Mardi 23 septembre. Environ trois millions de manifestants selon les syndicats. C'est nettement plus que le 7 septembre dernier : les centrales avaient alors comptabilisé entre 2,5 et 2,7 millions de personnes dans les défilés partout en France. Selon un sondage paru le même jour, 63 % des français se disent du côté des grévistes, 59 % sont contre le report de l'âge légal de départ à la retraite, 45 % se déclarent révoltés par la situation sociale et économique actuelle.
> Le gouvernement, les services de communication du Président et des ministères concernés, les députés de l'UMP, répètent que tous les régimes de retraite sont à l’agonie et qu'il n'existe qu'une solution pour s'en sortir : que les salariés fassent de nouveaux sacrifices ! Les médias officiels et la plupart des journalistes se joignent au concert : acceptez le report de l'âge légal à soixante deux ans (et le taux plein à soixante sept), et acceptez des pensions plus faibles ... Ils ne disent pas un mot des solutions différentes qui existent. Pourtant, oui, il y en a. Et même, on peut en préférer une ou une autre, il y a le choix. À titre d'exemple, voici un résumé d'articles parus sur le web qui montrent que le problème des retraites peut être résolu autrement.
> Le dossier du Conseil d’orientation des retraites (COR) du 14 avril 2010, a servi de base à la réforme votée le 15 septembre 2010 à l’Assemblée nationale. Que disent les chiffres du Conseil d’orientation des retraites pour étayer la réforme du gouvernement ? Ses tableaux ont pour source des éléments incontestables et connus de tous, ceux de l’année 2007. C’est à partir de ces bases solides que le COR a fait des projections sur 2008, 2015, 2020, 2030 2040 et 2050.
En 2008, quel régime est déficitaire ? Quel autre est excédentaire ?
A/ Les chiffres des trois régimes du secteur privé : la Cnav (Caisse nationale d'assurance vieillesse - régime de base des salariés non fonctionnaires), l’Arrco (Caisse de retraite complémentaire des salariés non fonctionnaires non cadres) et l’Agirc (complémentaire des salariés cadres, non fonctionnaires) étaient les suivants en 2008 :
Total cotisé (en milliards d'euros) 146,9. Total pensions (en milliards d'euros) 142,8.
Ainsi, les trois régimes du secteur privé étaient en excédent de 4,1 milliards d’euros ! Sur ces 4,1 milliards de profits, 5,6 viennent de l’Arrco, ce qui compense ce qui manque à la Cnav (1,1 milliard), et à l’Agirc (0,4 milliard).
B/ Les chiffres des deux régimes du secteur public : la FPE (salariés fonctionnaires de la fonction publique d’Etat) et le CNRACL (salariés fonctionnaires de la fonction publique territoriale et hospitalière) étaient les suivants en 2008 :
Total cotisé (en milliards d'euros) 46,8. Total pensions (en milliards d'euros) 54,6.
Ainsi, les deux régimes du secteur public sont en déficit de 7,8 milliards d’euros pour 2008. Les 7,8 milliards manquant sont dus aux moins 10,4 milliards de la FPE, compensés en partie par les 2,6 milliards d’excédent du CNRACL.
De fait, en 2008, si on additionne tous les régimes de retraite, on constate un manque de 3,7 milliards d’euros. Tout additionner pour tout mélanger c'est la recette pour nous embrouiller.
Car, contrairement à ce que prétend le trio Sarkozy-Fillon-Woerth, les régimes du secteur privé ne sont pas la cause des déficits. Les propres chiffres du gouvernement le montrent.
Sans vouloir opposer les salariés du secteur privé à ceux du secteur public… il faut bien constater que le gouvernement essaye d'échapper à ses responsabilités d'employeur pour payer les retraites des 4,3 millions de cotisants fonctionnaires !
Ne faut-il pas mieux tondre la laine d'un troupeau beaucoup plus nombreux que celui des fonctionnaires ? Le gouvernement a trouvé : le troupeau est celui des 20 millions de salariés du privé ! C’est cette solution de facilité qui a été prise par Nicolas Sarkozy, qu’il a déléguée à son Premier ministre François Fillon, qui l’a transmise à Eric Woerth.
> Pourtant, une solution au déficit constaté des régimes du secteur public existe, ainsi qu’une solution pour les déficits à venir. Quelle est cette solution ?
Simplement remettre le système à plat et se poser quelques bonnes questions, notamment : qui fait quoi pour qui, et qui doit financer les retraites de qui ?
Comment pourrait-on faire ?
Les fonctionnaires sont indispensables à l’Etat pour assumer les fonctions qui lui incombent, telles que : la police, la défense, l’éducation, la santé, les infrastructures, le Parlement ...etc.
