Dans une double page intitulée “La centrale de Belleville sous surveillance”, le quotidien “Le Berry Républicain” cite largement un communiqué de l’Autorité de Sûreté nucléaire (du 13 septembre) dont les inspecteurs sont allés faire un tour sur le site les 4 et 5 avril 2017.
La double page, plutôt bien faite, contient des illustrations (qui nous apprennent que la centrale est située au nord de Sancerre - ah bon ?), des tableaux sur les incidents et des interviews d’habitants de Belleville et d’une députée LREM, ancien cadre de la centrale EdF. On peut lire dès les premiers paragraphes que la centrale est placée sous “surveillance renforcée”.
Mais Le Berry Républicain ne peut résister au démon du “surtout pas de vagues - on peut pas tout dire” qui caractérise sa manière de traiter l’information….
C’est ainsi qu’on remarque une absence criante dans ces deux pages : la voix de la critique. S’agissant du nucléaire, il faut oser le faire ! Pourtant, les défauts mis en lumière par l’ASN s’inscrivent dans une longue série. Les rapports pour les années 2008, 2010, 2012 et 2014 pointaient déjà du doigt la centrale de Belleville pour des problèmes environnementaux ou de sûreté….
En effet "En 2016, deux incidents ont provoqué des arrêts soudains de réacteurs. EdF n'a jamais communiqué sur les causes", vient de déclarer Catherine Fumé, administratrice du réseau “Sortir du nucléaire” dans un entretien à l’Usine nouvelle.
En février 2015, le collectif antinucléaire avait déposé une plainte pour pas moins de trente quatre infractions ! “Sortir du nucléaire” dénonçait notamment des atteintes à l'environnement, à la santé des riverains et des salariés et des entorses au droit du travail. Mais "le procureur du tribunal de Bourges avait simplement prononcé un rappel à la loi envers EDF et il avait classé le dossier sans suite", déplore Catherine Fumé.
Un autre son de cloche (enfin, un son très étouffé) avec la déclaration de Perrine Goulet (députée Macron de la Nièvre et ancien cadre de la centrale EdF) au du Berry Républicain. Pour cette ex surveillante des installations, il y aura des “améliorations” à apporter mais “il ne faut pas s’inquiéter”. D’ailleurs elle n’emploie jamais les mots “danger” ou “risque”. Au contraire dit-elle, il ne faut pas dramatiser, d’ailleurs, “il n’y a pas de fuites radioactives”. Pas de fuites radioactives ? On espère bien !
A l’issue de cette inspection effectuée sur place, Jean-Marie Boursier, le directeur de la centrale devait se sentir dans ses petits souliers, il a en effet été convoqué par le directeur général de l’ASN, le 7 septembre, afin de lui présenter un plan d’action. Il en résulte que “les dispositions de mise sous surveillance renforcée décidées par l’ASN se traduiront notamment par des contrôles supplémentaires”. Rendez vous pour une nouvelle inspection en avril 2018.
Mais, au vu des problèmes persistants relevés par l’ASN, les associations Réseau Sortir du nucléaire et Sortir du Nucléaire Berry-Giennois-Puisaye réagissent et “envisagent de saisir une seconde fois la justice concernant cette centrale avant que ne survienne un accident ou une pollution nucléaire grave”.
Je suggère à ceux qui veulent en savoir plus d’aller faire un tour sur le site de l’Autorité de Sûreté nucléaire : ils pourront y lire et télécharger le rapport des inspecteurs. Bon, c’est écrit en jargon technique et pas très excitant comme lecture, mais ça permet de se faire une idée…
Certes il n’y a pas de couvercle avec risques de fissures comme chez l’EPR d’Areva à Flamanville, mais une ferlampée de défauts, dégradations, défaillances, anomalies, travaux expressément demandés et non réalisés, état déplorable de plusieurs systèmes d’alimentation électrique de secours, nombreuses fuites sur des vannes, manquements aux exigences réglementaires …etc. Après un comptage rapide j’arrive à vingt-cinq demandes (ou injonctions ?), le relevé de quarante sept anomalies, des demandes de complément d’information, et neuf observations, adressés au directeur du Centre nucléaire de production d’électricité de Belleville. Mais ça ne semble pas avoir éveillé la curiosité du Berry Républicain.
> La conclusion, pleine de bon sens, est sans doute apportée par “Sortir du nucléaire” qui déclarait récemment dans un communiqué : “Avant que ne survienne un accident ou une pollution nucléaire grave, scénario malheureusement réaliste au vu des dysfonctionnements constatés, il est urgent de mettre fin à cette situation. La centrale nucléaire de Belleville, qui atteindra bientôt les 30 ans (sa durée de fonctionnement initialement annoncée) doit être mise rapidement à la retraite” !
> Sources. Site web de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire (Cher). L’ASN met le site sous surveillance renforcée. >>> Lien.
Dans la même page cliquez sur le dossier INSSN-OLS-2017-0002 en PDF à télécharger.
Le Berry Républicain du 14 septembre. Pages 2 et 3.