Les fromages de France menacés ? Dans nos petites villes et villages de province, on mesure mal l'ampleur du phénomène, car les fromages fermiers et les stands de fromagers sont présents sur tous les marchés. Pourtant c'est vrai, la production industrielle et grandes surfaces des magasins de grande distribution n'offrent plus que des produits standardisés inodores et insipides. Les vrais fromages au lait cru ont disparu de leurs rayons.
En cinquante ans, écrit Véronique Richez-Lerouge, 90 % de nos fromages ont basculé dans l'industrialisation. Et voilà comment la France, pays des mille six cents fromages a laissé filer son patrimoine. Malgré les protestations des petits producteurs, les multinationales agroalimentaires, avec la complicité des pouvoirs publics, ont ainsi balayé deux mille ans de savoir-faire. Résultat : les vrais fromages au lait cru et les produits fermiers sont en voie de disparition. En 1945, 100% des fromages étaient au lait cru, aujourd’hui 90 % sont au lait pasteurisé. Laisser faire, uniformisation, normes sanitaires, lobbying des industriels dans les ministères, publicités trompeuses...
Saturés de mauvaises graisses, trop salés, les "fromages" fabriqués par les industriels, ont goût médiocre et ne possèdent plus les nutriments essentiels qu’apporte un lait de qualité, au contraire des fromages élaborés à partir de lait cru, produit par des vaches nourries traditionnellement.
Avec ce livre passionnant et une enquête très documentée (au fil des pages on en apprend de belles !), Véronique Richez-Lerouge lance un cri d'alarme : quel héritage allons-nous laisser à nos enfants ?
Si l'esprit de cette enquête semble rétrograde ou "bobo" au premier abord, on se rend vite compte, au fil du livre, que les enjeux sont fondamentaux : santé publique, liberté du consommateur, survie de la biodiversité et patrimoine culturel sont menacés. En effet les pratiques des grands groupes agro-alimentaires (manipulation des AOC et contrats d'exclusivité avec les producteurs de lait étranglés par des prix de misère, méthodes de production qui dégradent le produit), font des fromages uniformisés, une disparition des goûts, la mise à mort des petits fabricants. C'est aussi l'appauvrissement de la biodiversité (disparition des prairies au profit de monocultures céréalières, et la raréfaction d'une flore microbienne bénéfique dans le lait).
Pourtant, un fromage, c'est un savoir faire, ce sont des gestes et des traditions qui ont un sens, qui sont en lien avec le terroir (herbages, bétail), sur lequel ils ont vu le jour.
Alors plus d’espoir ? Eh bien si ! L'auteur conclut par un chapitre qui montre qu'il existe des résistants, des producteurs qui se battent pour préserver notre patrimoine gastronomique et nos "vrais" fromages. Mais c'est à nous aussi d’acheter responsable pour les soutenir si nous ne voulons pas demain avoir des fromages sans goût et sans odeur. À nos fromagers de promouvoir la diversité et éduquer nos palais, à nos restaurateurs de ne pas négliger les plateaux ! Allons plus souvent sur les marchés, et moins dans les hangars de la grande distribution et du discount alimentaire.
Souvenons nous, un fromage signe un repas, que ce soit en famille, pour une fête entre amis, ou au restaurant, car servir de bons fromages c'est la responsabilité du chef ! ...
> France, ton fromage fout le camp ! Véronique Richez-Lerouge. Éditions Michel Lafon. Un livre broché. Format : 24 x 16 centimètres. 284 pages. Prix : 15.95 €
> Lire dans gilblog : Fromage fermier, le trois cent cinquante et unième fromage de France. >>> Lien.
et Camembert de Normandie, vers la victoire du bon goût et du bon droit ? >>> Lien.
> Pour en savoir plus. Le site de la maison Androuet. >>> Lien.
Le site "Fromage et bon vin". >>> Lien.