Depuis que que le président Macron s’est prononcé pour l'interdiction du glyphosate dans les trois ans (sous conditions), 2020 sera, soyons en certains, l’année des stratégies d’évitement. Stratégies qui permettront de contourner allègrement les directives visant à réduire l’utilisation du sinistre glyphosate. Glyphosate, qui comme chacun le sait, est le principe actif du désherbant “Roundup” produit phare de Bayer-Monsanto. Dans le Cher, nous dit Alain Broglio, on dirait même que ça a commencé...
J’ai donc récemment reçu une invitation, écrit notre reporter exclusif sans peur et sans reproches, qui me conviait au raout de présentation d’un programme relatif à un grave problème de santé publique. On s’inquiétait de la présence d’une plante invasive et allergène, à savoir l’ambroisie*, dans notre beau département. La chose se déroulait dans le cadre prestigieux de la salle du Duc Jean, à l’Hôtel du Département.
Prenant mon courage à deux mains et mon stylo et mon carnet de l’autre, je me rendis à cette réunion d’information diligentée par l’ARS (Agence Régionale de Santé). La DDT (Direction Départementale du Territoire), en la personne de son directeur était présente, ainsi que la FREDON (Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles), qui se présente comme un réseau d’experts indépendants au service de la santé du végétal. Pour les professionnels agricoles, la FREDON agit de la détection jusqu’à la maîtrise des bio-agresseurs et espèces invasives. (On notera que selon la terminologie langue de bois en vigueur, les agresseurs sont bio, et que les produits sont phytosanitaires, et non pas chimiques).
Cette réunion avait pour but d’informer des risques sanitaires liés aux allergies qui touchent en France 5,3 millions de personnes. Ce sont les pollens des fleurs qui, transportés gracieusement par les zéphyrs sur de longues distances, sont la cause des allergies qui se manifestent principalement en été. Une présence de 10 grains de pollens par mètre cube suffit à provoquer des réactions chez les personnes sensibles. Les conséquences sont : des rhinites, des urticaires, de l’eczéma et notamment de l’asthme.
Selon les dires de l’ARS, ces affections coûtent à la collectivité 329 Millions d’Euros par an en dépenses de santé. Quand on parle de millions, l’oreille devient plus attentive… Et quand il s'agit de millions, on n'est pas loin de lancer un plan d’action ou un plan d’économies (cocher la case correspondante).
En l’occurence il s’agit de la rédaction courant 2020 d’un projet d’arrêté préfectoral qui permettra la mise en place d’un plan de lutte départemental (la guerre contre l’ambroisie est déclarée !). Pour ce faire, notre belle administration a eu l’idée de faire démocratiquement appel au peuple (on a de la chance, d’habitude ils font ça tous seuls).
Donc, plusieurs ateliers seront créés et les participants devront faire phosphorer leurs neurones sur les moyens de lutte à mettre en place pour éradiquer l’allergisante ambroisie et la bouter hors de nos campagnes.
Ces ateliers seront thématiques et se réuniront dès le début 2020, chacun sous la houlette d’un animateur et l’ARS annonce rechercher une forte participation de la société civile. Et, miracle d’efficacité, les animateurs d’ateliers ont déjà postulé et sont d’ores et déjà adoubés par les instances de notre prévoyante administration. Trois groupes de travail seront donc à l’œuvre dès janvier sous la houlette “d’experts“.
Premier atelier : L’agriculture, sachant que ce sont exclusivement les cultures conventionnelles des plaines céréalières qui sont à l’origine de l’expansion de l’ambroisie. Le pilote expert sera monsieur Gilet, de la chambre d’agriculture.
Deuxième atelier : Les voies linéaires, que sont les autoroutes, les routes, les voies ferrées etc… Le pilote expert sera monsieur Richard représentant de la direction des sociétés d’autoroutes.
Troisième atelier : Les collectivités territoriales. Le pilote expert sera une personne des services techniques de Bourges.
L’examen attentif de l’exposé permet de dénombrer les moyens de luttes envisagés. Se débarrasser de l’ambroisie n’est pas une mince affaire : en plus de la longévité de ses graines, la plante a une fâcheuse tendance à repousser après un fauchage, mais aussi après un désherbage thermique ou chimique. Tout d’abord, dès qu’une plante est détectée, il faut signaler avec précision sa présence aux autorités. L’arrachage dans tous les cas devrait être la technique privilégiée, mais en toute fin de l’exposé, il me fut possible d’apprendre qu’il ne fallait pas s’interdire l’utilisation de désherbant chimique…
Désherbant chimique, le mot était lâché. En conséquence, il est facile de comprendre que l’utilisation du glyphosate sera autorisée selon un régime dérogatoire. La question que je posai à l’assemblée suscita de la part d’un agriculteur présent dans la salle une diatribe qui ne laissa aucun doute sur ses intentions ! A savoir que si on lui interdisait l’utilisation de “Roundup”, il n’aurait plus qu’à mettre la clé sous la porte.
Propos pour le moins radical s’il en est, et déjà maintes fois entendu dès qu’on prononce le mot glyphosate devant un adhérent de la FNSEA ! Plus discret, le gestionnaire des autoroutes a laissé entendre que la lutte chimique ne pouvait être écartée.
Sachant que le meilleur moyen de lutter contre l’ambroisie dans les zones ouvertes, telles que les espaces agricoles, reste le maintien d’une riche biodiversité, on peut s’interroger sur les intentions de ces messieurs.
A l’issue de cette réunion au discours un tantinet biaisé, nombre de participants avaient compris qu’en fait, la guerre contre l’ambroisie arrivait à point nommé pour sauver le soldat glyphosate.
L’affaire n’étant qu’à ses débuts, attendons avec impatience les conclusions des travaux des ateliers précités. Alors que le président Macron a affirmé, le 27 novembre 2017, que le glyphosate serait interdit en France “au plus tard dans trois ans” (c’est à dire en 2020), verrons nous un nouveau contournement ? Rappelons que le ministre de l'Écologie déclarait en novembre dernier, que sur 27.000 tonnes d'herbicides utilisées dans le pays, le glyphosate en représente un tiers.
Alain Broglio, envoyé spécial pour gilblog.
> Pour ceux qui n’auraient pas l’insigne honneur de participer à un des ateliers préfectoraux, je signale la causerie de Daniel Deprez sur les pesticides à l’Antidote le 24 janvier à 19h30, 88 rue d'Auron.
> Les ambroisies. http://www.lafranceagricole.fr/actualites/ambroisie-trois-especes-classees-nuisibles-pour-la-sante-1,1,2027267289.html
Le site du Fredon: https://www.fredon-centre.com/