Sous le nom d’organismes génétiquement modifiés (OGM), on regroupe des plantes, des animaux ou des êtres unicellulaires dont le génome a été enrichi d’un ou de plusieurs gènes étrangers à l’espèce. Le but est de donner à cette dernière des qualités inédites que ni les techniques classiques ni l’évolution n’auraient permis. Ainsi, il est improbable qu’un gène de poisson parvienne naturellement à intégrer le génome de la fraise... C'est une technologie nouvelle qui prétend insérer artificiellement dans une cellule une construction génétique étrangère, et qui le réussit parfois. Or, de telles applications sur des êtres vivants posent des questions sanitaires, environnementales et sociales qui devraient obliger à réaliser une évaluation de leurs impacts. Mais cela n'a jamais été fait !
Il faut distinguer trois familles d’OGM, dont les risques et les avantages ne sont pas comparables.
1/ Les OGM unicellulaires, cultivés en laboratoire, et dont la plupart fabriquent des substances à usage médical (vaccins, hormones, etc.). Personne ne les remet en cause car le système fonctionne (avantage démontré), et il est maîtrisé (risque toléré).
2/ Puis viennent les plantes ou animaux que l’on a génétiquement modifiés afin de constituer des outils vivants pour la recherche. Ces OGM à usage scientifique sont confinés dans des lieux spécialisés et strictement réglementés. Comme les OGM précédents, les OGM de recherche sont relativement bien acceptés par la société
3/ Les PGM. Il s'agit des plantes génétiquement modifiées (PGM), d’intérêt agroalimentaire ou industriel. Elles sont mises en production dans les champs puis, pour la plupart d’entre elles, consommées par des animaux d’élevage ou des humains. Ces PGM soulèvent des problèmes nombreux, inexistants avec les autres OGM : sécurité environnementale, biodiversité, santé, économie rurale. Des difficultés analogues surgiront avec les animaux d’élevage génétiquement modifiés (poissons, mammifères) dès qu’ils seront lâchés dans la nature !
> La toute jeune science des OGM (transgenèse), abusivement présentée par l’industrie des biotechnologies comme preuve de la "maîtrise" humaine du vivant, constitue une manipulation aléatoire, une technologie encore approximative. La thérapie génique ne parvient toujours pas à guérir les malades, et les animaux transgéniques présentent souvent des handicaps (stérilité, diabète, difformités) sans rapport apparent avec le gène introduit dans leur génome. Ce qui, malgré tous les discours prétentieux et une propagande grossière, révèle l’état insuffisant des connaissances actuelles. La grande supercherie et les plus grands risques des prétendues démarches de "maîtrise" résident précisément dans l’absence de maîtrise des actions engagées.
L'ambition de créer des espèces chimériques* par des mélanges de génomes, est stimulée par les espoirs de gains énormes pour l’industrie des biotechnologies, elle repose sur un simplisme qui n'est pas scientifique du tout et que les médias ont propagé. Le génome serait le "livre de la vie", le "programme du vivant" ; chaque gène correspondrait mécaniquement à une protéine, etc. Toutes ces notions simplistes ont été contredites par la recherche fondamentale, tout comme par les surprises des innovations : plusieurs gènes peuvent concourir à la synthèse d’une protéine ; la nature d’une protéine dépend de facteurs extérieurs au génome ; tout OGM peut développer des caractères imprévus par interaction du transgène avec le génome de l’hôte.
Ces phénomènes ont été constatés mais ils restent largement incompris et absolument non maîtrisés. Ainsi, le transgène présent dans une plante génétiquement modifiée (PGM) est souvent différent de celui qu’on voulait y introduire, d’où la fausse sécurité des autorisations de culture. De récents travaux australiens ont montré que le gène introduit dans une plante (le petit pois) peut y produire des substances allergènes qu’il ne produisait pas dans la plante d’origine (le haricot). Or ce petit pois rendu toxique par la manipulation aurait parfaitement pu satisfaire aux procédures d’autorisation européennes. C’est donc bien de science que nous manquons avant de procéder à la dissémination immédiate, massive et irréversible des plantes transgéniques. Et cette recherche ne saurait être menée en plein champ, sauf à jouer l'apprenti sorcier en traitant l’espace naturel comme si c'était un laboratoire d'expérimentation !
