On dit que les bornois ont le caractère frondeur, mais peut-être sont-ils simplement attachés à certaines valeurs. Sans remonter aux calendes, à la construction de la chapelle ou aux grèves des bûcherons ou des potiers, feuilletons quelques pages d’histoire locale plus récente qui illustrent la permanence d’un certain esprit bornois.
1940/1945. Des représentations théâtrales pour l’envoi de colis aux prisonniers.
Après la défaite de l’armée française en 1940, il y eut 1 845 000 prisonniers de guerre capturés par l’armée allemande ! Ils furent envoyés à pied ou en train dans des camps en Allemagne. Les familles se désolaient du sort d’un fils ou d’un mari soumis aux privations dans le Reich en guerre et les contacts étaient difficiles. À La Borne, une association très active animée par André Rozay organisait des représentations théâtrales dont les recettes servaient à envoyer des colis aux malheureux prisonniers. C’était la préfiguration de l’Avenir bornois à laquelle succèderont Les Amis de La Borne en 1978, et les associations que nous connaissons aujourd’hui. Les prisonniers durent attendre l'été 1945 pour être rapatriés.
1974. Création du Comité de défense du site de La Borne, contre le remembrement.
En 1946, la France comptait 145 millions de parcelles agricoles d’une taille moyenne de 0,33 hectare. La taille et la dispersion de ces exploitations rendaient le travail lourd et peu rentable, et la mécanisation difficile. Le gouvernement alloua des subventions pour encourager les échanges de terres et agrandir les surfaces cultivables et le remembrement devint intensif entre les années 1960 et 1980. Le paysage et l’environnement rural en furent profondément changés, c’est à cette époque que Jean-Louis Boncœur lançait un triste “Y a plus d’bouchures” et qu’une association de défense du site de La Borne se créa.
Un article de la presse locale de 1974 rend compte de l'assemblée constitutive du Comité de défense du site de la Borne avec les céramistes André Rozay, François Mestre, Élisabeth Joulia, l’instituteur Jean Pascaud, la secrétaire est Hélène Bedu. La création de l’association se fait en réponse au projet de remembrement aux alentours de La Borne. On y entend notamment l’intervention d'André Rozay. “Le remembrement qui doit avoir des raisons valables ne doit plus se manifester de manière sauvage et inconsidérée. Il faut tendre à ramener à de justes proportions les différents aspects de ce remembrement qui doit se faire dans l’intérêt de tous en conservant les grands équilibres naturels”. Et il appelle à se méfier de certaines promesses faites de bonne foi “car nous savons par les expériences passées que nous risquons d’être mis devant le fait accompli”.
Durant les années qui suivent, l’arrachage des haies au bulldozer provoque la consternation. Certains soupçonnent des propriétaires peu scrupuleux de graisser la patte aux conducteurs pour en arracher un peu plus. En 1978, de mystérieuses birettes endommagent deux innocents bulldozers pendant la nuit. Les birettes s’étant volatilisées l’enquête tourne court.
1992. Un projet d’aménagement du lavoir qui fait flop.
Le 2 avril 1992, le conseil municipal de Morogues vote l’aménagement du lavoir de La Borne et de WC publics pour 192 000 francs. Les bornois l’apprennent avec étonnement en lisant la presse locale. Un rendez-vous avec Éric Pellé maire de Morogues est pris par Les Amis de La Borne et l’Association de Sauvegarde du patrimoine potier. En fait d'aménagement, un risque de destruction totale du site était à craindre avec aplanissement, aire goudronnée, parking, circulation d’autocars, etc. “…ne visant qu'à donner plus de place au tourisme en voiture avec les effets secondaires destructeurs que l'on sait. Par contre, une simple restauration du bâtiment aurait pu être envisagée”. C’est à prendre ou à laisser, aurait dit le maire. Conclusion de l’entrevue, devant l’opposition des associations il résulte que ce projet "n'étant pas recevable en l’état, il est abandonné", écrit un quotidien local dans son compte-rendu.
