“Les Pétroleuses”, d’Édith Thomas est une réédition (attendue depuis plus de cinquante-ans !) du livre paru en 1963. Un livre qui tient une place importante parmi les ouvrages historiques modernes sur la Commune, écrits sur la base d’archives et de documents authentiques (et non des racontars versaillais). Un livre résolument moderne et d’actualité.
Le terme de “pétroleuse” fut inventé en 1871 pour stigmatiser les femmes que l’on accusait, à tort, d’avoir incendié Paris. Les “pétroleuses” sont un mythe et font l’objet d’histoires invraisemblables complaisamment répétées par des plumitifs peu scrupuleux. Malgré l’absence de preuves, ces femmes au courage et à la détermination exemplaires, ont été fusillées par vagues, ou condamnées à la déportation. Comme pour leur rendre justice, Édith Thomas raconte ici leur histoire, l’histoire de la Commune vécue par des femmes en marche vers leur émancipation ; chacune réhabilitée dans son nom, sa profession quand elle en a une, son caractère, sa situation sociale, son rôle durant le printemps de 1871.
Le titre du livre, choisi à l’époque de la première parution pour provoquer l’attention, pourrait tromper le lecteur. Mais il s’agit en réalité d’un ouvrage féministe, une large fresque sur la vie et l'activité des femmes durant la période d'insurrection parisienne. Et, plutôt que de fournir des explications abstraites, idéologiques, de l’événement historique, “Les pétroleuses” fait revivre devant les yeux des lecteurs contemporains, les personnages, humbles ou célèbres, de cette époque passionnée.
En même temps qu’elles participaient aux combats, les femmes de la Commune s’exprimèrent surtout dans deux domaines : l'organisation du travail et l'enseignement, deux activités constructives, même si le temps fut trop court pour en mesurer les effets. Dans le premier domaine il fallut principalement donner du travail, créer des coopératives, rouvrir les ateliers abandonnés. Dans l'enseignement, la société l’Éducation nouvelle proposa à la Commune des formules neuves, résultat des travaux d'une commission de six membres comprenant trois femmes. Citons notamment : enseignement gratuit, obligatoire et laïc, enseignement technique professionnel féminin, réflexions et projets pour créer les premières crèches.
L’un des principaux intérêts du livre est de montrer le comportement et l'apport des femmes dans la vie sociale, intellectuelle et politique de la Commune. Édith Thomas fait revivre devant nous bien d'autres personnages que Louise Michel (à qui plusieurs pages sont consacrées), citons la journaliste André Léo, Elisabeth Dmitrieff, fondatrice de l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés, Anna Jaclard, et tant d'autres plus modestes, dont les dossiers de la préfecture de police et des conseils de guerre résument les brèves et tragiques existences.
“Sans doute n’y a-t-il qu’une seule histoire, où se trouve entraîné tout le genre humain. Mais cette histoire est presque exclusivement l’œuvre des hommes. D’après les résultats, ce n’est pas là leur faire un compliment. Les femmes, en tout cas, n’y figurent guère que comme comparses ou comme victimes”. Édith Thomas dans son ouvrage, n’épargne pas certains hommes, qu’il s’agisse de Proudhon et ses théories antiféministes fumeuses, des officiers et des médecins de la Commune hostiles aux ambulancières ou aux cantinières, et de certains élus communards, ils ont droit à leur volée de bois vert. Autant d’observations qui permettent de situer le statut des femmes dans l’époque.
Un vent de sympathie en faveur de la Commune souffle dans les pages du livre, mais, historienne formée à l’École des Chartes, Édith Thomas s'appuie sur des textes d'archives sûrs et contrôlés ; et elle leur donne vie en journaliste. Avec une grande exigence intellectuelle, une rigueur constante et le sens concret de l’Histoire, Édith Thomas nous transporte dans l’insurrection. Un événement dont l’invention et le génie particulier restent toujours, (et plus que jamais actuellement), d’actualité.
> Auteur d’une vingtaine de romans et livres historiques, Édith Thomas est une pionnière de l’histoire des femmes et du féminisme. Après des études à l’École des chartes, elle obtient le Prix du premier roman en 1933. Elle devient journaliste à Ce soir et suit la Guerre d'Espagne au côté des Républicains. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle entre dans la Résistance. Elle contribue à la parution des "Lettres françaises" clandestines et publie ses œuvres sous le manteau. Elle fonde le Comité national des écrivains avec Jean Paulhan et Claude Morgan. Elle devient conservateur aux Archives nationales en 1948. Membre du jury du prix Femina, Édith Thomas meurt en 1970.
On lui doit notamment des ouvrages sur Louise Michel, George Sand, Louis Rossel, Jeanne d’Arc, Les femmes de 1848…
> Édith Thomas. “Les Pétroleuses”. Préface de Bernard Noël. Dessin de couverture Ernest Pignon-Ernest. Un livre broché de 370 pages. Format 14X20 centimètres. Éditions l’Amourier (réédition du livre paru en 1963 chez Gallimard). Prix 23 euros. En vente à Bourges : La Poterne 41 rue Moyenne, Point virgule rue d’Auron, et dans les bonnes librairies. Vente en ligne chez l’éditeur. >>> Lien.