À peine revenu de ses enquêtes en Bordurie et au Pipelinisthan (dans le chaudron de l'actualité la plus brûlante), le célèbre reporter berrichon Alain Broglio s'apprêtait à savourer un repos mérité dans la contemplation de nos verts pâturages. Mais ce diable d'homme ne sait pas rester en place et caméra au poing, il nous envoie un nouveau reportage encore plus exclusif.
Il est vrai que depuis fort longtemps, je ne regardais même plus les messages publicitaires de la poste reçus sur mon 'fil à la patte", alias mon téléphone portable. Lorsque, par un petit matin, dévié de ma route pour cause de travaux, je me retrouvai tentant de m’orienter dans le dédale des rues barrées au cœur du quartier de la chancellerie à Bourges Nord. Soudain, et quelle ne fut pas ma surprise, je vis que la poste qui se trouvait à proximité de la salle de spectacle "Le Hublot", venait de s’écrouler tel un château de cartes. La poussière à peine dissipée, je lançai immédiatement mes investigations auprès de tous les témoins du drame comme tout bon journaliste qui se respecte.
En fait tout concordait, le bâtiment avait bien été victime d’un séisme aussi violent que bref. Le plus surprenant dans cette affaire c’est qu’aucun bâtiment autour des éboulis ne semblait avoir souffert et pourtant ce quartier n’avait pas été construit dans le respect des normes antisismiques à l’époque… Fébrile, je repris donc mon enquête pour éclairer ce mystère.
C’est une factrice proche de la retraite, miraculeusement sauve (la factrice et non la retraite), qui me livra la clé de l'énigme.
Voici les faits : depuis la privatisation à marche forcée de ce qui fut une belle et efficace administration, les slogans destinés à dynamiser les personnels et à convaincre les usagers (pardon : les clients…), ont commencé à inonder tous les médias. Ex : "Ce que l’avenir nous promet, La Poste vous l’apporte", "On a tous à y gagner", "Y a pas marqué La Poste", "La Poste vous simplifie la vie", "Pour une nouvelle, c’est une bonne nouvelle", et puis ce dernier, "Ça bouge avec La Poste !!!". Enfin, je tenais la preuve formelle et indiscutable de l’origine de l’écroulement de l’immeuble ! C’est bien ce slogan qui fut à l’origine du séisme. En effet, tous les salariés, unanimement convaincus du bien fondé de ce slogan porteur d’avenir et d’efficacité, ont adhéré à la recommandation avec un tel enthousiasme que le bureau de poste s’est littéralement transformé en ruche vibrionnante et bourdonnante. Malheureusement la structure de l’immeuble n’avait pas été calculée pour encaisser de telles vibrations et ce qui devait arriver se produisit : l’immeuble en béton armé a littéralement implosé, s’effondrant sur lui-même.
Comble de l’ironie, cet accident a révélé au public et à la face du monde qu’à l’heure de l’informatique, de l’iPAD, des tweet et de facebook, notre poste "restructurée" est revenue aux fondamentaux avec l’utilisation intensive des pigeons voyageurs dont on peut voir sur une photo, une brigade opérationnelle en attente sur les décombres, de leur prochaine mission d’acheminement du courrier (uniquement en "écopli", timbre vert).
Alain Broglio (Envoyé spécial à l’échelle de Richter).
> Un reportage exclusif, texte et photos d'Alain Broglio qui en profite pour dire merci à la factrice proche de la retraite qui a pris la photo du bas. Et aussi bon anniversaire à sa cousine d'Ourouër les Bourdelins.