“Mauvais traitements sur des enfants (violences, privations de repas, punitions à caractère corporel…), soupçons d'infractions de nature sexuelle", Mais aussi soupçons de "travail dissimulé" et “d’infractions d'ordre économique et financier" ou “d’escroquerie". Voilà les raisons de la descente de gendarmerie du 2 juin à l’Angélus de Presly. … Qui n’est peut-être pas si angélique que ça.
Mais remontons le temps et revenons aux origines de l’Angelus.
Aux origines de l’Angélus.
Mardi 27 avril 2010, la diffusion sur France 2 d'un reportage en caméra cachée (Les Infiltrés) intitulé "À l'extrême droite du Père" révélait un scandale : des intégristes, l'Institut du Bon Pasteur à Bordeaux et quelques nazillons, étaient mis en cause. Le reportage montrait les liens entre la paroisse Saint-Éloi, Dies Irae, un groupuscule d’extrême droite basé à Bordeaux, et l’école privée hors contrat Saint-Projet. Dans le reportage de France 2, on voyait notamment des élèves tenant des propos antisémites sous le regard bienveillant de leurs professeurs (dans Rue89/Bordeaux). L’établissement a ensuite été fermé, en 2011.
Pour l'Institut du Bon Pasteur, cette médiatisation tombait mal. Il était justement en train de créer une branche de frères enseignants : les Frères des Écoles du Bon Pasteur. Objectif : "ré-évangéliser" la jeunesse par “l'exemple". L’établissement et le terrain d'apostolat se trouvent à Presly dans le nord du Cher, au lieu-dit l'Angélus, acheté à l’époque par l'Institut du Bon Pasteur. Le projet et la formation des frères avait été confié à l'abbé Régis Spinoza, celui-là même qui, au moment du reportage des Infiltrés, début 2009, était directeur pédagogique du cours saint-Projet de Bordeaux.
À l’époque, le journal catholique “La Vie" avait vivement condamné les agissements des extrémistes bordelais et s’était fait l'écho de l'indignation des catholiques choqués par les révélations de France 2. Gilblog avait cité cet article, ainsi que des informations sur l’installation de L’Angélus à Presly dans une page intitulée “Le scandale du Bon Pasteur à Bordeaux. Et bientôt quoi à Presly ?” parue le 5 mars 2011.
Selon le rectorat, qui avait récemment contrôlé l'établissement, la justice et le Préfet avaient envisagé sa fermeture. Puis le rectorat avait “mis en demeure les parents d'inscrire les enfants dans un autre établissement qui garantisse et permette à l'enfant d'acquérir les compétences fixées par la loi".
> De son côté, l’école portait plainte pour diffamation contre France 2, et selon le journal Sud-Ouest, l’association déclarait que les paroles reproduites avaient été sorties de leur contexte et enregistrées en caméra cachée à l’insu de ceux qui les prononçaient...
Le 19 mai 2013 l’abbé Régis Spinoza m’adressait le message suivant: “J’ai l'honneur de vous informer que les procès contre diffamation à l’égard de France 2 et de leur émission "les infiltrés" ont été gagnés par l’école Saint Projet. Persuadé que vous avez un réel souci de vérité, je vous demande de bien vouloir retirer votre article nous concernant”.
Ne pouvant faire face aux dépenses d’une procédure dans le cadre de ce modeste blog qui coûte et ne rapporte rien, j’ai supprimé la page le 19 mai 2013 (mais pas les commentaires, qui sont restés).
Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et on constate que les procédures judiciaires engagées par Le Bon Pasteur n’avaient pour but que d’intimider la presse. D’ailleurs la cour d’appel et la cour de cassation ont donné raison aux journalistes en concluant qu’ils n’avaient fait que leur travail.
- En septembre 2012, une personne me déclarait dans un courriel avoir témoigné “auprès des services sociaux et de l’archevêché de Bourges à propos de l’Angelus, par crainte d’un scandale pouvant rejaillir sur l’ensemble de l'Église dans le Cher". “Je suis bien placé pour savoir que les élèves ne mangent pas à leur faim, les locaux y sont très mal chauffés, l'hygiène laisse plus qu’à désirer”, écrivait-elle.
- Un Arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 10 septembre 2015, a déboutée de ses demandes l'association cultuelle Institut du Bon Pasteur et relaxé les auteurs du reportage et France Télévision du chef de diffamation publique. Il s’agit de Patrick de Carolis, alors président de France Télévisions, Hervé Chabalier, dirigeant de l’agence CAPA, et Matthieu Beurier alias Mathieu Maye, le journaliste “infiltré”…
- En 2015, l’Angélus a coupé les liens qui le reliaient à l’Institut du Bon Pasteur de Bordeaux, et dépend désormais du Diocèse de Bourges.
- La Cour de cassation chambre criminelle (Audience publique du mardi 15 novembre 2016), a confirmé le jugement de la cour d’Appel du 10 septembre 2015, et jugé irrecevable le pourvoi l'association cultuelle Institut du Bon Pasteur et l'association d'enseignement populaire Saint-Projet, l’a rejeté et fixé à 2000 euros la somme à, verser aux auteurs et à France Télévision en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale. >>> Lien.