> Les PGM le plus souvent citées par l'agro business n’ont pas d’existence réelle. En voici des exemples... La tomate à longue conservation, première plante génétiquement modifiée (PGM) commercialisée en 1994, a vite été abandonnée : son goût rebutait les consommateurs des Etats-Unis, et des irrégularités avaient été commises pour obtenir son autorisation. Le riz Golden Rice produisant la provitamine A est un échec : il faudrait en manger plusieurs kilos pour obtenir la dose quotidienne requise de vitamine. Les plantes capables de pousser en terrains très riches en sel ou en terrains désertiques en sont toujours au stade des promesses. Quant aux "plantes-médicaments", supposées aptes à approvisionner l’industrie pharmaceutique en substances variées, elles n’ont (pas plus que les animaux génétiquement modifiés) jamais produit ces molécules en quantités suffisantes pour arriver au stade de la commercialisation.
Qu’en est-il des plantes génétiquement modifiées (PGM) réellement cultivées sur près de 100 millions d’hectares, pour l’essentiel sur le continent américain ? Il s’agit, à 98 %, de plantes capables soit de produire elles-mêmes un insecticide, soit de tolérer les épandages d’herbicide. Sur les terres où elles sont cultivées on rencontre déjà des plantes sauvages résistantes à tous les herbicides usuels. Les PGM productrices d’insecticides le font en continu, et par toutes les parties de la plante. Elles libèrent donc beaucoup plus de toxiques que les traitements conventionnels, avec des effets potentiellement dévastateurs sur l’environnement, particulièrement pour les insectes ou les oiseaux. Avec les PGM tolérantes à un herbicide, celui-ci est souvent appliqué en une seule fois (pour réaliser des économies de main-d’œuvre) et massivement (en quantités doubles ou davantage), avec des conséquences stérilisantes pour la biologie du sol (micro-organismes, vers, etc.).
L’excès de pesticides présents dans les PGM, soit par génération autonome (insecticide), soit par imprégnation (herbicide), présente des risques potentiels pour l’alimentation des animaux ou celle des humains qui les consomment. On peut aussi s’interroger sur l’éventuelle transmission aux bactéries qui peuplent notre tube digestif de propriétés nouvelles induites par les transgènes ingérés, dont des résistances aux antibiotiques.
> Les PGM, telles qu’on les connaît actuellement, relèvent d’un énorme bluff technologique auquel participent les institutions et certains scientifiques. C’est qu’un vaste marché est en jeu : celui des semences génétiquement modifiées et protégées par des brevets que les agriculteurs devront acheter (cher !) et renouveler chaque année, puisque le vendeur interdit de les ressemer... Pour les multinationales des biotechnologies, qui ont ajouté à leur domaine d’origine (la chimie) celui des ressources végétales (par le rachat des semenciers), il s’agit de créer un marché captif dans lequel leurs seuls intérêts vont s’imposer à tous les aspects de l’alimentation mondiale : variétés utilisées, traitements phytosanitaires, modes de culture, commercialisation. Par ailleurs, ces chimistes marchands de PGM s’assurent simultanément des ventes massives de pesticides, obligatoirement associés à leurs plantes-chimères génétiques.
Contrôler l'alimentation sur la planète c'est dominer le monde...
> Aucun des risques n’a été sérieusement étudié, au prétexte que les plantes transgéniques ne font que poursuivre le projet classique d’amélioration des espèces, qui a fait la preuve de son innocuité... C’est confondre la sélection variétale, ou les croisements traditionnels, avec la production de chimères* qui mélangent des espèces très différentes, voire l’animal avec le végétal. Cet amalgame justifie en partie l’hypothèse loufoque et aventureuse d’équivalence en substance qui prétend que la plante génétiquement modifiée est identique, dans sa composition, à la plante mère non modifiée, alors même que l’introduction d’un gène étranger est susceptible de perturber ses fonctions !
*Chimère. En génétique, une chimère est un organisme qui possède deux ou plusieurs génotypes distincts. Le génotype est l'ensemble ou une partie donnée de la composition génétique (information génétique) d'un individu.
> Résumé des articles de Arnaud Apoteker, Jacques Testart, et Aurélien Bernier.
http://www.monde-diplomatique.fr/2006/04/APOTEKER/13337
http://www.monde-diplomatique.fr/2006/11/BERNIER/14137