À l'appel de l'Avec (Association de veille environnementale du Cher) et de Nature 18, une manifestation a eu lieu à Bourges samedi 23 juin de 11 heures à midi rue Moyenne de la place Planchat à l'ilot Victor Hugo. Quatre vingt cinq participants, une grande banderole de la largeur de la rue, des pancartes, des abeilles en papier, le beau temps et une caméra du journal de France 3 région. Les passants de la rue Moyenne s'arrêtaient et lisaient les tracts avec curiosité.
Les raisons de cette protestation ? Une directive européenne du 21 octobre 2009 interdit l'épandage de pesticides par voie aérienne. La Loi Grenelle II du 13 juillet 2010 dans son article 103 interdit la pulvérisation de pesticides par voie aérienne, mais un arrêté du 31 mai 2011 autorise les préfets à accorder des dérogations. C'est ouvrir la porte à une pratique dérogatoire systématique, la preuve : cette année on compte huit cents demandes de dérogation à l'interdiction des épandages de pesticides par voie aérienne ! Dans le Cher, trois sociétés d'épandage aérien ont déposé des demandes de dérogation et une consultation publique a été ouverte, conformément à la loi. La demande de dérogation a été faite par les entreprises suivantes : Vitagri, Trans-héli et Giragri 17.
En alertant l'administration sur la dangerosité que représente pour la santé publique et l'environnement l’épandage de pesticides par voie aérienne, l'Avec et Nature 18 espèrent que la dérogation ne sera pas accordée. C'est pourquoi un dossier de recours démontrant l’inopportunité d’une dérogation dans le département du Cher, a été adressé par l'Avec le 13 juin à la Préfecture. En voici un bref résumé agrémenté de quelques commentaires.
> Il faut dire que la consultation publique a mal commencé : défaut d'information du public, retard dans la publication dans la presse locale, délai non respecté (la population a disposé de dix neuf jours seulement contre la "durée minimum d’un mois" réglementaire. Une partie de l'information a été donnée sur l'internet alors que de nombreux habitants n'y ont pas accès.
> Les parcelles citées dans les trois dossiers ne sont pas toutes identifiables, la réglementation concernant la cartographie n'est pas respectée, la distance avec les points d'eau non plus, certaines zones classées Natura 2000 seraient touchées.
> De nombreux participants à la réunion du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) le 30 mai dernier, ont exprimé leur opposition aux demandes de dérogation. Ce sont les représentants de la chambre d’agriculture, de la la Fédération des pêcheurs, de l'Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques, le représentant de Nature 18.
> Les pesticides (dénommés phytopharmaceutiques par ceux qui les vendent), sont des poisons qui ont déjà tué à Saint Florent il y a quelques années et en Auvergne plus récemment. Ils génèrent des maladies du système immunitaire, ils sont cancérigènes, ce sont des perturbateurs des systèmes endocrinien et reproducteur, ils sont une des causes de la maladie de Parkinson (qui vient d'être classée maladie professionnelle chez les agriculteurs). Ils tuent indistinctement la microfaune et les insectes. On les retrouve dans les habitations situées à un kilomètre des zones de dispersion des poisons (la limite de cinquante mètres annoncée est une tromperie !).
> Les poisons qui seraient dispersés par les hélicoptères sont dénommés par des termes qui n'indiquent pas leur composition chimique, ce sont des marques commerciales. Mais ils sont classés dangereux par le ministère de l'agriculture et de l'Agroalimentaire : Algèbre (fabriqué par BASF), Amaline flow (fabriqué par Nufarm), Amphore F pépite et Amphore MZ pépite (fabriqués par Syngenta), Consist et Corail (fabriqués par Bayer agri), Cuproxat (fabriqué par Nufarm), Escapade, Hoggar (de Bayer agri), Microthiol (de Cerexagri), Privest, Roxam Combi (de Gowan international), Systhane (fabriqué par Dow), Valiant Flash (de Bayer agri). Ces produits aux noms anodins sont destinés aux vignes. Pour le maïs, la liste est plus courte : Coragen (fabriqué par DuPont), Decis Protech (fabriqué par Bayer), Sherpa 2GC (fabriqué par Certis).
Dans ce domaine, l'opacité est la règle, cherchez sur le web et vous constaterez que les industriels de la chimie ne claironnent pas le nom des molécules chimiques utilisées, car tout le monde comprendrait alors qu'il s'agit de poisons dangereux, et ça serait mauvais pour les affaires... Tous ces produits sont classés par les services du ministère comme "très toxique" pour les organismes aquatiques, "dangereux pour l'environnement", "dangereux pour les abeilles". Pour les humains l'échelle des dangers va de "nocif en cas d'ingestion" à "nocif par inhalation" en passant par "risque pendant la grossesse", "néfaste pour l'enfant", "risque de lésions oculaires graves", "pendant l’utilisation : ne pas manger, ne pas boire, ne pas fumer", "conserver à l’écart des aliments et boissons y compris ceux pour animaux", "effet cancérogène suspecté", "éviter toute contamination du milieu ambiant".... Vous savez l'essentiel.
> Au début du rassemblement, les participants ont été salués par Pascal Gaudy, Conseiller général du canton de Levet, qui leur a exprimé le soutien du nouveau député Yann Galut. À la fin du parcours, Willy Béteau (Président de l'Association de veille environnementale du Cher) a résumé le contenu du recours et annoncé que si le Préfet autorisait les dérogations et si les épandages aériens étaient effectués, les associations se verraient dans l’obligation d’organiser une veille technique sur les sites. Au moment de l’intervention les associations viendraient poser des matériaux absorbants pour les faire analyser par un laboratoire indépendant agréé. Dans le cas où ces prélèvements seraient positifs, des suites juridiques pourraient être engagées.
> Lire dans gilblog : Pesticides, dérogations et enquête publique.
> Lien pour voir le (très bref) reportage du journal de France 3 régions sur les épandages aériens dans le Cher sur YouTube : http://youtu.be/WjF38cfxUhA
> Petit, petit, tout petit....
À la fin de la manifestation, le journaliste du Berry républicain compte les participants qui défilent devant lui, nous échangeons le résultat de nos observations : quatre vingt-cinq personnes. Dans le compte rendu de dimanche, il n'y en a plus que quatre vingt. Le Berry soigne la mesquinerie jusque dans les les moindres détails. Mâtin, quel journal !