Pour certains, ce n'est qu'un vaste parking planté d'arbres. Pourtant le bel espace de la place Séraucourt fait partie du patrimoine et il a plus de trois cents ans. En effet, l'inauguration du "Cours Séraucourt" (son nom à l'époque) a eu lieu le 24 juin 1693. On doit cette réalisation à l'intendant du Berry, qui se nommait Louis-François Dey de Séraucourt (1645-1744), et qui était un parent et collaborateur du grand Colbert. Dans ces temps où la France s'activait en grands travaux, Dey de Séraucourt eut l'idée de faire remblayer une partie de cette pente des faubourgs sud de Bourges qui descendait jusqu'à l'Auron.
Au fil du temps, divers aménagements et agrandissements ont amené la place aux dimensions d'aujourd'hui. Elle mesure actuellement quatre cents vingt cinq mètres de long sur quatre vingts mètres de large.
Située à cinq cent mètres de la cathédrale saint Étienne (inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco), la place Séraucourt est gardée à son entrée par la façade de briques rouges de la "maison du peuple" de Marcel Pinon (et ex maison de la Culture - classée elle aussi). Cette belle esplanade est aujourd'hui l'un des fleurons du patrimoine de Bourges avec son ensemble arboré (cliquez sur la photo couleur en bas de page).
L'ancien Château d'eau qui ferme la perspective et orne l'extrémité de la place ne date pas des travaux ordonnés par Dey de Séraucourt, il fut édifié plus récemment, au dix neuvième siècle. Il est l'œuvre de l'architecte Albert-Charles Tissandier (1839-1906), les travaux ont commencé en 1865 et se sont terminés le 18 août 1867. Le Château d'eau est aujourd'hui désaffecté et transformé en lieu d'expositions.
La place Séraucourt a vécu les grands événements de Bourges. Défilés, commémorations ou événements historiques, comme la fête de la Fédération du 14 juillet 1790, des défilés du 1er mai (photo), la fête de la victoire de 1918 (photo) ou encore la proclamation de la Libération en 1944. De nos jours elle accueille le Printemps de Bourges (depuis 1977), mais aussi la fête foraine (baptisée Jacques Cœur - comme tant de choses à Bourges !). Dans les années cinquante, chaque année un circuit motocycliste pétaradant qui exhalait généreusement des vapeurs d'huile de ricin en faisait le tour.
Des projets ont été étudiés pour exploiter la surface de la place Séraucourt. Par exemple, la municipalité avait un temps imaginé d'en faire un grand parking souterrain sous une esplanade neuve, réservée aux promeneurs et agrémentée de bassins et de nouveaux arbres....
Sur la place Séraucourt poussent des hêtres âgés de cinquante ans au moins (sujets exceptionnels dit-on), des dizaines de tilleuls, des marronniers d'Inde de plus de soixante quinze ans, des arbres de Judée, un prunus de Mahaleb (rare), des sycomores, des érables de Cappadoce, des micocouliers ...etc. Il y a aussi sur les pentes des cornouillers, des noisetiers communs, des staphyliers (dits faux pistachier). Et aussi ...buddléa (arbre à papillons), deutzia, épine vinette, fusain ailé, arbre à perruques, laurier du Portugal, laurier tin, olivier de Bohème...
Les arbres vivent, meurent, doivent être remplacés et il y en a beaucoup à Bourges alors pourquoi défendre ceux de Séraucourt, interroge l'architecte et urbaniste Christian Gimonet. "Parce qu’ils constituent un patrimoine arboré remarquable par la variété de ses essences dont beaucoup ont encore une grande longévité possible.
Composition classique voulue par un gouverneur de Louis XIV, cette esplanade devenue promenade à la mode fut augmentée sur son flanc en pente selon les concepts plus libres des XVIIIe et XIXe siècles. Aux espèces locales on ajoutait des arbres venus d’autres régions, d’autres pays pour composer des ensembles aux couleurs variées du printemps à l’automne. Le paysagiste berruyer Edouard André qui devait concevoir quantité de parcs et jardins en Europe, dut donner son avis.
Ces arbres outre leurs qualités de beaux sujets, jouent un rôle paysager essentiel. Avec les platanes du canal, ils contribuent à la beauté de la vision depuis la terrasse du jardin de l’archevêché, de la place Malraux, de l’esplanade Séraucourt, leur masse arborée masque les toits de l’urbanisation chaotique des flancs de la vallée de l’Auron, de Vieil Castel à l’aéroport.
C’est légitimement que cet espace était protégé par la Commission des Sites et anormal qu’il ait été déclassé en catimini, sans consultation des Berruyers qui n’auraient probablement pas admis ce fait".
On comprend pourquoi des citoyens berruyers de tous âges, attachés au patrimoine et au site historique de la maison de la Culture, qu'ils aient ou non la fibre écologiste, qu'ils aient ou non la fibre contestataire, des skaters dépossédés d'un des rares lieux de pratique, sont indignés. On les voit aujourd'hui décidés à protéger les marronniers et les tilleuls centenaires de la place Séraucourt, menacés d'abattage pour la construction d'une nouvelle MCB contestable.
> Cliquez sur les Illustrations pour agrandir ces cartes postales anciennes. Merci à Daniel Deprez qui a monté l'escalier de la tour de la cathédrale saint Étienne pour faire cette photo !
> Fête de la victoire. Le monument de Jean Baffier en l'honneur des combattants de la guerre de 1870 (surnommé l'homme taureau par les berruyers), était situé à l'origine sur la place Séraucourt.