C’est pour cette raison qu'il est tout à fait normal que l’Etat paie les salaires des fonctionnaires. Alors, pourquoi ne paierait-il pas sa part des retraites de ses propres salariés comme le font les autres employeurs ? Pourquoi veut-t-il laisser le déficit de cette charge aux salariés de toutes les autres activités économiques ? Comme si toutes les ressources de la nation n’avaient pas à supporter la charge des fonctions de l’Etat, exercées à travers ses fonctionnaires ?
Ce constat peut étonner. Mais il est pourtant évident. Si l’État prenait à sa charge ce qui lui revient, cela éviterait aux régimes de retraite du privé d’avoir à prendre en charge les déficits de l’État !
Relevant désormais de l’État, le déficit des régimes publics devrait trouver son financement, soit près de 8 milliards pour 2008. Où les trouver ? On peut imaginer de mettre en ouvre une "CGS retraites". CGS qui aurait (uniquement en cas de déficit) pour assiette tous les revenus : ceux des placements, du patrimoine, des salaires ...etc. De fait, aux taux de 2,5 %, 4 %, et 0,2 %, elle aurait rapporté près de 10 milliards d’euros en 2008. Et il existe d'autres sources de financement.
Quant aux régimes du privé, ayant une nouvelle assiette de calcul, ils auraient été immédiatement excédentaires de 4,1 milliards d’euros en 2008… au lieu d’avoir été déclarés en déficit.
Un tel système aurait aussi l’avantage de faire que chaque régime de retraite se sente plus responsable, sans avoir à compter sur d’autres régimes, comme cela va se faire demain, de manière injuste, avec la nouvelle réforme.
> Où trouver les milliards qui manquent dans les projections (le gouvernement parle de 30 milliards).
Les propagandiste du dogme économique libéral doivent être aveugles et sourds devant l'évidence : après la crise financière les entreprises du CAC 40 ont réalisé en 2009, 49 milliards d’euros ! Voila une belle source de financement.
Allez, on en ajoute une couche : en 2008 les entreprises françaises ayant des filiales implantées dans des paradis fiscaux ont réussi à faire échapper au fisc 538 milliards de dollars (le Canard Enchaîné). Encore une belle source de financement.
Il faut réorienter les politiques économiques qui privilégient la finance au détriment de l’emploi, de la formation et des salaires et qui sont au cœur du financement des retraites : un million d’emplois en plus, ce serait 5 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Moins de chômeurs et plus de cotisants, c'est le jackpot !
La répartition des revenus en France a, depuis un quart de siècle, évolué à l’avantage des actionnaires et des très hauts salariés managers. Selon Gérard Filoche, une simple application du taux de cotisation patronale aux dividendes distribués comblerait immédiatement tout le déficit actuel de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse.
> La réforme des retraites telle qu'elle est dramatisée par le pouvoir, est un des moyens pour revenir sur les avancées sociales conquises par les salariés depuis des décennies. Après les retraites, Sarkozy va-t-il s'attaquer aux congés payés pour les "sauver" ?
Avant les années 80, la répartition de la richesse produite était de 30% pour les actionnaires (en tant qu’investisseurs "preneurs de risques"), et de 70% pour les salariés qui produisaient concrètement les richesses.
A partir des années 80, les actionnaires se sont octroyés 40 % puis maintenant 50% des richesses produites. Les apôtres du dogme ultra-libéral à droite et à gauche ont utilisé tous les moyens possibles pour parvenir à ce résultat.
Et souvenons nous que les premiers à mettre en oeuvre le catéchisme du libéralisme économique ont été les ministres PS Delors, Fabius et Rocard, avec le blocage des salaires sous prétexte de "désinflation compétitive". Ensuite les équipes qui ont suivi : le tandem Balladur-Sarkozy a "réformé" les régimes de retraites des banques et assurances et allongé le temps de travail, Jospin a accepté le traité qui condamnait les services publics, ensuite Chirac-Fillon puis maintenant Sarkozy-Fillon-Woerth. Dominique Strauss-Kahn et son FMI enfoncent le clou.
> Pourtant ce serait le bon sens que de ponctionner les dividendes des actionnaires, les établissements financiers et les entreprises qui fraudent le fisc, plutôt que les salariés, femmes, jeunes et ouvriers...
> Sources :
AgoraVox. Article de Aimé Fay.
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/financement-des-retraites-une-81460 -
Owni. Dossier financer les retraites.
http://owni.fr/2010/09/07/retraites-le-dossier-downi/
Extraits du livre de Bernard Fiot L’enjeu des retraites. Les mots ont un sens.
http://lmsi.net/Les-retraites-deplacer-le-debat