Agribashing. Le Conseil départemental du Cher s’en mêle !  

Agri-dénigrement

D’ici quelques années, les victimes de pesticides pourraient se compter par milliers... Il y a en effet de plus en plus de malades parmi les agriculteurs français, leurs salariés et leurs familles. Et les maux constatés sont clairement liés aux produits phytosanitaires chimiques déversés sur les cultures depuis des décennies. Comme c’est le cas de Jean-Marc Desdions, cet agriculteur du Cher (à Vailly-sur-Sauldre), victime d’un myélome, un cancer de la moelle osseuse causé par un herbicide *. 

Et voila que le journal que le conseil départemental du Cher distribue dans nos boites aux lettres (Le Cher, numéro 17 de décembre 2019) s’intéresse au sort des agriculteurs, éleveurs, céréaliers, maraîchers, viticulteurs. Pour informer sur les risques de leur profession ? Pour exposer les anomalies dans la distribution des subventions de la Pac (Politique Agricole Commune) ? Pour s’intéresser au sort de Jean-Marc Desdions ? Pour rechercher les moyens de lutter contre la pollution de l’eau potable par les nitrates dans le département ? Mais non, vous n’y êtes pas ! C’est pour dénoncer les associations et ceux qui font de lagribashing,  bougez pas, je traduis : en bon français c'est le dénigrement de l’agriculture.

Pour Le Cher, “le secteur agricole est décrié depuis plusieurs mois” “par de vives critiques, phénomène surnommé l’agribashing”. Et de donner la parole à Olivier Combette - un agriculteur élu à la chambre départementale et à la chambre régionale d’agriculture, membre de la FDSEA (Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles) du Cher, pour une dénonciation de “ceux qui font le plus de bruit. Certaines associations ont pris le pouvoir et donnent une information erronée largement relayée par les médias”. Sans doute par pudeur, ou pour ne pas choquer (?), Le Cher oublie" de mentionner les appartenances de monsieur Combette, qui sont pourtant des informations importantes pour que les lecteurs se fassent une opinion.

Mais qui “dénigre” le secteur agricole ? Les associations qui agissent pour la protection de l’environnement et la santé ? Ceux qui réclament la fin des pesticides ? Les maires qui prennent des arrêtés pour éloigner des habitations l’épandage de ces poisons chimiques ? Les paysans qui ont choisi l’agriculture biologique ? Ceux qui défendent le modèle de l’agriculture paysanne contre les projets délirants d’usines à vaches ? 
En réalité, “l’agribashing” est tout bonnement une invention des communicants de la FNSEA
(Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles, à laquelle appartient Olivier Combette), qui prétend, sans apporter aucune preuve, qu’il y a en France une entreprise concertée de dénigrement des agriculteurs. En somme, une fake-news complotiste à laquelle Macron n’avait pas pensé ! Cet artifice de propagande du syndicat agricole semble être plutôt un moyen de pression pour obtenir de nouveaux avantages économiques, qui sait ? 

Le journal Le Cher, exprime une étrange conception de l’information et de la démocratie. Le journal du conseil départemental pactise avec un lobby ou un clan et lui donne une tribune, alors qu’il est financé par tous les contribuables berrichons et non par un syndicat agricole (même influent). Les élus du parti Les Républicains du département devraient se montrer plus respectueux des principes …républicains. Ne doutons pas qu'une bonne séance de réflexion leur permettra de regretter cet abus et de présenter leurs excuses aux citoyens.

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> Mais ce n’est pas un cas isolé, puisque l’exemple est donné en haut lieu par Christophe Castaner (ministre de l’Intérieur et membre du gouvernement), qui vient de créer une cellule de la gendarmerie nationale appelée Demeter (du nom de la déesse des moissons dans la mythologie). Bon, je résume.

C’est parce que “Depuis quelques années, un phénomène grandit, inacceptable. De plus en plus, nos agriculteurs sont visés par des intimidations, des dégradations, des insultes”. Mais Christophe Castaner ne démontre pas cette affirmation, et la police ou la gendarmerie ne se risquent à prouver par des faits que ce “phénomène grandit”. 

