Les nouvelles histoires de Berlaudiot.
Le rêve des gars de La Charnivolle est de réussir à jouer un tour à Berlaudiot, mais à chaque tentative le tour se retourne contre eux. Pourtant un jour ils mettent au point un plan qui ne peut pas échouer ...sauf si Berlaudiot oublie d’aller boire un coup chez la Zézette Descloux (et ça c'est pas possib').
C'est Julien Testard, le boulanger (dit "la belette"), qu'a eu l'idée des poules pondeuses.
- Eun' sacrément boune idée ! On va apporter chacun un' œu pour y fée l'coup des couisses.
Le jour dit une douzaine de gars attendent Berlaudiot devant la porte du bistrot. Parmi eux il y a Paulin Chigot le maçon (dit "cadet"), Hector Trémeau le maraîcher (dit "chicoin"), Simon Taillemitte le facteur (dit "chasse rosée"), et pi Antoine Bedouillat (le fils de la postière (dit "nez d'chat"), et Pierrot Chamaillard le cantonnier (dit "nainain"), et pi queuqu' zaut' encore... C'est dire combien l'idée du Julien Testard al' est boune.
Justement, v'la Berlaudiot qu'arrive....
- Eh, Berlaudiot tu veux ty parier avec nous d'pond' un' œu ? Et çui qu'arrive pas à pond' un' œu dans le bistrot, y payera la tournée à tout l'monde....
- C'est-ty qu'vous savez pond' des oeufs à c't'heure, les gars ? leur demande Berlaudiot.
- Dame bin sûr ! disent-ils, en essayant de ne pas pouffer de rire. Alors, tu veux t-y jouer, Berlaudiot, oui ou non ?
- Sûrement que j'vas y jouer, mais alors pour éviter la triche, y faudra tous baisser vos pantalons pour que j'vous vouée pond', répond Berlaudiot.
En baissant leurs pantalons, les gars se montrent plus bazagna les uns qu' les aut'. Et pour s'acroptouner, y mettent yeux mains sul' plancher pour pas tomber à la renverse. Et pi v'la que Julien Testard y s'met à fée l'cri de la poule "Cot-cot-cot… cot-cot-cot, cot-cot-cot", et y r'mue les bras et y sautille en canetant. Puis il montre le plancher où, miracle, vient d'apparaître un bel œuf, jaune et bien lisse. Paulin Chigot fait le même manège et montre un autre œuf à l'endroit où qu'il'tait agrousé. L’un après l’autre, Bedouillat, et pi Chamaillard et pi les aut' gars y caquettent, agitent yeux bras en canetant, jusqu’à c'qui zaient déposé chacun un œu sul' plancher.
Berlaudiot, pas dupe, a bien vu qu’ils gardaient tous une main fermée en s'acroptounant. Et maintenant, leurs mains sont vides.
- A ton tour maintenant, Berlaudiot. Montre-nous quelle bonne pondeuse que t'es, ou alors paye la tournée !
Berlaudiot regarde les gars et leur dit "restez bin cul nu coum' vous êtes", puis il saute sur un banc, tend le cou comme s’il voulait toucher le plafond avec sa tête, agite ses bras et ouvre tout grand la bouche....
Et là, il fait un tonitruant Cocorico ! Cocorico ! qui résonne hors du café et dans tout le village. Tout le monde accourt des quat'coins d'la Charnivolle, et les femmes s'esclaffent en voyant la bande des culs nus.
Alors, du haut de son perchoir, Berlaudiot dit aux gars :
- Dans une basse cour pour avoir des pondeuses, y faut un jau qui monte les poules, sinon point d'œufs. Alors si vous voulez pas y passer comme les poules, payez moué chacun vot' tournée, et pi tant qu' j'y suis j'emporte la douzaine d'œufs !
L'histoire s'est vite répandue, et c'est pour ça que dans le Berry, on appelle désormais les gars de La Charnivolle "les culs nus" !
> Si le sens d'un mot vous échappe, vous le trouverez dans le glossaire du parler berrichon de gilblog. >>> Lien.