On imagine mal de nos jours que l’occupation allemande de 1940 à 1944 n’a pas empêché les français de se distraire. En effet, les allemands maniaient habilement la carotte et le bâton, aidés en cela par des collaborateurs qui y trouvaient leur intérêt. Pendant que l’occupant réquisitionnait et raflait la production industrielle et alimentaire de notre pays, pendant qu’il fusillait les communistes et les gaullistes résistants, imposait l’étoile jaune aux juifs avant de les envoyer dans les camps d’extermination, son service de propagande (Propaganda Abteilung in Frankreich), agissait pour faire oublier aux français la répression et les autres duretés de la guerre.
C’est ainsi que pendant quatre ans, Bourges a connu une vie culturelle intense, voulue et favorisée par le régime nazi. Cette composante de la stratégie d’occupation, pilotée par Goebbels, tentait de convaincre les français qu’il fallait collaborer, ou mieux, adhérer aux objectifs politiques hitlériens ; et au moins, oublier tout esprit de résistance.
Théâtre classique et pièces de boulevard, musique classique et variétés, opéra, récitals de grands interprètes, rien n’était trop bon pour distraire et séduire les berruyers. Que ce soit au théâtre municipal ou aux jardin des Prés Fichaux, Léon Niel, un collaborateur efficace mais discret nommé par les allemands invitait Charles Trénet, Lys Gauty, Georgius et Fréhel. Il faisait aussi venir à Bourges des solistes prestigieux : Alfred Cortot, Paul Tortellier, Jacques Thibaud. Il donnait des représentations de Carmen, La Bohème, la Traviata, ou encore La veuve joyeuse, Mireille, La fille de madame Angot ! Tous ces spectacles, les grands films français de la société allemande Continental, attiraient de nombreux spectateurs. Des politiciens ténors de la collaboration, des personnalités bien en cour à Vichy, venaient faire des conférences à Bourges…
Dans “La dépêche du Berry”, quotidien local de la collaboration (qui cessa de paraître à la libération), le gala “Paris vedettes”, les événements sportifs, les courses cyclistes au Tivoli, étaient abondamment commentés. On pouvait y voir côte à côte la relation d’un spectacle voisinant avec les victoires militaires allemandes ou l’annonce de l’exécution de résistants communistes.
En même temps, la Propaganda Abteilung de Bourges contrôlait les initiatives locales. Pas question de laisser un juif monter sur scène, de mettre Offenbach au programme d’un concert, d’accepter l’accompagnateur juif de tel ou tel artiste de music hall, ou de jouer la pièce de théâtre d’un auteur interdit !
C’est grâce à un ensemble exceptionnel d’archives secrètes de la Propaganda Abteilung de Bourges conservées aux Archives départementales du Cher, que Pascal Jardin (avec un montage video de Jean-Yves Moirin), présentera au public une passionnante conférence intitulée (non sans quelque ironie) “Les très riches heures de la culture à Bourges sous l’occupation allemande”. On peut d'ores et déjà écrire passionnante, car dans sa précédente conférence (Les documents secrets des services allemands de propagande du Cher), Pascal Jardin avait captivé l'auditoire par sa connaissance du sujet et son style enlevé. D’ailleurs, l’amphithéâtre des Archives (cent cinquante places), s’étant avéré trop petit, on avait refusé du monde ! Vous voila prévenus.
> Illustrations. Programme du théâtre municipal de Bourges 1942/43 (cliquez pour agrandir). Joseph Goebbels. Première page de La dépêche du Berry (cliquez pour agrandir). Annonce d’un gala artistique au profit de la Légion française contre le bolchévisme (cliquez pour agrandir). Pascal Jardin lors de la conférence de presse.
> "Les très riches heures de la culture à Bourges sous l’occupation allemande" Conférence de Pascal Jardin et video de Jean-Yves Moirin. Une soirée organisée par Double Cœur. Mardi 4 juin à 19H30. Amphithéâtre des Archives départementales. Rue Heurtault de Lamerville. Bourges. Entrée libre. Réservation vivement conseillée au 02 48 21 04 71 ou double.coeur@orange.fr
> Lire dans gilblog - Deux pages sur la précédente conférence de Pascal Jardin :
Les archives de la propagande allemande à Bourges, par Pascal Jardin. >>> Lien.
Les documents secrets des services allemands de propagande du Cher. >>> Lien.