Jeudi, avant même que la grève soit finie, on a livré du gazole aux pompes d’Intermarché. Chouette, pas de longue file d’attente ; j’en profite pour faire le plein. J’ai été devancé par un autre véhicule qui s’est mis en position devant le distributeur. En position, c’est beaucoup dire, car le conducteur s’est arrêté en travers et occupe trop d'espace. Tant d'espace qu’il encombre deux voies et gêne ceux qui voudraient s’arrêter à la pompe d’en face.
En fait, le conducteur est une conductrice. Affichant un sourire satisfait, une dame au gros popotin sort de la voiture et entreprend de lire les instructions, commence les manipulations du clavier, fait des contorsions et des grimaces, cherche la fente pour introduire sa carte bancaire, relit les instructions, se remet au clavier, etc.
Pendant que, de l’intérieur de mon auto, je regarde ce manège qui fait penser à un film muet, une autre voiture s’introduit de justesse dans l’espace étroit que la dame au gros popotin a laissé.
La conductrice s’extrait difficilement du véhicule car, sa voiture étant serrée contre la pompe, elle peut à peine ouvrir la portière. Heureusement pour elle, elle a un petit tour de taille et une souplesse que ne laissaient pas imaginer ses cheveux blancs.
Elle fait un signe de détresse à la dame au gros popotin qui a conservé son sourire satisfait, mais qui fait non de la main et refuse de bouger sa berline.
La dame aux cheveux blancs se résigne a œuvrer dans un espace réduit et, après les manipulations d’usage, branche le tuyau sur son réservoir et commence à remplir.
Pendant ce temps, la dame au gros popotin a terminé son plein et ferme le réservoir. C’est le moment de remonter dans sa voiture.
Ah, oui, mais c’est impossible ! Comme elle n’a pas laissé assez d’espace pour les deux bagnoles, elle ne peut pas ouvrir assez grand la portière et ne peut pas entrer, et encore moins s'asseoir !
En désespoir de cause elle fait des gestes d’appel à l’aide à la dame aux cheveux blancs.
Bien campée sur ses deux jambes, la dame cheveux blancs lui répond par la négative. Et elle lui fait signe de faire le tour de l’auto et d’y entrer par le côté passager.
Pendant que je savoure la conclusion de cette petite comédie muette, la dame au gros popotin, qui a perdu son sourire satisfait, se plie et contorsionne à l’intérieur de sa morgane, elle parvient à s’asseoir, elle reprend son souffle, démarre après deux ou trois ratés et part sans demander son reste.
Il y a parfois des jours maussades qui s’éclairent d’un rayon de soleil et nous vengent de nos petites misères…...