Le diable se cache dans les détails ou les lecteurs du Berry affectés par le journalisme de préfecture…
Quand ils prétendent publier une enquête, les journaux se limitent souvent à répéter l’information transmise par la préfecture, la police, les pompiers ou la justice. Pour obtenir ces informations qui les alimentent, ils sont fortement tributaires de leurs sources et des intérêts qui les animent. Le résultat est fréquemment une certaine complaisance, des non dits acceptés ou la copie des “éléments de langage”. C’est ce que certains journalistes lucides appellent, non sans ironie, du journalisme de préfecture. On y est tellement habitués qu’on finit par ne plus y faire attention…
Un exemple ? Allez, on y va ! Dans le Berry Républicain du 17 novembre, page 4, on apprend qu’un étudiant chinois des Beaux Arts de Bourges a été libéré du centre de rétention administrative de Rennes suite à un vice de procédure invoqué par son avocat. Cet étudiant en cinquième année des Beaux Arts reste sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français car son titre de séjour avait expiré. Il avait été placé en centre de rétention administrative lundi 13 novembre, sur décision du préfet du Cher.
Mais ce n’est pas tout, le plus intéressant est à venir. On lit dans Le Berry que : l'étudiant, soupçonné d'être l'auteur de tags anti-Israël signalés aux policiers le 18 octobre dernier sur les panneaux entourant le chantier de la place Cujas, avait été entendu par les enquêteurs pour apologie du terrorisme.
En effet, s’il s’agit bien de tags anti Israël, c’est à dire dirigés contre la politique de l’État d’Israël, on voit mal ce qui pourrait les qualifier d’apologie du terrorisme, ou d’antisémitisme. Le Berry Républicain, en imprimant la chose de cette manière, répète avec fidélité les termes de la préfecture mais omet d’informer ses lecteurs du contenu du tag incriminé ; le journal recopie le terme d’apologie du terrorisme sans plus réfléchir.
Le lecteur ainsi “informé”, en déduit que l’étudiant a fait l’apologie du terrorisme.
Sans doute animé par un sentiment partisan favorable aux palestiniens de Gaza: l’étudiant avait graffé un avion bombardant un bâtiment, une croix gammée et une étoile de David, sur les barrières qui entourent la place Cujas ; autant de choses que le préfet qualifie de ”fresque antisémite” apprend-on sur le site web de France Bleu.
Mais, dans l’incapacité d’en connaître le contenu, le lecteur du Berry Républicain ne peut donc savoir en quoi ces tags sont antisémites, voire pro-terroristes, pro-palestiniens, ou pro-Hammas, ou quoi encore (?) et fonder son opinion.
Et voila que le parquet de Bourges, toujours selon Le Berry, a prononcé un classement sans suite, car devant la réquisition de la préfecture d’ordonner l’expulsion du territoire et de retirer son titre de séjour du jeune homme,“l’infraction (apologie du terrorisme) n'est pas suffisamment caractérisée”. Ce qui dit bien que le fameux tag n’était pas terroriste ni antisémite aux yeux du parquet.
Et Le Berry poursuit en ces termes : La préfecture du Cher, qui “a pris des mesures de protection de l'ordre public face à l’antisémitisme, conformément aux directives du ministère de l’Intérieur”, demande de son côté l'expulsion du territoire français, avec interdiction de revenir pendant trois ans.
Une peine bien sévère pour un étudiant dont l'infraction n'est pas suffisamment caractérisée….
Et une confusion abusive (malheureusement trop répandue), faite par préfet et par Le Berry Républicain, qui assimile toute critique de la politique de l’actuel gouvernement d’Israël à l’antisémitisme et à l’apologie du terrorisme.
Au Berry Républicain, le journalisme de préfecture a encore frappé.