Que dire du festival du mot à La Charité sur Loire ? D'abord qu'il faut y aller, car ce petit festival a tout d'un grand. Et dire que c'est le seul festival du mot, et que personne n'y avait pensé avant ! C'est un festival "modeste et génial", un festival où les mots sont rois et font un spectacle exceptionnel. Un festival qui ne réunit que des talents. Un festival où les amateurs peuvent faire bombance d'expositions, de conférences et de spectacles, où les mots brillent de tous leurs feux, comme dit (à peu près) Gaëtan Gorce le maire de la ville. Il faut ajouter que le cadre du Prieuré (ce superbe site en cours de rénovation), les rues de La Charité, les bouquinistes, les petites terrasses des cafés, le calme provincial, les bords de Loire augmentent le plaisir d'être là. Bon, on est pas à Cannes ou Saint Tropez, mais c'est plus intime et c'est bien mieux comme ça !
Cette année, nous ne sommes pas venus sans préparation, nous avons choisi et nous avons retenu nos places à l'avance (la plupart des événements sont gratuits, mais certains spectacles sont payants). Choix difficile car le programme de quatre jours était fait d'événements nombreux et plus tentants les uns que les autres.
> La toponymie : Les mots des lieux, par Stéphane Gendron. Vendredi, au cellier du Prieuré. La toponymie est une science qui analyse comment les noms de lieux se sont formés au cours du temps et de l'histoire, la connaissance de l’histoire linguistique des régions est indispensable pour y comprendre quelque chose. Sujet rébarbatif ? Pas du tout, car cette causerie s'est révélée une passionnante introduction à la toponymie. Grâce à des thèmes choisis, des exemples bizarres ou poétiques, des rébus et des calembours, Stéphane Gendron nous a ouvert les archives des noms de nos villes et de nos villages et donné l'envie d'en savoir encore plus. Devant l'affluence, le conférencier a dû s'y prendre à deux fois et recommencer son exposé pour une séance supplémentaire afin d'accueillir tous les auditeurs !
> Le Roca du jour par Vincent Roca. Place des pêcheurs. Tous les jours du festival, à midi trente, devant une foule attentive réunie au pied des marches de la basilique, Vincent Roca a fait l'équilibriste et le jongleur avec les mots. Ça fusait comme les étincelles d'un feu d'artifice, c'était drôle et presque essoufflant à suivre. Un bon, un excellent moment.
> Vendredi treize heures. Déjeuner avec la "formule festival" chez Babette et Eva (cuisine maison et légumes maraîchers). Tartine grillée avec jambon et fromage fondu, accompagné d'une salade mélangée et haricots blancs. Tarte aux pommes et rhubarbe, et un bon café. Décor genre rétro et rustique, bon accueil. Une adresse à retenir.
> Un tour à la librairie du festival et dans la ville. Dans une salle voutée du Prieuré, une librairie éphémère avec les ouvrages des auteurs présents au festival (Jean-Loup Chiflet, Alain Rey, Vincent Roca...), des livres anciens, des livres pour enfants et pleine d'autres trésors. Sur les murs de la ville et les glaces des vitrines, des citations d’écrivains évoquant les mots sont apparues depuis 2006 un peu partout dans La Charité. Un petit dico littéraire que l'on découvre dans les rues, avec des ajouts et de nouvelles surprises chaque année. Ailleurs, les artistes d'un théâtre de rue attirent les festivaliers et les charitois entre deux événements. Les huit restaurants partenaires du festival proposent une "formule festival" à treize euros. Et encore une fois treize : c'est le nombre de librairies partenaires où l'on peut fouiner entre deux spectacles.
> L'apéro philo, avec Laurence Devillairs (agrégée et docteur en philosophie) vendredi à l'église Saint Pierre. C'était ma découverte de l'an dernier. Je suis revenu cette année car je voulais avoir à nouveau cette sensation enivrante de me sentir plus intelligent après la séance. Cette année le thème était la normalité en politique (tiens ?), et qu'est-ce qu'un chef ? Comme point de départ Laurence Devillairs avait choisi "Vercingétorix jetant ses armes aux pieds de César". Dans ce célèbre tableau cocardier de Lionel Royer on voit deux chefs, et c'est le vaincu qui semble être le vainqueur. Mais nous allions passer de certitudes en questions et de questions en nouvelles approches en philosophant avec Laurence Devillairs. Et une fois de plus, ça semblait limpide. Malheureusement, vingt quatre heures après cette séance mon cerveau est revenu à son état cotonneux habituel. Tant pis, j'y retournerai l'an prochain !
> Pepito Matéo. Vendredi salle haute du Prieuré. "Sans les mains et en danseuse". Essayez un peu de faire ça en vélo, c'est pourtant ce que réussit à faire (virtuellement) Pepito Matéo avec un one man show ouane manne chaud qui tient à la fois du conte, du théâtre et du music hall ...et de la performance d'acteur - une heure trente sur scène ! Le spectacle de Pépito Matéo est un enchaînement faussement désordonné de rêves et de rencontres, d'histoires et de gags, de personnages et d'objets qui prennent vie et forme par les mots, et c'est mieux qu'en relief et en technicolor. Matéo possède un humour et une puissance d'évocation qui n'appartiennent qu'à lui. Cet artiste là joue dans la cour des grands, et sans en imiter aucun. Et quelle générosité sur scène, il se donne à fond comme on dit des cyclistes. Longue ovation du public enchanté et enthousiaste. Pepito Matéo, retenez ce nom et courez à son prochain spectacle dès que l'occasion s'en présentera.
> Loupé le film "Le grand retournement" le film en alexandrins de Gérard Modillat et Frédéric Lordon sur la crise bancaire. Vendredi au cinéma Crystal Palace. C'est la rançon du succès, la salle étant trop petite les organisateurs ont créé une séance supplémentaire !
> Loupé le récital de Angélique Ionatos, samedi dans le cellier du Prieuré, mon grand regret. Deux jours après l'ouverture de la billetterie toutes les places étaient vendues ! Et pas de séance supplémentaire cette fois !
> Rosa, la vie. Lettres de Rosa Luxemburg dites par Anouck Grinberg. Samedi, dans la salle capitulaire aux belles ogives. Une grande comédienne vit (plutôt qu'elle ne lit) les lettres que Rosa Luxemburg (emprisonnée pour son opposition à la guerre de 1914/18) écrivait de sa cellule à ses amis et à l'homme qu'elle aimait. Anouck Grinberg "fait siennes ces lettres de toute son âme. La comédienne ressuscite, au delà du courage de Rosa, sa rage de vivre, son infinie tendresse envers tous les vivants. Et si la forme supérieure de l'intelligence était la bonté ? " écrit Frédéric Ferney dans Le Point. Une soirée belle et émouvante en compagnie du talent d'Anouck Grinberg et d'une femme d'exception, Rosa Luxemburg. Les photos n'étaient pas autorisées, dommage.
> Je confirme : le Festival du mot est modeste, original et génial ; et il a tout d'un grand. Et je répète, non ce n'est pas à Cannes ou à Saint Tropez, mais à La Charité sur Loire. C'est plus intime et c'est bien mieux comme ça ! Alors rendez-vous en 2014 !
> Photos, de haut en bas. Stéphane Gendron (La toponymie). Vincent Roca (Le Roca du Jour). Laurence Devillairs (Apéro philo). Pépito Matéo (Sans les mains et en danseuse). Affiche pour la lecture "Rosa la vie" par Anouck Grinberg.
> Le site web du Festival du mot. >>> Lien.
> Voir dans gilblog Le 9e Festival du mot à La Charité sur Loire. >>> Lien.