C’est en buvant un demi au petit bistrot des Labbes à Saint-Martin-d’Auxigny qu’Alain Broglio apprend dans le Berry Républicain du 1er décembre 2022 (page 4) qu’un habitant de la commune vient de déposer un stock d’armes auprès de la gendarmerie nationale, conformément aux récentes directives gouvernementales et néanmoins en vigueur.
Curieux comme toujours, nous dit Alain Broglio dans ce reportage exclusif, je me mets à enquêter sur cette affaire peu banale et j’interroge illico quelques clients qui bavardaient au comptoir afin de glaner quelques de renseignements complémentaires… Il ne m’a pas fallu longtemps pour obtenir quelques informations alléchantes qui m’on confirmé l’intérêt de cette enquête.
Le gars en question était connu dans tout le canton sous le surnom de “Mimile”. Agé d’environ 80 balais, il était le petit fils d’un poilu de 14/18 qui s’était illustré dans la grande guerre par sa bravoure au “Chemin des dames”, en mettant en déroute à lui seul, muni de sa seule baïonnette, une escouade de uhlans. Mais Mimile était aussi le fils d’un combattant de la drôle de guerre qui fut défait à Dunkerque et qui rejoignit très rapidement sa ferme de Saint Martin. Déprimé par l’humiliation de ce désastre militaire, il prit rapidement le chemin de la résistance au sein de laquelle il s’illustra en neutralisant de nombreux miliciens et collabos qui, à l’époque, étaient légion, si j’ose dire. Devant tant d’ardeur au combat, le père de Mimile fut exfiltré en Angleterre par un Lysander afin de parfaire ses connaissances en explosifs et diverses armes de sabotage, de mines, de détonateurs et de déflagrations en tous genres. Parachuté au retour sur Saint Martin avec une noria de containers, il apporta une contribution active aux maquis du nord de Bourges.
Ainsi, c’est dans cette ambiance de résistance armée et de pyrotechnie que le petit Émile grandit, entouré par des mitraillettes “Sten MK II”, des grenades, des munitions de tous calibres et pour couronner le tout, de quelques obus de 75 encore chargés et équipés de leur fusée d’amorçage de fabrication berruyère. Tout cet arsenal avait été savamment dispersé dans la fermette afin de pouvoir faire face à l’attaque subite d’un ennemi éventuel. A ce titre, la famille d’Émile traumatisée par deux guerres successives était d’une vigilance extrême et elle entretenait avec soin tout ce matériel, juste au cas où… Au regard des événements internationaux, on ne peut pas leur donner tort !
Et puis survint l’injonction gouvernementale, aussi soudaine que brutale, sans doute guidée par la peur sous-jacente d’un soulèvement populaire aussi incontrôlable qu’imprévisible : les particuliers étaient fermement invités à rendre les armes qu’ils pouvaient détenir, sous peine de sévères sanctions une fois la date butoir de remise dépassée. Avec les moyens de communication modernes, le père Émile entendait les autorités répéter sans cesse qu’il était impératif de rapporter à la gendarmerie la plus proche toutes les armes planquées dans les greniers derrière les pots de géraniums, les bocaux de conserves et de confitures à la cave. De sucroit, Émile avait été ébranlé par un cambriolage perpétué chez son voisin et s’était dit dans son for intérieur: “Mince s’il m’arrive et qu’un malfrat utilise mes armes et munitions, me v’la mal parti…“ C’est ainsi qu’il perdit pied moralement, son grand âge aidant, et finit par se ranger à la tendance générale ; il allait faire son inventaire et se diriger vers la gendarmerie pour livrer tout son fourbi.
Mimile n’avait pas de voiture et c’était donc compliqué d’évacuer son arsenal, non pas que ce soit loin, mais une escopette, un pistolet d’ordonnance de 1915, douze grenades anti personnel, trois mitraillettes Sten, le fusil de chasse estampillé “Manufrance” de son père et trois obus de 75, c’est lourd comme un âne mort ! Et notre Mimile n’avait qu’un Solex, un 3800 acheté rutilant et au comptant en 1966 chez Pannetier, place Mirpied à Bourges, et équipé de deux sacoches en cuir. Il prit donc la sage décision de ne pas risquer l’accident à cause d’un déséquilibre important (Il avait encore en mémoire les souvenirs de chutes mémorable qu’il attribuait formellement à l’instabilité légendaire de la machine et non aux effets des rosés limés du père Fontaine…).
C’est ainsi qu’il décida d’évacuer dans un premier temps les trois obus made in Bourges ! Deux dans les sacoches, et un sur le porte bagages maintenu par un sandow quelque peu fatigué.
Malgré les ralentisseurs et autres coussins berlinois qui ornent la route d’Allogny, il arriva sans encombre “à pas de tortue” devant la gendarmerie de Saint-Martin et expliqua au planton son affaire. Celui ci, médusé prévint sur le champ le gendarme missionné à l’opération de collecte des munitions et explosifs.
C’est donc le brigadier-chef Mélinite, corse d’origine, de naissance et de son état, qui fut réellement médusé et interloqué à la vue de ce convoyage peu banal dans une commune rurale. Lui qui avait à son actif de nombreuses campagnes en “OPEX” (Opérations extérieures) dont 10 années passées en support de l’opération barkhane, n’en crût pas ses yeux. Immédiatement il fit évacuer le site de la gendarmerie ainsi que le voisinage proche et prévint sur le champ le ministère de la défense … Un périmètre de sécurité fut mis en place ainsi qu’une cellule psychologique. Les services de déminage de Versailles arrivèrent très vite sur site à bord d’un hélicoptère et évaluèrent la situation afin d’éviter une catastrophe. Quant à notre Mimile, c’est menottes aux poignets qu’il fut convoyé manu militari lui aussi par hélico vers Paris pour être interrogé par l’anti terrorisme…
A ce jour, il serait toujours sévèrement cuisiné par les experts en attentats, complots et insurrections, car comme l’a confié le gendarme Mélinite, le diable se cache parfois sous des apparences insoupçonnables, voire même les plus banales (et je pèse mes mots). Rien ne doit être laissé au hasard. Affaire à suivre
> Fifi, gars du maquis, extrait du “Jeune patriote” 1946.
> Alain Broglio. Envoyé spécial, exclusif, polyglotte et globe-trotter pour Gilblog.