour l’Europe”. Que les dirigeants actuels n’espèrent pas de reconnaissance pour le désastre qu’ils ont causé, et que les élus wallons soient remerciés pour leur bon sens..
> Librement extrait et commenté de Libération du 28 octobre et de : “Indignation médiatique : la petite Wallonie bloque la grande (et belle) Europe” sur le site Acrimed (Action Critique Média). >>> Lien.
> Lire aussi dans gilblog : CETA. Pourquoi le refus du parlement wallon. >>> Lien.