Pendant longtemps, les habitants de Neuvy deux Clochers buvaient de l'eau de source au robinet. Cette eau bienfaisante venait des captages de deux sources voisines, nommés poétiquement captage A et captage B, tous deux situés en lisière de forêt sur la hauteur, à mi chemin de la station relais de télévision, du site de la "cathédrale" de Jean Linard et du hameau "Les Poteries". Comme l'eau des deux captages était mélangée, on ne pouvait distinguer le goût de l'une ou de l'autre, et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes...
Mais un vilain jour de l'année 2002, l'analyse en autocontrôle de l'eau (confirmée par la DDAS) indique la présence d'atrazine à une dose dix fois supérieure à la norme autorisée. L'origine de cette pollution est difficile à expliquer car les sources sont situées en forêt, l'hypothèse d'un désherbage à la station de télévision située en amont est jugé peu probable, et d'ailleurs rien ne le prouve. En tous cas, la décision de la DDAS ne se fait pas attendre : il faut fermer les deux captages A et B qui fournissaient chaque année les cinquante mille mètres cubes nécessaires aux habitants.
Cette fermeture est bien regrettable, car, avec quatre vingt treize captages d'eau potable, le Cher fait partie des vingt départements français comptant un très faible nombre de captages d'eau de consommation. Entre 1998 et 2008, vingt-trois captages ont été abandonnés (nitrates, pesticides, hydrocarbures, turbidité...) ; vingt-cinq étaient destinés à être fermés, dix huit faisaient l'objet d'une étude hydrologique. Voir gilblog 11 avril 2012 "Combien de fermetures de captages d'eau potable dans le Cher ?" >>> Lien.
L'atrazine est un herbicide toxique utilisé pour détruire de nombreuses plantes dans les cultures de maïs, les vergers, les jardins et les zones incultes. En France, parmi les pesticides, l'atrazine est le principal polluant des eaux et sa présence dans les sols peut durer des années. La commercialisation d'herbicides contenant de l'atrazine est interdite depuis le 30 septembre 2002, et son emploi interdit depuis le 30 juin 2003. L'AFSSA recommande de ne plus consommer l'eau lorsque la présence d'atrazine et de ses dérivés dépassent des valeurs-seuils situées à 0,4 microgrammes pour les nourrissons, 0,6 microgrammes pour les enfants et 2 microgrammes pour les adultes. Pour cette raison, de nombreux captages d'eau potable ont été fermés.
Voilà donc le Syndicat intercommunal de Neuvy deux Clochers et Neuilly en Sancerre (SIAEP, créé en 1962), contraint de s'approvisionner en eau de la Loire auprès de SMERSE (Syndicat Mixte des Eaux des Régions Sud et Est de Bourges ), qui par son réseau de cent cinquante kilomètres alimente cent quatre communes.
Mais les élus ne s'avouent pas battus, et d'abord ils veulent savoir si les deux captages sont pollués. Ils font des recherches, consultent des hydrogéologues et des sourciers (sur le conseil des hydrogéologues !), ils font réaliser des analyses. Le sourcier local Bernard Dubois déclare que l'eau est à six mètres de profondeur (point confirmé par l'hydrogéologue), et qu'elle n'est pas polluée ! Nouvelles analyses. Ouf, un seul des deux captages est pollué c'est le captage B, l'autre dont on retrouve le nom à l'occasion de ce remue ménage délivre une eau pure, c'est : "La fontaine au Jules". Enfin en 2009, le Syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable de Neuvy Neuilly (SIAEP) dépose une demande à la Préfecture pour rouvrir le captage de la Fontaine au Jules et l'hydrogéologue donne un avis favorable, à condition que le captage soit situé en amont de la route.
L'année 2009 est consacrée au montage du dossier. En 2011 le dossier est accepté par les services préfectoraux. En 2012 ce sont les appels d'offres, les études et les devis. Les travaux commencent en mai 2013, ils doivent se terminer cet été 2013. Les habitants de Neuvy deux Clochers et Neuilly en Sancerre pourront boire l'eau pure de la Fontaine au Jules à la fin de 2014, et le Cher aura regagné un de ses (rares) captages.
Le montant de l'investissement est de deux cents quatre vingt mille euros qui sont financés par le SIAEP à hauteur de 20 %, l'Agence de l'eau du bassin Loire Bretagne pour 20 %, le Conseil Général du Cher pour 20 %, et le reste par l'État : 40 %.
Pour Jean-François Turpault, le retour de l'eau de source n'est pas le seul sujet de satisfaction. En effet l'approvisionnement à une source de proximité est bien moins onéreux que celui d'un captage lointain avec ses stations de distribution, ses pompes de relevage, ses kilomètres de canalisation. Avec la source de la Fontaine au Jules, la gravité suffira à amener l'eau jusqu'aux domiciles des habitants de Neuvy deux Clochers.
> Photo : les travaux en cours le 6 août 2013. En contrebas, caché par la végétation, le hameau "Les poteries".
> Merci pour ces informations à Jean-François Turpault, président du Syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable de Neuvy-Neuilly, et maire de Neuvy deux Clochers.
> C'est à un habitant du hameau "Les Poteries", Michel Auchère, que l'on doit d'avoir retrouvé le nom de la "Fontaine au Jules". Michel Auchère a aussi donné le nom "les châtaigniers" à l'autre source, à cause de son emplacement.
> Lire dans gilblog : "Combien de fermetures de captages d'eau potable dans le Cher ?" >>> Lien.