Enquête, perquisition et fermeture de l’Angélus.
- Le 2 juin 2017, l’école L’Angelus a été perquisitionnée et fermée par arrêté préfectoral. Dans le cadre d’une enquête pour maltraitance et agressions sexuelles, des enfants ont été auditionnés vendredi et le directeur placé en garde à vue le temps de la perquisition.
Vous lirez tous les les détails de l’intervention de la gendarmerie et les déclarations du Procureur de Bourges, Joël Garrigue, dans Le Berry du samedi 3 juin. En résumé :
Une enquête préliminaire a été ouverte dès le vendredi 2 juin. Un arrêté de fermeture a été pris par la préfecture du Cher le même jour, “sur le fondement de la protection de l’enfance, au regard de l’enquête judiciaire en cours” a déclaré la préfecture. Il s’agit d’une fermeture temporaire jusqu’au 8 juillet – date du début des congés d’été – en attendant les résultats des investigations.
Les soupçons qui pèsent sur cet établissement traditionaliste ouvert en 2010 sont nombreux. “Il ne s’agit pas d’éléments de dysfonctionnement, mais constitutifs d’infractions pénales : des mauvais traitements sur des enfants (violences, privations de repas, punitions à caractère corporel…) et des soupçons d’infractions de nature sexuelle”, a précisé le procureur de la République de Bourges, Joël Garrigue, lors d’une conférence de presse organisée vendredi 2 juin 2017. Et d’ajouter : “Nous avons senti, au terme de certaines auditions qu’il y avait une certaine terreur qui régnait dans cet établissement”.Des soupçons de “travail dissimulé” et “d’infractions d’ordre économique et financier” ou “d’escroquerie” ont également été évoqués.
> Dans ces conditions j’ai décidé de publier à nouveau de larges extraits de la page intitulée “Le scandale du Bon Pasteur à Bordeaux. Et bientôt quoi à Presly ?” parue le 5 mars 2011 >>> Lien.. Elle éclaire quelque peu les événements récents en rappelant les circonstances dans lesquelles a eu lieu l’ouverture de l’école.
Le scandale du Bon Pasteur à Bordeaux. Et bientôt quoi à Presly ?
> Dans le Cher, l'ouverture du nouvel établissement du Bon Pasteur, dans les locaux rénovés de l'ancienne école libre de Presly, (à deux kilomètres du village en direction de Méry ès Bois), n'a pas été remarquée. La propriété de l’Angélus a été acquise le 6 juillet 2009 et l'événement n'a pas fait grand bruit, ni alerté l'opinion publique, puisque c'était avant le scandale de Bordeaux.
Depuis, l’émotion commence à s’exprimer dans la région et Georges Ginoux, maire de Presly (à l’époque) est interpellé lors d’une réunion publique à Méry ès Bois et dans le Berry Républicain du 31 janvier. Claire Millérioux, candidate soutenue par "Cher terre de gauche" en parle dans les réunions publiques. Voila Georges Ginoux dans une position difficile dont il tente de se sortir. Dans un communiqué au Berry du 4 février : il sort le parapluie et déclare que le Préfet et le sous-Préfet ont donné les autorisations nécessaires, et que le Maire d'une commune n'a que des pouvoirs limités. Il rappelle que "les règles fondamentales de notre république autorisent la présence sur le territoire national de toutes les religions et trois types d'établissements d'enseignement : l'école laïque, l'école privée sous contrat, l'école privée hors contrat". Après avoir dit que "les fondamentaux de la République n'ont rien à craindre du maire de Presly" (on espère bien !), Georges Ginoux ajoute qu'il ne faut pas écouter "les voix qui cherchent à faire du sensationnel avec des informations ordinaires". Sommet de ringardise, Georges Ginoux invoque le modèle soviétique qui serait l'inspirateur de la question... on n'avait pas entendu ça depuis le siècle dernier, ça nous rajeunit !
Eh bien justement, comme on vient de le voir (à Bordeaux), le "Bon Pasteur" c'est loin d'être ordinaire ! Et le sensationnel c'est que Georges Ginoux ne s'en est pas aperçu ! Voila comment on se prend les pieds dans les lacets de ses chaussures...
En effet, si l'on comprend que les choses se sont faites dans le cadre réglementaire légal et avec les autorisations préfectorales, on peut s'interroger sur le déficit d'information de Georges Ginoux et sur sa candeur.
Cet ancien sénateur n'a-t-il jamais entendu parler de l'intégrisme, de monseigneur Lefebvre ni de l'abbé Laguérie ? Ne lit-il pas la presse ? Est-il possible qu'il n'ait jamais entendu parler des intégristes catholiques en France (et des groupuscules néo nazis qui s'y attachent parfois), avant l'émission de France 2 ? Est-il possible qu'il ne soit pas intervenu auprès de l'Institut du Bon Pasteur pour demander l'abandon du projet à cause de l'émotion qu'il n'allait pas manquer de susciter dans le Cher ?
