Samedi 2 avril, le Cercle d'Études Historiques et Archéologiques du Sancerrois (CEHAS) présentait une conférence de Michel Pinglaut (fondateur des Amies et Amis Berrichons de la Commune de Paris) pour parler de Charles Ferdinand Gambon. Le clou attendu était sans aucun doute “l'histoire de la vache à Gambon” qui eut le Sancerrois pour théâtre. La causerie introduite par Christian Poitevin, président du CEHAS, a réuni un public de plus de quarante personnes à la mairie de Sancerre.
Charles Ferdinand Gambon, fils de Charles Marie Gambon et de Élisabeth Victoire Borget est né à Bourges le 19 mars 1820, rue Saint-Sulpice, actuellement rue Gambon. Du côté paternel, les Gamboni viennent de la région du lac de Côme au XVIIIe siècle et le grand-père de Ferdinand est commerçant en draps et soieries et président du Tribunal de commerce de Bourges. Son père, commissaire priseur, est également un notable berruyer. Orphelin de mère à deux ans et de père à six ans, Charles Ferdinand Gambon est élevé avec ses trois frères dans la Nièvre, par sa grand-mère maternelle dans le manoir de Chailloy à Suilly-la-Tour près de Cosne, c’est là qu’il prend conscience de la misère des campagnes.
Charles Gambon étudie le droit à Paris et devient avocat à 19 ans (!). Il se lie avec le vierzonnais Félix Pyat, dont il partage les idées politiques. En 1846, sa famille le fait nommer juge suppléant au tribunal de Cosne. En 1847, pendant un banquet démocratique, il refuse de porter un toast à Louis-Philippe, il écrit une protestation qui lui vaut d’être traduit devant la Cour de cassation de Paris et suspendu de ses fonctions pour cinq ans. Avec Félix Pyat à Paris il fonde Le Journal des Écoles. Élu du peuple après la révolution de 1848, il vote pour le droit au travail, et son opposition constante à Louis-Napoléon Bonaparte lui vaut d’être condamné à 10 ans de déportation (Il y aura 1200 arrestations dans le Cher, des ouvriers, bûcherons, artisans sont déportés dans les bagnes d’Algérie et de Cayenne). Plus tard, Gambon adhère à l'Internationale et participe à la fédération des sociétés ouvrières. La Haute Cour de Versailles l'ayant déchu de son mandat, les républicains de la Nièvre proposent à son frère ainé Pierre-Charles, médecin à Cosne, d’être leur candidat à l’élection partielle du 10 mars 1850. Pierre-Charles Gambon est élu démocrate socialiste de la Nièvre en 1850.
En 1860, après sa déportation, Gambon s’installe à La Robinerie à Sury-près-Léré (connue aussi sous le nom Le Grand chemin), qu’il possède avec ses frères Pierre- Charles et Eugène. En 1865, il est élu conseiller municipal, mais refuse de prêter serment de fidélité à l'empereur. En 1869, après la fusillade sanglante de la grève des ouvriers de La Ricamarie à côté de Saint Étienne (faisant quatorze morts et vingt-deux blessés), il se rend célèbre par sa campagne pour le refus de payer l’impôt qui financerait une armée de répression. Il publie une déclaration fameuse au percepteur dans le journal La Réforme du 10 septembre 1869.
Le fisc saisit alors une partie des biens de Gambon, et une vache de son domaine est mise en vente publique à Sancerre. Cet épisode tragi-comique fait grand bruit. L'aventure de la Vache à Gambon donne le jour à une chanson de Paul Avenel connue à Paris et popularisée en France par les journaux de l'opposition. Une autre chanson de son ami cosnois Zozime Lardillier, en l’honneur de la Vache à Gambon, est chantée dans la région. Gambon est désormais désigné par le sobriquet de “l'homme à la vache”.
Après la proclamation de la République le 4 septembre 1870, Ferdinand Gambon est élu à l'Assemblée nationale comme socialiste révolutionnaire. Il en démissionne le 5 avril 1871 suite de son élection le 26 mars au Conseil de la Commune par le Xe arrondissement et pour protester contre l’abandon de l’Alsace-Lorraine. Pendant la Commune, il fait partie de la Commission de la Justice. Il se rend en Corse pour aller chercher Garibaldi à Caprera, mais il est arrêté à Bastia, d’où il regagne le continent. Il est partisan d’aider au soulèvement des villes de province, dans le but de former une grande fédération des communes. Élu au comité de Salut public, il combat jusqu’à la fin sur les dernières barricades, notamment rue de la Fontaine au Roi le 28 mai, avec Jean Baptiste Clément, Varlin et le vierzonnais Louis Lacord. Il parvient à échapper au massacre versaillais et se réfugie en Suisse où il rejoint ses amis de l’Internationale.
Il est condamné à perpétuité par les versaillais le 23 novembre 1871 et à la peine capitale le 7 novembre 1872.
Après l'amnistie de 1879, de retour en France, il prend part au mouvement anarchiste aux côtés de Louise Michel, sans rompre avec les socialistes révolutionnaires. Le 18 juin 1882, il est élu député de Cosne et reprend plusieurs projets de la Commune dans son programme : séparation de l’Église et de l’État, élection des juges, instruction gratuite et obligatoire, impôt basé uniquement sur le revenu. Il présente sans succès en 1884, un projet de loi pour l’abolition de l’armée permanente et son remplacement par une armée nationale et citoyenne. Il est l’auteur, dans Le cri du peuple, du célèbre slogan pacifiste “Guerre à la guerre”. Il meurt le 16 septembre 1887 à Cosne-sur-Loire à l’âge de 67 ans.
En 1887, la municipalité de Cosne baptise une artère de la ville du nom de rue des frères Gambon, précédant le conseil municipal de Bourges et son maire Joseph Lebrun, qui décident le 23 février 1903 : “la rue Saint Sulpice sera remplacée par la rue Gambon, représentant du peuple”. Des rues Gambon existent également à Nevers et à Paris, ainsi qu’un square Gambon à Cosne.
> Illustration. Portrait de Gambon. Plat en faïence de Nevers en hommage à Charles-Ferdinand Gambon. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.
> Cercle d'Études Historiques et Archéologiques du Sancerrois (CEHAS), président : Christian Poitevin. Courriel : cerclehistoriquedusancerrois@gmail.com
> Amies et amis berrichons de la Commune de Paris 1871. 15 avenue Louis Billant 18800 Villabon. Courriel : jm.faviere71@orange.fr Site web : Vaillantitude https://vaillantitude.blogspot.com/
> Lire : La vie politique du berruyer Ferdinand Gambon, par Arsène Mellot-1949. Épuisé.
La Commune et les communards du Cher, par Jean-Pierre Gilbert. En vente dans les librairies du Cher.