Depuis quelques jours, les politiciens et les médias martèlent à longueur d'antenne "votez aux élections européennes"! Ils doivent sans doute avoir lu des sondages annonçant une abstention record (encore !?), pour se démener ainsi. Et tous les slogans en langue de bois y passent. Il faudrait voter "pour notre avenir", "pour écarter le danger des populismes", pour "réorienter" l'Europe, parce que c'est une élection "essentielle", parce que l'Europe doit être fédérale, parce qu'e lle ne doit pas être fédérale, pour une "défense européenne soudée" ...etc. Tant de clichés, ça devient pathétique...
Notre désormais unique quotidien régional, Le Berry Républicain, se joint au concert. Dans son édition du dimanche 11 mai, il appelle à voter pour "réorienter l'Europe" vers le fédéralisme. La recette doit être formidable car le chômage en entendant le mot fédéralisme, a pris ses jambes à son cou et s'est absenté de l'article ! En somme, Le Berry a trouvé une nouvelle potion miraculeuse pour sauver l'Europe en découvrant le Mouvement Européen fondé en 1948 et où s'illustrèrent Robert Schuman et Paul-Henri Spaak... Dans l'article voisin consacré à ce même Mouvement, on voit le portrait de son président départemental, Bruno Cadène sous un calicot "Vive Robert Schuman". Malencontreuse idée....
Malencontreuse idée, car Robert Schuman (1886-1963), présenté aux enfants des écoles comme visionnaire européen, est un exemple mal choisi. En effet, ce politicien dépeint un peu partout comme le "père fondateur de l'Europe", était en réalité un vieux cheval de retour d'avant guerre, un collaborateur, membre du gouvernement du maréchal Pétain pour qui il avait voté les pleins pouvoirs ! À cette époque l'Europe était déjà au programme, mais c'était celle que voulaient l'Allemagne hitlérienne et les industriels allemands et français. À la Libération, Schuman fut jugé et frappé d'une peine d'indignité nationale et d'inéligibilité ...avant de reprendre du service (déjà un "professionnel" de la politique !). Cette reconversion le fit passer de la collaboration pro allemande à la Communauté européenne charbon acier (CECA) et et à la collaboration pro USA. En effet, selon certains observateurs, dont Marie-France Garaud (ancienne conseillère du président Georges Pompidou), Robert Schumann et Paul-Henri Spaak (un autre "père" de l'Europe) ont été formés par les États-Unis et financés par la CIA. Des historiens, comme Annie Lacroix-Riz, des journalistes comme Ambrose Evans-Prichard, font état des archives de Washington qui le démontrent. Vous avez dit corruption ?
Schuman, un drôle d'Européen. Le Berry devrait faire quelques vérifications historiques avant d'afficher ses préférences...
Mais le fantôme de Robert Schuman veille toujours sur l'Europe. En projet depuis 1990 l’accord de libre échange TAFTA (ou Grand marché transatlantique), est négocié en dehors de tout cadre démocratique, par des représentants de la Commission européenne (des gens non-élus !), depuis juillet 2013. La société civile et les citoyens sont tenus à l’écart, tandis que les multinationales et autres lobbies financiers ont un accès direct aux négociations. Grâce à des fuites révélant le contenu du mandat de négociation, on a appris que l’accord veut imposer "l’élimination, la réduction ou la prévention de politiques nationales superflues", le contraire de la souveraineté des peuples à établir leurs propres lois. Ainsi l’Union européenne devra se soumettre aux exigences des États-Unis et deviendra une simple colonie du géant américain.
L’accord vise à harmoniser les politiques de régulation "afin d’être plus compétitif face aux économies émergentes" on pense à la Chine. Devenir "compétitif" avec la Chine, vous avez deviné le nouveau tour de vis qu'on nous prépare !
Il faut que le contenu de ce traité soit explosif pour que les gouvernements nationaux soient privés d’accès aux documents de la négociation ! De toute manière ils ne seront pas consultés ! Vous avez bien lu, ils n'auront rien à dire, le choix leur sera dicté.
Un grand marché transatlantique réunissant les économies de l'Europe et des USA, Le Berry ne semble pas au courant de ce possible bouleversement (la potion fédéraliste rendrait-elle sourd et aveugle ?).
Parallèlement à la volonté états-unienne, l’avancement du Traité transatlantique serait du aux efforts de José Manuel Barroso, président de la Commission européenne. Cet homme dévoué aux USA à Franck Carlucci et au groupe Carlyle, se verra prochainement gratifié d'un nouveau poste international, avec l'appui du gouvernement de Washington, dit-on dans les milieux bien informés.
En effet, le fantôme de Robert Schuman plane sur l'Europe ...et sur Le Berry.
> Illustrations de haut en bas. 1/Extrait du dessin de l'article "En vue" sur Bruno Cadène, Le Berry du 11 mai 2014. 2/Robert Schuman et Paul-Henri Spaak. 3/Barack Obama et José-Manuel Barroso.
> Sources. Ambrose Evans-Prichard "Euro-federalists financed by US spy chiefs". Daily telegraph Internet du 19 septembre 2000. Documents déclassifiés des "National archives" à Washington. >>> Lien.
Annie Lacroix-Riz. Aux origines du Carcan européen 1900-1960. La France sous influence allemande et américaine. Éditions Le temps des cerises. 15 euros.
Wikipedia. Zone de libre échange transtlantique. >>> Lien.
Lire aussi dans gilblog :
Le Grand marché transatlantique expliqué par Susan George. Video. >>> Lien.
Encore plus fort que l'Europe, le Grand marché transatlantique ! >>> Lien.
Élections européennes. Les "révélations" du Berry républicain. >>> Lien.
Le Traité transatlantique au Bar du coin. >>> Lien.
François Ruffin. Faut-il faire sauter Bruxelles ? >>> Lien.