L’Inspection Académique de la Gironde a critiqué sans ambiguïté l'enseignement prodigué dans l'établissement bordelais du Bon Pasteur. Elle relève un enseignement scientifique "inexistant" et un enseignement de l'histoire "scientifiquement décalé", c'est à dire qui distille une instruction uniquement marquée par "une vision catholique du monde" et qui, "en l'absence de cours d'instruction civique", ne permet pas aux élèves de "se former un esprit critique". Le recteur d'Académie, Jean-Louis Nembrini, peu sensible à l'argument du "charisme d’un engagement porté par l’Espérance", a rappelé qu'il s'en tenait "au code de l'éducation", qui stipule qu'en matière d'instruction, "les parents n'ont pas le droit de tout choisir ".
Maintenant que sont connues les étranges libertés que le collège prenait avec les programmes d'enseignement, les services de l'Académie vont-ils se pencher sur ce qui est enseigné à Presly ? L'abbé Spinoza entend-il dispenser le même enseignement à l'Angelus de Presly qu'à Bordeaux au cours Saint Projet ? Georges Ginoux a-t-il pensé à alerter l'Académie ?
Une autre question (...qui pourrait sembler un peu vache mais qui éclaire un peu plus les choses), Georges Ginoux se serait-il montré aussi accommodant et naïf si un internat coranique avait choisi Presly pour s'installer ? On peut poser la mêmes question à la Préfecture du Cher.
> Et voilà la cerise sur le gâteau : des extraits du site web de l’Angelus et du blog de l'abbé Philippe Laguérie.
Juillet 2009. "M. l'abbé Spinoza et notre postulant se rendent à l'invitation de M. le Maire de Presly, à l'occasion des festivités du 14 juillet. On ne peut que se féliciter des relations très cordiales, établies d’ores et déjà avec la Municipalité de Presly”.
17 juillet 2009. "M. le Sous-Préfet, accompagné par M. le Maire de Presly, nous fait l'honneur de sa visite”. (Site web de l’Angelus).
Le 24 août 2010, l’abbé Laguérie s'exprime sur son blog en ces mots. "J’ai inauguré et béni, le quinze août dernier, l’œuvre magnifique de notre internat de l’Angelus. 150 personnes se pressaient autour de l’abbé Spinoza qui accomplit là-bas un travail de titan"... et quelques lignes plus loin " … A la grand’messe assistait le Préfet du Cher en personne, le Maire de Presly aussi". (Blog de l’abbé Philippe Laguérie).
> Les berrichons (qui sont aussi des républicains), tous ceux qui sont attachés à la laïcité, sont en droit d'interroger Catherine Delmas-Comolli, Préfet du Cher et représentante de la République. Une Préfète qui quitte les lieux lorsqu’on évoque le programme du Conseil National de la Résistance, mais qui aurait participé à une messe d'inauguration pas banale sous l'égide du Bon Pasteur, le 15 août à la chapelle de l'Angelus à Presly.
Madame le Préfet, si l'abbé Laguérie dit vrai, que diable alliez vous faire dans cette galère ?
> Georges Ginoux dément la présence du Préfet à la messe d'inauguration du 15 août par un message du 11 mars. Puis, dans un autre message, le 14 mars, il précise "oui j'étais présent à cette messe à titre d'observateur". Donc, selon Georges Ginoux l'abbé Laguérie n'a pas dit vrai, mais pourquoi le Préfet ne dément-il pas lui même ?
> Bien entendu, ni Georges Ginoux, ni la Préfecture ne pouvaient prédire en 2009 ce qui allait se passer quelques années plus tard à l’Angélus de Presly. Fallait-il pour autant ne rien tenter pour s’opposer à cette installation ?
> Photos de haut en bas. La “une” du Berry Républicain du 3 juin 2017. L’abbé Philippe Laguérie. L’abbé Régis Spinoza. L’école privée L’Angelus. Georges Gignoux, ancien maire de Presly.
> Lire aussi : Le Berry Républicain 3 juin 2017. Enquête pour maltraitance et agressions sexuelles dans l’école catholique du Cher l’Angelus. >>> Lien.
L’abbé Spinoza, prêtre traditionaliste et directeur d’école. >>> Lien.
Arrêt de la Cour de cassation du 15 novembre 2015. >>> Lien.
Lire dans gilblog : Le Bon Pasteur à Bordeaux, l’Angelus à Presly. Les commentaires de la page du 5 mars 2011 supprimée ont été supprimés également, c’était pourtant une lecture savoureuse.… >>> Lien.
> Le résumé de gilblog était tiré d’articles parus dans le journal catholique “la Vie" (Joséphine Bataille, le 4 mai 2010), et aussi dans Le Point et le Nouvel Obs', Le Berry Républicain, site web de l'Angelus, blog de l'abbé Laguerie. Depuis cette date, certaines pages web ont été supprimées.
http://www.lavie.fr/religion/catholicisme/la-face-sombre-des-traditionalistes-04-05-2010-6042_16.php
http://www.ibp-angelus.fr/accueil
http://blog.institutdubonpasteur.org/