Le prix Pinocchio de l’écoblanchiment a été décerné au leader mondial des engrais chimiques Yara par la Confédération paysanne et les Amis de la terre, le 24 février. Comme il existe un blanchiment de l’argent sale, il existe un blanchiment de la pollution, une pratique mensongère de la communication à laquelle se livrent un certain nombre d’entreprises. La notoriété qu’ont gagnée les Prix Pinocchio fait qu’ils sont aujourd’hui redoutés par ceux qui craignent pour leur réputation. Ils sont devenus un outil de pression pour les faire changer de pratiques.
Donc, lundi 24, au salon de l’Agriculture, les associations Les Amis de la terre et la Confédération paysanne ont envahi symboliquement le stand du ministère de l’Agriculture pour décerner plusieurs "prix Pinocchio 2020" dénonçant le greenwashing l’écoblanchiment.
Yara, peu connue du grand public, est l’incarnation parfaite de la multinationale qui avance masquée. L’agriculture "intelligente face au climat" dont elle se drappe, n’est autre qu’une image fallacieuse basée sur l’utilisation intensive de produits chimiques, au détriment de la santé, des écosystèmes et du climat, a déclaré en substance Anne-Laure Sablé, des Amis de la Terre.
En déployant une banderole sur le stand du ministère "nous allons tenter de reprendre la main en coupant les ficelles qui relient l’agrobusiness et le ministère", a déclaré le porte-parole de la Confédération paysanne, Nicolas Girod, en coupant des ficelles tombant d’une maquette de main géante apportée par les bénévoles.
Depuis le début de l’année, le public était appelé à voter afin de désigner "la pire" parmi trois entreprises : Yara, Lactalis et Bigard. Plus de 12 800 personnes ont pris part au vote, choisissant à 40% l’entreprise norvégienne.
Yara était nommée dans la catégorie "Les engrais chimiques, c’est magique", le groupe laitier français Lactalis dans la catégorie "Se faire du blé avec les produits laitiers" et le groupe français spécialisé dans la viande Bigard pour "La face cachée de ton steak”. (Bigard et Lactalis sont en deuxième et troisième position).
Selon une étude menée par les Amis de la Terre, la multinationale Yara a vu ses émissions de gaz à effet de serre augmenter de 20 % entre 2009 et 2017, la fabrication d’engrais chimiques nécessitant de l’hydrogène produit à partir d’énergies fossiles. Yara est ainsi le premier acheteur de gaz fossile en Europe. Que ce soit dans les étapes de fabrication en usine, ou dans les champs, les engrais chimiques sont également responsables d’émissions de protoxyde d’azote, d’ammoniac et de pollutions de l’eau par les nitrates. Son site français de Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire, classé Seveso seuil haut, a fait l’objet de mises en demeure en 2018 et en 2019 parce qu’il dérogeait aux règles sécuritaires et environnementales. Yara est également accusée de ronger l’autonomie des agriculteurs par sa politique de prix. Les produits chimiques représentaient en moyenne 14,1 % des dépenses d’une ferme en France en 2019.
Yara, qui a recueilli 40 % des 12 800 votes pour le prix, était en lice face à deux autres géants de l’agroalimentaire : Lactalis et Bigard. Le géant laitier, détenteur des marques Président et Galbani, et marqué par le scandale en 2017 du lait infantile contaminé à la salmonellose, talonnait Yara, avec 39 % des voix, tandis que Bigard (qui possède notamment la marque Charal), propriétaire de nombreux abattoirs en France, a obtenu 21 % des voix.
Bref, trois candidats qui symbolisent l’industrialisation de l’agriculture. Destruction de l’environnement, accaparement de terres, conditions de travail indignes, pollution, désinformation sur les conditions sociales et environnementales de production, impacts sur les communautés locales… voila les activités les plus nocives commises par des entreprises françaises ou ayant des activités en France dans le secteur agricole et alimentaire.
Qu’on se le dise !
> Sources: Le Monde et Ouest France.