L'utopie du Centre de Céramique contemporaine a vu le jour après des années d'efforts de l'association des céramistes de La Borne, qui a réussi à vaincre l'indifférence des pouvoirs publics (rappelons aussi que le projet culturel et le cahier des charges du centre ont été conçus par l'association des céramistes). Le choix du thème "architectures utopiques" pour l'exposition de 2013 est donc tout à fait dans le ton (un hasard ?). Autre hasard, le choix de l'illustration de la couverture du catalogue de l'exposition, un détail de la charpente du nouveau Centre dessiné par Achim von Meier.
Le soir de l'inauguration, Lucien Petit, Président de l' Association Céramique La Borne a présenté l'exposition. Voici le texte de son allocution. En bas de page, quelques photos donnent un aperçu très partiel de la trentaine d'œuvres que l'on peut voir au Centre de céramique contemporaine.
" Bienvenue dans ce ballet céramique qui se joue pour vous et avec vous mais ne se joue pas de vous, vous en jugerez de vous-même.
Cette exposition peu nous interroger : notre village tourne-t-il autour de la terre ou, au contraire, la terre tourne-t-elle autour du village ? Faut-il appeler Aristote, Copernic et Gallilée à la rescousse ? Non, Nadia Pasquer nous donne la conclusion: la céramique est l’astre et La Borne est en mouvement !
En cette période complexe, à l’heure où la culture et les arts ont besoin d’être soignés et transmis au plus grand nombre, où les environnements et modes de vie sont en questionnement, où la recherche de cohérence et de mieux vivre est un moteur puissant, l’Association Céramique La Borne est heureuse de s’inscrire dans la réflexion historique des "Architectures utopiques" en proposant une exposition constituée d’œuvres de ses membres.
Elle s’inscrit ainsi dans un chantier beaucoup plus vaste concernant les préoccupations étatiques en matière d’accessibilité et de sensibilisation des publics.
Rappelons que dans notre région, le 5 septembre dernier la ministre de la Culture Aurélie Filippetti a inauguré le nouveau FRAC Centre à Orléans, permettant ainsi l’ouverture d’une des plus impressionnantes collections de maquettes et dessins liés à l’architecture.
Une exposition d’art n’est pas seulement une monstration, nombre d’entre elles ont été un maillon de cette grande chaîne qui change le monde. Beaucoup d’artistes ont repensé la ville et ses organes, proposant de nouveaux repères dans un ailleurs imaginé. Cet "en aucun lieu" qu’est l’utopie devient parfois la base de projets architecturaux colossaux encore existants aujourd’hui. Pensons au Familistère Godin ou à la Cité radieuse de Le Corbusier...
Depuis la cité platonicienne, l’utopie mène la civilisation. C’est après la Seconde Guerre mondiale et la reconstruction de ses ravages que l’architecture-sculpture "tend à réaffirmer l’humain dans l’architecture et à rompre avec le fonctionnalisme et son vocabulaire formel schématique."
Face aux utopies du progrès, du bonheur, de la conquête de nouveaux horizons (technologiques ou spatiaux) d’autres regards mettent en alerte, en révélant le danger des croyances inébranlables ; ainsi s’élaborent des pensées du doute, de la suspicion. Et si, inséparables de ces utopies modélisant la perfection de la modernité, le monde n’engendrerait- il pas en retour son récit dystopique ?
Visions apocalyptiques d’un futur déjà en ruine, cités englouties... cette version obscure est un thème récurrent dans l’Histoire de l’art.
Ces mondes inventés existent-ils sur une carte ? L’art et la géographie se mêlent ainsi pour faire naître de nouveaux territoires, réels ou virtuels. Ces nouvelles villes fantasmées, parfois drôles et souvent humaines posent la question de l’individu et sa volonté de transformer les choses et le monde qui l’entoure.
Utopie sociale, architecturale, les artistes d’aujourd’hui s’emparent de ces grands thèmes et de leurs paradoxes.»
Dans l’histoire de l’architecture on remarque qu’il existe différents dialogues entre architecture et sculpture :
– autour des formes élémentaires, baroques, avec Étienne Boullée, Ming Pei, Gaudí, Matisse, Barry Flanagan...
– avec celles et ceux qui souhaitent voir plus grand : Norman Foster, Minoru Yamasaki, " l’architecture, c’est de la sculpture", Constantin Brancusi...
– entre 1950 et 1960 l’architecture veut se faire sculpture – La sculpture veut se faire architecture. Avec Henry Moore et Le Corbusier, la ville devient sculpture ;
– dans les années 1960-1970, c’est l’Utopie urbaine, mégasculptures ou cellules individuelles, pour survivre dans une ville inhospitalière, avec Yona Friedman, Arata Isozaki, Walter Jonas, Frederick Kiesler, Pascal Hausermann, David Greene…
Il est incontournable de rendre compte de la relation spécifique qui se tisse à l’époque dans les années 1960-1970, entre les architectes et les plasticiens. Par exemple l’architecte Claude Parent imagine une ville utopique et ses maquettes ressemblent à des sculptures. À Nanterre l’architecte Anatole Kopp construit la cité des Pâquerettes avec des panneaux de façade de Jean Prouvé.
"L’architecture est une tentative d’expliquer la société par sa construction même, dans son idéal, c’est l’ultime forme qui pousse tous les arts à s’affirmer aux yeux de tous". C’est ainsi que Walter Gropius, dans les années 1920, répond à la définition du mot architecture.
L’utopie qui, par-delà ses formes historiques, en revient toujours au rêve d’une société en accord avec elle-même ; peut-elle être autre chose qu’une douce illusion ?
À La Borne, cette exposition relève d’un défi, comment des céramistes ont interprété ce thème avec le matériau terre, les différentes combinaisons des réflexions autour de la forme, des influences, de la poésie, des préoccupations ou tout simplement de l’intuition.
Pour ces créateurs d’utopie, penser que leur art pourrait être de quelque utilité pour aider les hommes à se rapprocher d’une société de paix, est un moteur de création ".
> Étrangement, les faits énoncés en haut de page ne sont pas mentionnés dans la préface du catalogue. Erreur ou omission ?....
> Exposition "Architectures utopiques". Centre de céramique contemporaine de La Borne du 23 novembre 2013 au 5 janvier 2014. Ouverture tous les jours de 14 heures à 18 heures. Fermé les 1er janvier et 25 décembre. Fermeture annuelle du 6 janvier au 7 février 2014.
> Le catalogue broché de cinquante quatre pages avec les photos en quadrichromie, format 22X22 centimètres est en vente au Centre au prix de onze euros.
Centre de céramique contemporaine de La Borne. Route de Sancerre. La Borne. 18250 Henrichemont. Tel: 02.48.26.96.21 Courriel : contact@laborne.org Site web : www.laborne.org
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