Jean Boireau, un lecteur de gilblog, m'a envoyé cette page de souvenirs à La Borne. Des souvenirs qui datent de 1937. Comme je n'étais pas à La Borne en ce temps là, j'ai demandé son aide à Monique Talbot pour tel ou tel détail. Les précisions de Monique Talbot sont en italique.
Souvenirs de mes 11 ans, par Jean Boireau. À cette époque, j'habitais la maison forestière à l'orée du bois dans un champ. Le petit train départemental (le "tacot") passait pas loin derrière la maison.
Pour aller à l'école, je marchais quelques centaines de mètres pour atteindre les premières maisons du village. Dans une des premières maisons à gauche une certaine Bernadette (Vaullerin) avait été ma cavalière dans une noce berrichonne. A droite, en passant (devant la troisième maison à droite), je disais toujours bonjour à madame veuve Talbot, l'épicière, qui me répondait d'un petit signe de la main avec un sourire malicieux. Elle se tenait derrière sa balance Roberval et son énorme moulin à café ; par terre devant le comptoir, il y avait de gros sacs de jute aux bords retournés, pleins de riz, de haricots et de lentilles.
Un peu plus loin à gauche (chemin du p'tit crot), monsieur Talbot (Alphonse, l'oncle de Monique Talbot) potier, que je voyais dans le fond de son atelier, debout lançant avec une grande perche la roue enterrée (le tour à bâton) où se trouvait la motte de glaise sur la tablette. Il allait la transformer avec ses mains d'artiste en pot, pichet, cruche, cuve, cuveaux petits et grands saloirs, qu'il cuirait dans un immense four à gueule ouverte alimenté par des fagots, pendant trois ou quatre jours et nuits. C'était un métier ingrat, peu rémunérateur, demandant un long apprentissage... Il fallait trois ou quatre années pour qu'une femme soit promue ansière. De l'autre côté de la route un autre artisan potier, associé pour le four (probablement le "grand four" où expose maintenant Françoise Quiney), travaillait sur un tour qu'il actionnait avec les pieds.
L'entreprise Talbot, notable du pays, employait plusieurs ouvriers potiers avec des malaxeurs et des tours électriques, une grande cheminée en briques pour le four.
Dans le bourg il y avait plusieurs Talbot plus ou moins parents, on disait que ce nom venait d'anglais qui auraient fait souche à la guerre de cent ans.
À La Borne il y avait un charretier, le père de mon copain "Lulu Giraud", le fouet autour du cou il attelait sa jument à la charrette pleine de poteries, bourrée de paille, pour aller à la gare d'Henrichemont à quatre kilomètres, où il chargerait la marchandise dans un wagon.
En continuant vers l'école, je disais bonjour à Suzanne Chagnon et à sa mère qui étaient brodeuses. Elles habitaient une petite maison derrière le café Raboin, où une grande salle servait de bal les jours de fête. La maison d'à côté était la boutique de la boulangère qui me souriait, elle était en blouse blanche et je la trouvais belle ! Au carrefour, à l'angle de la route de la Chapelotte, le boucher me faisait le salut militaire et son apprenti me tirait la langue....
Un peu plus haut à gauche il y avait le café tenu par madame Joulin, dont le mari menuisier travaillait à l'atelier derrière. A mi-côte (face au chemin des usages), pendant que le maréchal ferrant vidait une chopine au café, un cheval attendait attaché devant la forge où l'apprenti tenait les fers au chaud.
Face à l'école il y avait un atelier des couturières où l'on entendait le phono égrener "Bohémienne aux grands yeux noir". En attendant l'heure d'entrer en classe, on se bousculait devant la fenêtre du vieux tisserand (monsieur Riffet qui était le dernier artisan tisserand du Cher), pour le voir travailler sur son vieux métier en bois. Laissant la navette, il brûlait l'extrémité des fils dans une poêle à long manche. Sa femme avait la clef de la chapelle qui était de l'autre côté de la route (mais c'est lui qui sonnait la cloche tous les jours à midi).
Ma classe était celle du maître, monsieur Pouillot, elle était située à gauche dans l'école, à droite c'était la classe des petits tenue par la maîtresse, son épouse. Un mur séparait la cour de l'école des filles. J'ai beaucoup aimé ce maître et je crois qu'il nous aimait aussi. Brave monsieur Pouillot qui nous a appris à aimer apprendre.
Je me souviens aussi de l'autre boulangerie de La Borne, la boulangerie Galopin (c'est l'actuelle boulangerie de La Borne).
Entre les jeunes de La Borne d'en haut et ceux de La Borne d'en bas, il y avait comme une animosité ancestrale. Il fallait qu'il y ait eu une bonne bagarre le jour de la Saint-Jean, sinon c'était pas une bonne Saint-Jean !
Jean Boireau.
> Coïncidence, le couple d'instituteurs de mon école primaire à Saint Martin en 1948 était le couple Pouillot. Monsieur Pouillot enseignait dans la classe des grands et madame Pouillot enseignait dans la classe des petits.