Jeudi 22 janvier, réunion publique au Foyer rural de Boulleret. Le thème : "Accident à la centrale, impacts et enjeux pour la population et l'environnement", en somme les incidences sur la vie quotidienne. Le 10 janvier Le Berry Républicain annonce l'événement et précise le propos : "Comment récupérer les enfants à l'école, comment rentrer chez soi alors que les routes sont bloquées, que faire de ses bêtes si on est agriculteur ?" Quand au maire de la commune, Jean Louis Billaut, il prévient de suite : "mais attention, ce ne sera pas un débat sur le nucléaire !" Heureusement, le maire prononce le mot de "nucléaire", sinon on aurait pas compris ...sauf que le sujet principal semble gommé avant même la tenue de la réunion.
Après une longue présentation des dispositifs de sécurité et de secours prévus en situation de crise, une bonne partie de la réunion est consacrée à un exposé sur la radioactivité, "long et pas facile à comprendre", dit un des quatre vingts participants. Et il ajoute que le message lui a semblé surtout destiné à rassurer l'audience. Par exemple en affirmant que la radioactivité est un phénomène naturel, et que l'homme vit avec depuis toujours... Mais après ces bonnes paroles aucun mot sur la radioactivité artificielle : celle des centrales nucléaires ! Les participants ont aussi appris que les particules radioactives inhalées s'éliminent "comme tous les toxiques". Et les radiations, comment on les "élimine" ?
Invités par Jean Louis Billaut, maire de Boulleret, les conférenciers étaient : François Goulain (directeur de la centrale nucléaire de Belleville), l'Autorité de Sûreté du Nucléaire (ASN), l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), Bernard Buffet-président de la Commission locale d'information de Belleville (CLI), la Préfecture du Cher (représentée par Emmanuel Moulard, directeur de cabinet et Barbara Herdner), que les questions du public ont paru souvent mettre dans l'embarras. Voici quelques unes de ces questions. Ambiance.
Commençons par les comprimés d'iode distribués aux habitants dans un périmètre de dix kilomètres autour de la centrale. "Sur les boites de pastilles d'iode, y a-t-il une date de péremption ?" Réponse : "Il s'agit de la date de fabrication et non de la date de péremption. Vos pastilles restent valables". Mais on entend le contraire un peu plus tard : "On va prochainement remplacer vos pastilles d'iode, les autres étant périmées".
Un participant interroge : "J'habite à douze kilomètres de la centrale, au delà du périmètre, comment vais-je me procurer les pastilles" ? Réponse : "Vous êtes un peu éloigné, donc moins concerné, mais votre pharmacie devrait pouvoir vous en fournir". En somme, ç'est pas prévu, débrouillez vous. De toutes façons, le nuage de Belleville n'ira pas au delà de dix kilomètres, tout comme celui de Tchernobyl qui n'avait pas osé franchir nos frontières...
Un membre de la CLI fait remarquer que un rayon de dix kilomètres c'est peu. "Supposons un vent de dix à quinze kilomètres/heure, le nuage radio-actif quitterait la zone des dix kilomètres en une demi-heure. Pensez-vous qu'on ait le temps de réagir pour se procurer des pastilles, et le résultat est-il garanti compte tenu du délai d'efficacité du médicament" ? Réponse (après un long silence embarrassé) : "Un accident à évolution lente comme celui d'une chaudière nucléaire dont on ne maîtriserait plus la température, ça dure plusieurs jours, on le sent venir, on peut anticiper en fonction des capteurs nombreux autour du réacteur. Ce qui laisse le temps de prendre des dispositions et de prévenir la population par radio". Ben voyons.
"Mais, ajoute un intervenant, nous ne vivons pas tous l'oreille collée à la radio, et quelle radio devrions nous écouter ? Et si il y a une panne générale d'électricité, les générateurs de secours de la centrale n'alimenteront pas ma radio ni mon téléphone (et les incidents sont fréquents par ici). Avez-vous prévu l'encombrement des réseaux en situation d'urgence ? Vous nous demandez de rester confinés. Mais comment ? Combien de temps ?"
"Je suis institutrice dans une école rurale, dans le rayon des dix kilomètres, je peux garder les enfants confinés dans l'école plusieurs heures sans boire ni manger, mais qu'est-ce que je fais s'ils ont besoin d'aller aux toilettes, elles sont dans la cour" ! Personne ne sait quoi répondre. Barbara Herdner, du service de Défense et de protection civile, prend le micro : "Effectivement je ne peux rien pour vous, il faut demander des toilettes dans l'école même".
Daniel Messelet, vice-président de la CLI expose un scénario qui entraîne une réponse bien gratinée. "Imaginons qu'un accident grave intervient le 31 décembre par très mauvais temps : crue et débordement de la Loire, vent de tempête, arbres tombés sur les routes, que faites vous" ? La réponse vaut son pesant d'uranium, je vous la laisse savourer : "Selon les calculs de probabilités que nous avons effectués, une telle superposition d'événements est impossible".... Y a pas d'doute, ils ont pensé à tout !
Mais, comme l'écrit sagement Le Berry, l'idéal c'est tout de même d'éviter les accidents... Donc EdF réalise des exercices, des contrôles des installations, des formations à la sécurité qui sont eux mêmes contrôlés par l'ASN et l'IRSN. En cas d'accident, EdF lance un Plan durgence interne (PUI) avec la Préfecture qui déclenche à son tour un Plan particulier d'intervention (PPI). En somme, l'Administration a tout prévu.
L'ASN ayant relevé de nombreuses infractions à la Centrale nucléaire de Belleville l'an dernier, et avec ce qui est apparu dans la réunion de Boulleret, on voit que tout ça est très perfectible....
À la sortie du Foyer rural, l'association "Sortir du Nucléaire Berry-Puisaye", pour compléter l'information, distribue un tract intitulé ''Tout ce qu'on ne vous dit pas sur le nucléaire''. Un document plutôt bien accueilli par un public qui semble être resté sur sa faim. On peut y lire notamment que "Les évacuations massives n'étant pas possibles, l'État s'efforce de maintenir les populations sur place dès que les relevés de radioactivité se situent sous les 20 milli-Siverts (mS) par an. Mais ceci suppose un style de vie bien particulier : équiper la population de radiamètres, apprendre aux villageois à cartographier les niveaux d'irradiation, emprunter ce chemin, éviter tel autre, mettre les vaches dans tel pré plutôt que tel autre, choisir les aliments les moins contaminés, équiper les enfants de dosimètres et leur apprendre à calculer le temps qu'ils peuvent passer sur telle ou telle zone pour ne pas dépasser la dose maximale. Le choix vous appartient d'opter pour ce style de vie ...ou de fuir."
L'association annonce que suite à une inspection au printemps 2014 à la centrale nucléaire de Belleville, l'Autorité de Surveillance du Nucléaire (ASN) a relevé dans son rapport trente quatre infractions. Après étude, le réseau national "Sortir du Nucléaire" a décidé de déposer plainte contre EDF dans un document développé sur soixante deux pages. La plainte sera déposée le mardi 17 février par l'association au Tribunal d'instance de Bourges et à la Préfecture du Cher après un rendez-vous à 14 heures Place Séraucourt et un défilé dans les rues de la ville.
> L'association "Sortir du nucléaire Berry-Puisaye". 9 bis Chemin de la Taupinière 18000 Bourges. 06 38 01 94 45. Courriel : sdn.berry-puisaye@orange.fr
> On peut lire une page plutôt bien faite dans l'hebdomadaire La Voix du Sancerrois du mercredi 4 février (page 2).