À La Borne, il ne reste plus que le totem monumental sculpté par Pierre Digan pour rappeler le souvenir de cet homme au fort caractère, entreprenant et créatif, et de son important atelier de céramique. Pourtant nombre de bornois y ont travaillé et gardent de ces dix ans un souvenir vivace.
Nathalie Mestre y a passé trois années de jeunesse et s’en souvient….
“Pierre Digan venait parfois bavarder avec mes parents quand j’étais petite. Il était arrivé à la Borne en 1960, puis il avait obtenu le prix de la Fondation de la vocation avec sa compagne Barbara Delfosse. Plus tard, quand il a créé on atelier en 1967 avec Janet Stedman, beaucoup de gens de La Borne y ont travaillé pour quelques semaines ou pour plus longtemps. Il y avait toujours du travail chez lui ! C’est donc un peu naturellement que j’ai fait mon premier boulot d’été dans sa boutique de vente, route de la Chapelotte en 1972.
Les ventes allant très fort, l’année suivante, Digan a commencé la construction des ateliers un peu plus loin, route de La Chapelotte (maintenant les locaux abritent les ateliers et le magasin Bottani-Dechaux). Peu de temps avant mon arrivée (un an peut-être), il avait installé de l’autre côté de la route, l’atelier de formation des tourneurs, animé par Janet Stedman et Nadia Pasquer. Et dès 1972, il y avait beaucoup de tourneurs en formation ! Il avait aussi construit deux grands dômes en forme d’igloo qui ont servi lors du symposium de 1977 et ont été démontés plus tard..
Les ventes allaient fort, et pas seulement à la boutique. Tous les jours, des camions de Malissard et Savarzeix enlevaient de la marchandise pour livrer aux clients. En 1973, nous étions déjà une quarantaine à travailler aux Ateliers Digan.
Les tourneurs étaient payés à la pièce, si bien que certains, lorsqu’ils avaient besoin d’argent, prenaient de l’avance et tournaient tant de pièces qu’ils devaient les mettre à sécher dehors au bord de la route !
Dans l’atelier, on ne chômait pas. On dépotait des tonnes de terre et des stères et des stères de bois. Il y avait les tourneurs, l’estampage, le coulage, le séchage …Il y avait aussi les fours. Un four à gaz de deux mètres cubes où on enfournait deux fois par semaine, un four à bois à trois chambres (une cuisson hebdomadaire), un four à, gaz de dix mètres cubes qui cuisait également une fois par semaine (il fallait s’y mettre à quatre pour le remplir).
Chez Digan à La Borne, le patron avait des coups de gueule et des coups de rire, le travail était différent d’ailleurs, il y avait de l’ambiance, on était jeunes, on s’activait, mais on rigolait aussi. Des couples se sont rencontrés là. Et Janet Stedman avait instauré la pause thé à seize heures !
Dans les effectifs, il faut aussi compter des représentants, un gérant et trois secrétaires. La maison éditait un catalogue et participait tous les ans au salon des Métiers d’Art de Paris et au salon de Munich. Digan exposait ses créations en permanence dans le quartier des Halles à Paris, à la galerie Axe, et rue des Francs Bourgeois.
Moi j’étais bien jeune et j’avais envie de voir le monde, j’avais dix-sept ans. Alors en 1975, j’ai quitté La Borne pour voyager… Ce fut la fin de mes années Digan”.
Après la fermeture des ateliers en 1977 (et l’amertume qui suivit), on estime que environ deux cents personnes, stagiaires, tourneurs, manutentionnaires …etc, ont été employées chez Digan. De nombreux tourneurs qui y avaient été formés se sont établis à leur compte à La Borne et aux environs et sont actuellement en activité. De près ou de loin, toute une génération de bornois a été concernée. Ils en parlent encore.
> Photo du haut: Pierre Digan au tour. En dessous: Catalogue (cliquez sur l’image pour l’agrandir).
> Lire dans gilblog. Pierre Digan ne viendra plus à La Borne. >>> Lien.
Pierre Digan, une énergie vitale débordante. >>> Lien.