1996. Quand l’annuaire du téléphone ignorait La Borne.
La Borne est située sur les territoires de deux communes : Henrichemont-et Morogues. Certaines personnes dépendent administrativement d'Henrichemont, et d'autres de Morogues, voire même des deux pour les propriétés situées à cheval sur les limites communales. À l’époque l’affaire se compliquait si l'on cherchait un numéro de téléphone dans l’annuaire ! “Chaque année, dit un témoin, l’annuaire nous classait sous une rubrique différente. Les gens qui habitent en face l'un de l'autre étalent séparés par une trentaine de pages”. Il fallut des articles dans la presse locale, une pétition et l’intervention d’élus locaux pour obtenir qu'une page La Borne soit créée dans l’annuaire du téléphone du Cher en 1996.
Bon, maintenant que nous sommes au 21e siècle, tout est plus simple, il n’y a plus d’annuaire du téléphone !
1994. Un centre céramique à petit budget.
Les habitants de La Borne découvrent avec étonnement le projet d'agrandissement du centre d'expositions installé dans l'ancienne école. Une extension de 400 mètres carrés mais à budget très limité et à l’esthétique de hangar très contestée. Les amis de La Borne et l’Association de sauvegarde du patrimoine potier, La Bornemuse et des céramistes, s’opposent à ce projet qui ne connaîtra pas de suite.
1999. Un centre céramique caché dans la forêt.
Un nouveau projet de Centre céramique projeté par l’association des potiers et la municipalité d’Henrichemont voit sa réalisation différée d’année en année. Il présente plusieurs inconvénients : situé dans la forêt, il est jugé trop à l’écart du village et préjudiciable à l’environnement. Il ne fait pas l’unanimité des associations bornoises et son financement comporte de nombreuses inconnues. Faute d'un pilotage actif et de partenaires institutionnels, le projet s’enlise.
2008. Le nouveau centre céramique est décidé.
Après concertation, l’ensemble des associations bornoises conviennent que le meilleur emplacement sera au centre du village et le font savoir. L’optimisme renaît, des élus de tous bords soutiennent le projet avec enthousiasme. Le cahier des charges est conçu par l’association des céramistes de La Borne. Le projet architectural est confié au cabinet d’architecture Die Werft. Le financement est assuré par le Conseil général du Cher, la Communauté de communes, le le contrat régional de pays, la Région Centre et l’État. La commune d’Henrichemont offre les terrains. Le Permis de construire est signé le 15 juin 2008. En novembre 2008 c'est le démarrage des travaux. La livraison du bâtiment a lieu en 2010.
2014. Le rond point tourne court.
C'est la mode des ronds points disaient déjà les esprits chagrins. Alors, encore un rond point, et à La Borne en plus ? L’été de cette année là, les Bornois étaient invités à une réunion publique le 17 août pour l'aménagement du carrefour. Ceux qui pensaient qu'on allait échanger et débattre pour construire un projet furent déçus car ils virent la présentation d’un plan de “mini giratoire franchissable” devant être impérativement réalisé au printemps 2015. Les travaux sur la voirie étaient assuré par le Conseil Général et les trottoirs (élargis de deux à six mètres) à la charge de la commune. Après diverses contestations, le projet et les contre-projets n’étant pas plus beaux les uns que les autres, la Direction des Affaires culturelles fut alertée et le projet fut abandonné.
Détail cocasse, dans cette affaire, on avait simplement oublié que La Borne n’est pas dotée d’un carrefour, mais possède une place en son centre. Oui, c'est la place Jean Gautier, un jeune résistant de La Borne mort pour la libération de la France en août 1944 en souvenir duquel, le 26 novembre 1944, le conseil municipal d'Henrichemont votait la création et la pose d'une plaque commémorative à La Borne. Depuis ce temps la plaque de Jean Gautier avait disparu. Déposée pour faire des travaux sur le mur qui la supportait elle n'avait jamais été replacée. Et le souvenir du nom de la place avait disparu lui aussi ! Une nouvelle plaque au nom de Jean Gautier figure désormais sur la place, puisque la municipalité d'Henrichemont a en a installé pour identifier les routes et chemins de La Borne. Village potier oblige, ce sont les céramistes bornois qui les ont confectionnées ...en grès.
> Et maintenant ? L’Histoire continue….
> Un grand merci à Michel Boureux qui a préparé ce dossier, et à Madeleine Soligny pour sa relecture.
> Bientôt un rond-point à La Borne ? >>> Lien.
La place Jean-Gautier à La Borne. >>> Lien.
Maison de la céramique. Le projet dévoilé au public. >>> Lien.