Marie-Laure et Nathalie, deux amies bornoises, m’ont gentiment signalé ce document (que certains connaissent déjà sans doute). Comme je crois qu’il vaut le détour, je vous donne un extrait. …Et l’adresse pour que vous puissiez profiter du tout.
Pour commencer, je vous mets ça dans le contexte en quelques mots. La fonction de préfet est créée le 17 février 1800 par le Premier consul Napoléon Bonaparte, par la loi du 28 pluviôse an VIII (1800). Le choix du titre retenu, du latin præfectus ("placé à la tête de..."), signifie l'autorité que l'on confère aux préfets, référence à la Rome antique. République oblige, les préfets remplacent les intendants de l’Ancien régime, ces agents très impopulaires de l'absolutisme royal. Les préfet deviennent l'autorité centrale dans les départements créés par l'Assemblée en 1790. Par cette décision, Napoléon met en place un des piliers de l’État qui dure encore de nos jours.
Le premier préfet du Cher est Jean-Baptiste-Charles Legendre de Luçay, né le 4 janvier 1754 à Paris et mort en 1836. Ex administrateur de la fin de l’Ancien Régime, il est nommé préfet du Cher par Bonaparte le 11 ventôse de l’an VIII (1800). Il sera remplacé le 11 brumaire de l’an X (1802).
Tout à sa tâche, le nouveau préfet fait connaissance avec son territoire et publie en l’an X une “Description du département du Cher par le citoyen Luçay, préfet. Publiée par ordre du ministre de l’Intérieur”. À Paris, an X (c’est à dire 1801/1802).
Ce mémoire, est un état des lieux des ressources naturelles, de l’agriculture, du commerce, des voies de communication, des ports fluviaux, de la population, de la géographie du département, etc. Le document (quatre vingt quatre courtes pages) est une lecture historique rendue savoureuse par le style rédactionnel de l’époque.
Dans le chapitre 5 “Caractère et mœurs de habitants” (page 70), on trouve une description, souvent élogieuse, des berrichons, citoyens du Cher, et une petite perle concernant les bornois. Je vous laisse au plaisir de la découverte….
“Le savant professeur Volney observe avec raison dans ses Leçons d’histoire que la topographie d’un pays conduit à connaître les mœurs et le caractère des peuples qui l’habitent.
Cette vérité, que confirme l’expérience des temps et des lieux s’applique particulièrement aux habitants du Cher. Les variations de leur caractère suivent d’une manière très marquée l’influence des localités : ainsi, l’habitant du Sancerrois, dont les campagnes sont vivifiées par la Loire, est actif, vigilant, gai, laborieux; celui de Vierzon se livre avec ardeur aux opérations commerciales, que sa position lui rend faciles; tandis que, dans l’intérieur du département, le colon, confiné au sein des campagnes, est privé de toute émulation, de toute industrie, et reste engourdi dans une indifférence apathique, qui disparaîtrait bientôt, si le ressort puissant de l’intérêt éveillait chez lui l’activité.
À travers les nuances qui les différencient, le caractère distinctif des habitants du Cher est la bonté et la douceur.
On ne doit pas omettre, en parlant des habitants du Cher, une particularité physique qui offre quelque chose d’étonnant ; à côté d’Henrichemont se trouve le village de La Borne, dont les habitants des deux sexes se font tellement remarquer par leur grandeur et leur force, qu’ils sembleraient appartenir à une race différente”.
Le préfet Legendre de Luçay, avait-il entendu parler du “fossé du grand géant” et faisait-il des bornois (habitants de Boisbelle) des costauds, par un rapprochement …audacieux ? Les bûcherons, les charbonniers et les potiers étaient-ils plus costauds ici qu’ailleurs ? Le préfet avait-il seulement mis les pieds à Henrichemont ? Si vous savez quelque chose, n’hésitez pas à m’envoyer un message… nous pourrons ainsi ajouter une nouvelle page à l’histoire bornoise !
> Illustration : Un préfet de l’an VIII en uniforme.
> Source : Description du département du Cher par le citoyen Luçay. Bibliothèque Nationale de France. Gallica. C’est public et c’est gratuit. >>> Lien.
“Description du département du Cher par le citoyen Luçay, préfet. Publiée par ordre du ministre de l’Intérieur”. À Paris, de l’Imprimerie des Sourds-Muets, rue et faubourg Saint Jacques, n° 115. An X.