À La Charnivolle, y a pas qu’des mondes ou bin des gens connus, y a aussi une vache exceptionnelle. C’est la vache à un fermier, Étienne Babillot, qu’y s’appelle (mais à La Charnivolle, on dit l’ raboulou). Eun’ vache mais alors eun’ vache … exceptionnelle. Y l’appelon la Reine, pasque à gagne toutes les médailles dans tous les concours agricoles. Du coup, le Babillot, il est fier coum’ un pet. Et tout le monde dit :
La Reine, c’est bin la reine des vaches, y a rin à fée pour la battre, dans les concours agricoles, c’est couru d’avance, les médailles d’or c’est toujours pour elle. Al’ en récolte tel’ment, qu’y faurait même eun’ deuxième bétaillère en r’morque rin qu’pour rapporter toutes ceux médailles !!!
Un jour su’ l’champ d’fouére de Mareuil, y a Étienne Babillot qui rencontre Berlaudiot. Il lui dit bonjour, et pi d’un coup y s’approche et y s’met à y causer tout bas en segret :
Berlaudiot, j'ai une affée à te proposer mais rin qu’à toué. Acout’ moué bin .
Berlaudiot y commence à fée oreille.
- Oui, poursuit Babillot, j’te vends La Reine.
Babillot, t’es ti fou ? Tu m’vends vraiment La Reine ?
- Dame oui, je te vends La Reine, mais, dame, faut pas en causer….
Berlaudiot y commence à réfléchir, y se dit que Babillot va lui demander au moins trois millions (faut que j’vous dise, c’t’histouére là à s’passe avant l’euro) pour eun' vache aussi formidab’.
- Acoute bin, lui dit Babillot, je te la vends deux cent mille francs. Mais chut, tu dis rin à personne.
Quoi ? fait Berlaudiot qui croit avoir mal entendu.
~ Oui, deux cent mille francs.
Tu parles si Berlaudiot y veut donner les deux cent mille à Babillot. Alors le raboulou, prend un papier où il écrit : La Reine est vendue, al’est maintenant à Berlaudiot. Et y met son nom en bas du papier.
- T’as pu qu’à signer aussi Berlaudiot et La Reine al’ est à toué !
Belaudiot y se tient plus de joie,
Attends moué là raboulou, qui dit; et y cavale à la maison chercher les sous, pi y recavale à Mareuil pour les donner à Babillot, pi y re cavale à l'étable chercher La Reine, c’te vache exceptionnelle.
Seu’ment, quand il arrive, tu parles d'une gueule qu'y fait. La Reine al’est allongée su’ la paille, raide coum’ un poteau du téléphone. Y a pas à charcher l’vétérinaire, al’ a fait sa crevaison. Pire, al’ est même défuntée ! Al’ a sauté l’barriau , c’est fini pour la Reine !
Berlaudiot commence à se dire qu’il a pas fait une bonne affaire, mais il a payé et il a signé… Il reste là un bon moment, à contempler le cadavre de la vache, et y pense, y pense. Dame deux cent mille francs, y a d’quoué penser ! Et pi, d’un coup, il a eun’ idée…..
II va au bistrot à la Zézette où tous les gars de La Charnivolle sont réunis pour le concours de belote …Berlaudiot s’approche du comptoir et demande bien fort :
Zézette, donne moi eun’ goutte dans un verre à bière !
Les gars de La Charnivolle relèvent la tête. Les v’la tous qui s’arreuillent.
Il avale sa goutte cul sec et redemande :
Zézette, encore eun goutte dans un verre à bière !
La Zézette à r’met ça, et Berlaudiot refait cul sec. Pour le coup, tout le monde pose ses cartes et Pierrot Chamaillard (dit “nainain”), dit bien fort :
- Hé, Berlaudiot, c’est ti qu’t’aurais fait eun’ affée ?
J’bois, j’cause pas d’affée, répond Berlaudiot..
Mais l’Pierrot Chamaillard se lève et répète :
- Berlaudiot c’est ti qu’t’as fait eun’ bonne affée ?
Tu voué bin que j’bois. Quand j’bois j’cause pas d’affée.
- J’te cré pas, tu bois d’la goutte dans des grands verres, c’est qu’t’as fait eun’ bonne affée, ou bin qu’t’as hérité.
Berlaudiot y répond toujours pas.
- Alors, Berlaudiot, tu nous la dit c’t’affée ou tu la dis pas ?!?! s’exclament-ils.
Bin oui, c’est vrai, j’on d’acheté La Reine, mais du coup j’on plus d’économies, me v’la nécessiteux ! répond Berlaudiot..
On rigole, on veut pas le croire. Alors, il sort le papier signé avec Étienne Babillot et il le montre à tous.
Alors pour le coup, ça proteste et ça rigole.
- Comment, t’as fait ça rin qu’pour toué et t’as rin dit à personne ? Et comment qu’tu vas la nourri’ La Reine ? Et comment qu’tu vas l’em’ner dans yeu concours agricoles, c’est ti qu’tu la f’ra monter dans ta deudeuche ? Dame, Berlaudiot, tu t’es bin bordi dans c’t’affée là !
Et la Zézette a dit :
Y a des foués ou bourse vide est plus lourd’ à porter qu’eun’ bourse pleine !
Berlaudiot prend l’air de réfléchir, puis, après un long silence, il dit :
Attendez eun’ minute, on va l’ach’ter à nous tous, la Reine !
Et v’la Berlaudiot qui compte tous les gars du concours de belote :
Quarante-huit, qu’y dit. C'est facile, chacun y met vingt mille francs. On met tous les noms dans un chapiau, et la Zézette a tire un nom. Çui là qui gagne il est propriétaire de La Reine en plus de gagner l’concours de belote !
Tous les gars donnent vingt mille à Berlaudiot.
- Dame, y en a jamais assez si n’y en a trop, s’exclame la Zézette.
On met tous les noms dans l’chapiau et la Zézette a tire un nom.
Coup du hasard, c’est Dédé Champault, l’marchand de bestiaux qui gagne. Berlaudiot signe un papier où il écrit : La Reine appartient à Dédé Champault. Et y signent tous les deux.
Avant d’partir, y dit : c’est Dédé Champault qui paye mes verres ! Et il s’en va.
Le lendemain, à six heures du matin, Berlaudiot entend frapper à sa porte. C’est Dédé Champault qui fait un tête longue comme un paissiau d’vigne : - Tu sais, Berlaudiot, La Reine, ça va pas.
Pourquoi ça va pas ?
- Al’ est morte ! Dame, a mouchera plus ! Al’ a déttelé pour de bon !
Ah c’est ti pas malheureux ça, mon pauv’ Champault ! Dit Berlaudiot, compatissant.
Puis Berlaudiot.réfléchit un bon coup et dit :
Bin alors pisqu'al' est morte, tiens Champault, j’te rends tes vingt mille francs, et on en cause pu.….
> Si le sens d’un mot vous échappe, vous trouverez la réponse dans le Glossaire du parler berrichon de gilblog. >>> Lien.