Les nouvelles histoires de Berlaudiot.
Comme beaucoup de gars de La Charnivolle, Berlaudiot a un un fusil. C’est un vieux Robust de Manufrance qu’il tient de son père qu’allait tirer quieuques lièbes avec. Mais Il se sent rassuré de savoir qu’il pourrait défendre sa maison, le cochon, l’âne, ses trois vaches et la Huguette contre une agression. Dame avec avec l’insécurité.…
Une nuit, il entend quelque chose dans la cour. Il se lève sans bruit, empoigne le fusil dans le noir, et rampe à l’aveuille goute jusqu’à la fenêtre. C’est la grosse nuit, la cour est dans l’obscurité, mais il entend un bruit venant du tilleul. Un bruit comme le vent s’engouffrant dans les vêtements de quelqu’un. Mais il fait noir comme dans l’cul d’un four et on y voit rin. Soudain la lune émerge d’un nuage et éclaire toute la cour. Juste sous le tilleul il y a un gars debout, avec la chemise qui flotte au vent. Un maraudeur dans la cour, c’est l’occasion pour Berlaudiot de se comporter en héros. Il jette un regard sur la Huguette qui dort et il murmure :
T’en fais pas Huguette ! Avec moué et mon Manufrance tu crains rin !
Puis il crie au guingnaud :
Va t’en, galfertiau ! Si j’t’attrape, tu peux numéroter tes abattis !
Mais le gars ne bouge pas, il est toujours planté sous l’arbre.
Fiche le camp, ou j’t’envoie un coup d’fusil !
Cette menace devrait suffire pour chasser n’importe quel galvaudeux, mais le gars reste immobile. C’est louche.
Attention, j’mets eun’ cartouche à sanglier ! Va t’en si tu veux pas défunter ! crie Berlaudiot
Le galuriau reste figé, l’air menaçant.
Darniére sommation ! avertit Berlaudiot qui veut donner une chance au voleur de fiouler. Mais le maraudeur ignore la menace.
Je tire ! Crie Berlaudiot, et il tire. Pan !
À ç’moment là, un aut’ nuage cache la lune et la cour est plongée dans le noir. Silence de mort. Enfin le nuage s’en va.
La clarté revenue, le galmaudi s’est enfui, il n’y a plus personne sous le tilleul.
Berlaudiot raccroche son Robust et raconte toute l’histoire à Huguette que le coup de fusil a réveillée en sursaut. Puis ils se recouchent et se blottissent sous s’éderdon. Berlaudiot, tout faraud, prend la Huguette dans ses bras et s’endort en héros.
Au petit matin, Berlaudiot est réveillé par les allées et venues de la Huguette qu’est fâchée coum’ une talune et qui s’met à l’accagner..
Berlaudiot ! Vins don ici, sacré godais d’beurdin d’Berlaudiot ! dit-elle en r’boulant les yeux coum’ une chavoche.
Il va à la porte et voit Huguette brandissant sa chemise, lavée de la veille et qu’elle avait mis à sécher sous le tilleul. La belle chemise blanche à Berlaudiot est tellement criblée de chevrotines qu’on voit le jour au travers !
Oh, marci mon Dieu ! s’exclame Berlaudiot en levant les bras au ciel.
Pourquoi qu’tu r’marcie l’bon Dieu alors que t’as troué ta ch’mise anc’ ta pétoire ? Ta ch’mise al’ est pus boune à rin, à c’t’heure ! s’indigne Huguette.
Dis donc Huguette, arrête de m’arnauder ! Tu voué ti pas qu’ma vie al’ a été sauvée par miracle ? Regarde lavoù la cartouche al’ percé la touéle ! Si j’avais été dans ma ch’mise, la cartouche a m’aurait troué l’estouma. Tu d’vrais r’marcier l’bon Dieu que j’y étais point, dans ma ch’mise !
> Si le sens d’un mot vous échappe, vous le trouverez dans le glossaire du parler berrichon de gilblog. >>> Lien.