Les nouvelles histoires de Berlaudiot.
Après avoir bu une douzaine de chopines de blanc en jouant à la belote au café d'la Zézette, Alexandre Lerasle le forestier (dit Lexandre couillon) s'est bien graissé la meule. Il est tellemnt éméché, qu'il fait le pari de monter au faîte du grand fûtiau de la place de La Charnivolle. Plein d'entrain il va au pied de l'arbre et il grimpe (les arb' ça l'connaît). Il arrive en haut à peine essouflé, et v'la ti pas qu'y s'met à chanter comme une talune dans un sabiot....
Mais au moment de r'descend' y s'sent coum' un ballon d'foot après l'match. Il est tout éberluché, il est pris d'vertiges. Maintenant, il appelle à l'aide.
Sur la place, les gars sont tous sortis du bistrot, des passants arrivent, ça fait un bel attroupement. On se moque : "Bin Lexandre c'est pas pour de rin qu'on t'appelle couillon !" Puis on lui crie des conseils "r'gard pas en bas", descend par la drète, non par la gauche", "Tais toué donc, faut app'ler les pompiers anc' yeu grand' échelle" ... etc.
Entendant ce foin, Berlaudiot rejoint la place et voit Lexandre couillon en haut du grand fûtiau. Il se fraye un passage dans l'attroupement et, tout faraud, lance à la cantonnade :
J'm'en vas vous le r'descend' moué vout' Lexandre ! J'm'en vas y faire un sauv'tage à la corde.
Il demande une longue corde à Antoine Massicot le quincailler, qui court aussitôt et en rapporte une de son magasin. Puis Berlaudiot en lance un bout à Lexandre.
Attache là autour de ta taille, coum' eun' ceinture.
Bin qui don qu'tu fais, Berlaudiot, ? Disent les badauds. Tu peux pas sauver un homme coincé su' eun arb' de c'te façon !
Faites moué confiance, j’connais bin la méthode du sauv'tage à la corde, al' est bin efficace.
Vas y Lexandre, attache toué bin !
Lexandre couillon en tâtonnant un peu noue la corde autour de sa taille.
T'as ti bin fait l'nœud ? Tu l'as ti bin serré ? crie Berlaudiot. Attention j'y vas !
Et Berlaudiot tire sur la corde de toutes ses forces.
Bardadas ! On entend le bruit d'une espèce de choc mou, c'est Lexandre qui tombe à terre.
D'abord tout essaboui, Lexandre se plaint. Aïe aïe aïe. Il est bin amoché, il a l'nez qui saigne et une épaule de traviolle.
Regard' don c'que tu y a fait anc' ta corde Berlaudiot, t'es bête à manger du fourrage ! Y a pas d'quoi êt' fier ! s'écrient en chœur la Huguette et la Zézette.
Pourtant, j’ai bin vu sauver un gars coum ça, répond Berlaudiot. Mais à c't'heure jem' souvins qu'c'était pour eul' sortir du puits lavou qu'il 'tait tombé !
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