Heureusement, la cellule Demeter permettra avant tout, selon les mots du ministre, “d’améliorer la coopération avec le monde agricole et de recueillir des renseignements”. Ah, bon, comme ça on aura des exemples et de nouveaux chiffres… Les chiffres que cite Christophe Castaner pour 2019 : sur la base de 440 000 exploitations agricoles, les plaintes portent sur 314 tracteurs volés, 24 vols avec violence, 657 voitures dérobées. Mais on ne dispose d’aucune explication sur le mélange loufoque des vols de tracteurs et de voitures avec les “actions de nature idéologique” ? Pour monsieur Castaner, voler un tracteur (un délit puni par la loi) et exprimer une opinion ce serait la même chose ?

Alors, en vrai, c’est quoi Demeter ? C’est un machin pour intimider les associations qui critiquent le système de l’agriculture industrielle, dénoncent de multiples défenseurs de l’environnement, de l’agriculture paysanne et biologique, dans une tribune publiée par le journal Web Reporterre.

Avec Demeter, le ministre Castaner entend s’attaquer, comme il dit, aux “actions de nature idéologique, qu’il s’agisse de simples actions symboliques de dénigrement du milieu agricole ou d’actions dures ayant des répercussions matérielles ou physiques”. Cette fois, on comprend mieux : il s’agit de faire taire tous ceux qui mènent des actions symboliques contre le système de l’agriculture industrielle, dont la FNSEA est le principal partisan !

Qui mène ces “actions symboliques” ? Le mouvement des Coquelicots, qui réclame la fin des pesticides, soutenu par un million de citoyens ?  Biocoop ? GreenPeace ? La Confédération paysanne ? Les apiculteurs ? Les centaines de milliers de Français opposés à l’importation massive de soja transgénique, contre la mort des oiseaux et des insectes, pour des rivières débarrassées de la pollution et des plages sans algues vertes, contre la malbouffe et pour une alimentation de qualité ? Ou encore l’Avec dans le Cher, qui lutte contre les épandages des boues de la station d’Achères, la pollution de l’eau potable par les nitrates ? 

Dans cette tribune, suivie d’une pétition, les associations s’indignent : “Il ne fait aucun doute, à nos yeux, qu’une ligne a été franchie. La démocratie, ce n’est pas pactiser avec les lobbies dans le dos de la société. Et quand le ministre parle “d’améliorer la coopération avec le monde agricole et de recueillir des renseignements”, chacun comprend ce que cela veut dire. Cela signifie l’intimidation accrue de tous les adversaires décidés de la FNSEA, qui passe nécessairement par la surveillance électronique et informatique, d’éventuelles écoutes téléphoniques, voire des filatures, des infiltrations, ou pire encore, la délation. 
Nous prévenons solennellement le gouvernement que nous refusons cette criminalisation et que nous demandons le démantèlement de la cellule Demeter. Notre contestation de l’agriculture industrielle, non-violente, se fait et se fera au grand jour, dans la conviction d’exprimer la volonté majoritaire de la société française. Nous voulons beaucoup de paysans, beaucoup plus de paysans, heureux et fiers de leur métier, enfin payés au prix convenable pour leur participation au bien commun. C’est en effet un autre monde que celui de la FNSEA”
.

> Et, pourrait-on ajouter à cette conclusion, une autre vision que celle du Journal du Cher et de son éditeur, le conseil départemental du Cher.


> Selon Phyto-victimes, la maladie professionnelle de Jean-Marc Desdions a été reconnue par son assurance privée, mais pas par la Mutualité sociale agricole. L’agriculteur a été débouté de son action contre Monsanto parce qu’il n’a pas seulement utilisé l’herbicide de Monsanto mais également des désherbants d’autres marques utilisant la même molécule, le chlorobenzène.

> Photo du bas : photomontage avec représentation de la déesse Demeter costumée en gendarme.

> Sources. Reporterre. Le gouvernement a créé une cellule militaire pour surveiller les opposants à l’agro-industrie. >>> Lien.  
Le Berry. Un agriculteur berrichon attaque Monsanto en justice.
>>> Lien.

> Pour signer la pétition Cyberaction Démonter Démeter. >>> Lien.

> Agribashing. Pourquoi ce sabir anglo-saxon alors que le mot dénigrement existe dans notre langue ? Certaines esprits taquins disent que ce agribashing, auquel on ne comprend rien, est fait pour y mettre le sens qu’on veut. 





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