Il y a trente ans, le 9 septembre 1987, démarrait le premier réacteur de la centrale de Belleville. Mais il n’y a pas de quoi fêter un anniversaire …puisque le principal intéressé (la centrale) n’est pas en bonne santé…
On apprend le 16 octobre qu’un incident de niveau 2 est signalé par l’Agence de Sureté du Nucléaire (ASN). Des tuyaux situés dans la station de pompage d’eau froide sont atteints par la corrosion. La rupture de ces tuyaux (inondation, choc, séisme…) noierait la station de pompage qui ne pourrait plus assurer sa fonction de refroidissement. D’où le risque de “perte de la source froide” destinée à refroidir les réacteurs. C’est pourtant ce dispositif qui permet d’éviter la fusion du cœur des réacteurs en cas d’accident grave, comme celui de Fukushima.
Le Berry du 18 octobre donne une description détaillée de l’événement et le situe dans le contexte de vingt autres réacteurs en France qui présentent le même défaut que Belleville (Cattenom, Chinon, Cruas, Dampierre-en-Burly, Golfech, Nogent-sur-Seine, Paluel, Saint-Alban et Saint-Laurent-des-Eaux, sont concernés par cet événement). C’est à lire et c’est à souligner (!) souhaitons que notre dernier quotidien régional poursuive dans la voie d’une information sans fard et rompe avec sa complaisance habituelle envers les discours officiels.
Ce dernier événement confirme que le site nucléaire accumule les difficultés. “Depuis l’origine, les enceintes des bâtiments abritant le réacteur ne sont pas étanches. Pour y remédier, on tartine régulièrement sur le béton, des résines dont la résistance à la chaleur, aux radiations en cas d’accident n’est pas garantie”, déclare Daniel Deprez, pour l’association Sortir du Nucléaire Berry-Giennois-Puisaye.
Dans un récent rapport, l’Agence de Sureté du Nucléaire (ASN) a énuméré des problèmes liés à la gestion des travaux de maintenance : travaux retardés, fuites non colmatées, défaut de balisage des zones à risques, dispositifs de sûreté sur les piscines de désactivation absents jusqu’en 2013, non tenue aux séismes de tuyauteries de refroidissement …etc. La liste est longue ! Le 7 septembre dernier, l’ASN a convoqué le directeur de l’unité nucléaire d’EdF pour lui signifier la mise sous surveillance renforcée de la centrale. Le rapport de dix huit pages énonce les nombreux motifs de cette sanction en forme de blâme.
Daniel Deprez s’interroge : Toutes ces anomalies sont-elles le fruit de la vétusté du site (les deux réacteurs de 1300 mégawatts chacun étaient initialement prévus pour durer trente ans) ? Y-a-t-il une défaillance dans l’organisation du travail ? Est-ce un problème financier (on sait EDF sérieusement endetté) ? Y-a-t-il incompétence des équipes chargées du travail ?….
On sait maintenant que les accidents graves surviennent à la suite d’une série de défaillances causées par la négligence ou la maladresse humaine. Faudra-t-il attendre un gros pépin à Belleville pour réagir ?
Ce qui est étonnant, est que la direction de la centrale (souvent relayée jusqu’à présent par le quotidien local Le Berry), clame en permanence qu’elle maîtrise la situation et qu’il n’y a pas à s’inquiéter. “Toutefois, ajoute Daniel Deprez, elle refuse de débattre des remarques de l’ASN publiées dans les rapports d’inspection. Y aurait-il quelque chose à cacher ? Pourquoi lors d’un prélèvement sur la piscine de stockage des barres de combustible, six mètres cubes d’eau radioactive ont-ils été déversés ? La question a été posée mais on n’a obtenu que le silence en réponse”.
Greenpeace vint d’attirer l’attention sur ces “piscines” de désactivation un peu spéciales dans les quelles EdF dépose tous les quatorze mois des barres d’uranium venant des réacteurs. En cette période d’actes terroristes, Greenpeace critique la vulnérabilité de ces stockages situés sur le terrain des centrales, dont les parois de béton armé n’ont que quelques dizaines de centimètres d’épaisseur. Une attaque contre ces réservoirs, ou un sabotage “pourrait provoquer une catastrophe majeure avec un relâchement important de gaz et de particules radioactives” dans un rayon allant jusqu’à deux cents kilomètres !
Depuis la récidive avec de nouvelles infractions, et la mise sous surveillance renforcée de la centrale de Belleville sur Loire, le Réseau “Sortir du Nucléaire” et le groupe local “Sortir du Nucléaire Berry-Giennois-Puisaye” ont décidé de déposer une nouvelle plainte au tribunal de Bourges “En violation du code de l’environnement, de la réglementation relative aux installations nucléaires et du code du travail”. La démarche sera suivie de deux rassemblements, vendredi 20 octobre à Bourges et dimanche 22 à Cosne.
Daniel Deprez ajoute que “Les deux associations appellent les citoyens à ne pas s’en laisser conter et à venir nombreux devant le Palais de Justice de Bourges, vendredi 20 octobre à 16 heures et dimanche 22 à 11 heures devant la mairie de Cosne sur Loire”.
> Photo du haut. Devant le Palais de justice de Bourges, vendredi 20 octobre.
> Lire dans gilblog: Centrale nucléaire de Belleville. EdF dans le collimateur de l’ASN. >>> Lien.
Site web de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire (Cher). L’ASN met le site sous surveillance renforcée. >>> Lien.
Le Berry. L'ASN signale une dégradation grave de tuyaux à la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire. >>> Lien.
Site web de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. L’ASN classe au niveau 2 de l’échelle INES un événement conduisant à un risque de perte de la source froide de 29 réacteurs nucléaires exploités par EDF. >>> Lien.