Attiré par des coûts salariaux bas (quatre fois inférieurs par rapport à la France), et un marché en développement, le groupe laitier Lactalis (anciennement Besnier) s'est implanté en Pologne dès 1996, en reprenant une coopérative laitière installée à Siemiatycze. En 2004 et 2005, Lactalis rachète la société Bacha, à Winnica puis la coopérative Kurow. En 2008, Lactalis poursuit son implantation avec le rachat d’Obory (boissons lactées et yaourts à boire).
Or, depuis 2001, par l’intermédiaire sa filiale Lactalis Polska installée à Varsovie, Lactalis produit du camembert en Pologne sous la marque Président, baptisé “Camembert à la française” (voir photo). Afin de rester accessible aux consommateurs locaux, ce faux camembert (au lait pasteurisé ou thermisé) ne pèse que cent vingt grammes - au lieu de deux cent cinquante habituellement. En Pologne, un kilog de fromage basique coûte 4,15 euros. Mais en France, le kilogramme de fromage basique coûte 6,65 euros.
Qu’est ce qui nous garantit que le “camembert” polonais de Lactalis ne sera pas bientôt dans les rayons des grandes surfaces au détriment du camembert normand authentique AOP (au lait cru provenant de Normandie, c'est-à-dire de vaches élevées et nourries sur des pâturages de la région normande).
Comme le dit la loi, c’est le seul camembert qui a le droit d'utiliser le terme “camembert de Normandie” une appellation d'origine protégée (AOP) qui certifie qu'il s'agit d'un fromage normand honnête.
Pour tromper les consommateurs, les fromagers industriels ont inventé le camembert “fabriqué en Normandie”, qui n'est soumis à aucune norme ni aucune règle. Pour Périco Légasse, interviewé dans Le Figaro, “cette mention interdite par la loi signifie seulement que le fromage a été fabriqué dans une usine située dans le département du Calvados ou de la Manche, mais en aucun cas que le lait utilisé provient de ce territoire. Ce subterfuge a pour but de faire croire au consommateur qu'il achète un fromage normand, ce qui est faux car le lait utilisé pour le fabriquer peut provenir de n'importe quelle région du monde. On peut en effet fabriquer du camembert générique avec du lait importé de Pologne, de Roumanie ou du Brésil”.
Et voilà le retour de la Pologne, la boucle est bouclée, les intentions des margoulins sont claires…
Et Périco Légasse enfonce le clou…
“Imaginez un négociant en vin qui commercialiserait des bouteilles dont l'étiquette mentionnerait “Vin vinifié à Bordeaux” ou “Vin élaboré en Bourgogne” mais dont les raisins ayant servi à remplir les cuves, proviendraient du Languedoc, de la vallée du Rhône, d'Italie ou d'Espagne, le scandale serait retentissant et la sanction immédiate. Personne n'imagine d'ailleurs une hypothèse aussi fantaisiste, même pas les pires fraudeurs.
Eh bien en Normandie cette situation perdure sans que ceux dont le devoir est de faire respecter la loi et l'intérêt du consommateur ne s’offusquent !”
D’après le journaliste gastronomique, des représentants cyniques du lobby laitier, voudraient même que l'AOP renonce au nom Normandie pour employer “Pays d’Auge" ou “Cotentin”. Ainsi, ils laisseraient aux industriels de la malbouffe toute liberté de parer du terme Normandie n’importe quelle pâte fromagère. C’est sans nul doute le projet des industriels. Et pourquoi cette pâte fromagère ne viendrait-elle pas de Pologne ?
On attend la réaction du Ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll et l'INAO, sont les garants officiels des appellations d’origine. Refuseront-ils longtemps encore de saisir la répression des fraudes (DGCCRF) pour que l’infraction soit enfin punie ? Pourquoi le ministre de l'Agriculture tarde-t-il à protéger l'AOP camembert de Normandie au bénéfice des tricheurs ?
> Sources.
Le Figaro. Camembert “fabriqué en Normandie”: le coup gueule de Périco Légasse ! >>> Lien.
Normandie actu. Camembert “de”» Normandie ou “fabriqué en” Normandie : la guerre des appellations continue. >>> Lien.
Marianne No 1038 du 17 février, page 83. Faut-il craindre une invasion de camemberts polonais ?