Retour sur la “guerre du camembert”, rappel des faits. Les “gros” producteurs, Lactalis (marques Président, Bridel, Lepetit, Lanquetot), et Isigny Sainte-Mère, qui représentaient à eux deux plus de 80% de la production de camemberts AOC, réclamaient que l'utilisation du lait cru pour un camembert "certifié d'origine" soit facultative, afin de leur permettre d'utiliser du lait "microfiltré" ou chauffé à plus de 37 degrés. Raison invoquée: d'hypothétiques risques sanitaires. Pour faire pression, ces deux poids lourds avaient annoncé en mars 2007 l'abandon "momentané" de l'appellation. L'INAO, le gardien du temple des AOC, avait alors dénoncé une tentative de chantage. Et les petits producteurs avaient expliqué que l'argument sanitaire des gros industriels masquait en réalité les problèmes techniques que leur posait le lait cru, (et les critères de rentabilité des grandes surfaces).
Au plus fort de la crise, des professionnels avaient accusé Lactalis et Isigny-Sainte-Mère de vouloir faire modifier le décret de l'AOC parce qu'ils avaient longtemps triché sur le respect des critères de production, en chauffant ou microfiltrant le lait.
L'Inao a d'ailleurs reconnu l'an dernier l'existence de pratiques douteuses, tant chez de gros que chez de petits producteurs.
Fallait-il par précaution modifier le cahier des charges actuel ? Pascale Briand, directrice de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits alimentaires est catégorique : “ Il ne s'agit pas d'une question relative à un problème de sécurité sanitaire ! C'est une stratégie de choix commerciaux. Aujourd'hui, la filière du lait cru est sécurisée par les bonnes pratiques et le cahier des charges.”
Face à l’offensive des industriels, les fabricants artisanaux, qui ne sont plus qu'une dizaine actuellement (Graindorge, Saint Hilaire, Harel, La Perelle, Moulin de Carel, Jort, Reo, Gillot), avaient décidé de s'unir en créant un nouveau syndicat de fromagers AOC avec la bénédiction de l'administration, soucieuse de désamorcer le conflit.
Ce syndicat a voté fin février "à plus de 55% des voix en faveur du maintien du lait cru obligatoire pour la fabrication du camembert AOC", a indiqué l'un des producteurs artisanaux, Thierry Graindorge. Après ce vote, une commission d'enquête de l'institut national de l'INAO a émis un avis qui sera présenté cet été à l'assemblée plenière du comité national des AOC. Cet avis n'est pas encore rendu public mais les sources proches du dossier confirment le maintien du lait cru. Une belle victoire du pot de terre contre le pot de fer.
En se sauvant, le camembert protège un peu nos fromages fermiers du Berry - eux aussi au lait cru. Ils sont sur les marchés, bien affinés, meilleurs et souvent moins chers que dans les grandes surfaces.
Foin des fromages tristes et sans saveur, régalons nous, régalons nos amis, transmettons le goût des belles et bonnes choses à nos enfants. À l’heure où le Président de la République propose que la gastronomie Française soit inscrite au patrimoine de l’humanité, n’oublions pas que notre gastronomie repose sur la qualité et l’authenticité des produits de nos terroirs....
Sources. J-M Bader. http://www.lefigaro.fr/sciences - Patrick Bottois http://www.usinenouvelle.com/ - Yahoo/AFP http://fr.news.yahoo.com/afp/