“L’action culturelle en France de 1962 à nos jours, cinquante ans de métamorphoses”, c’est le titre (pas très rock and roll convenons en), de la conférence que donnera Charles-Louis Foulon aux archives départementales du Cher, jeudi 7 décembre. Mais ce thème un peu solennel, recouvre une réalité faite d’évolutions successives qui méritent bien le terme de métamorphoses, tant nous semblons aujourd’hui éloignés de l’idée fondatrice du premier ministre de la culture….
Et, juste rappel, c’est à Bourges qu'André Malraux affirma qu'une véritable politique culturelle “n'était pas faite pour que les gens s’amusent” (sans doute pressentait-il la venue de la “civilisation des loisirs”.…). L'écrivain-ministre espérait que chaque département aurait “sa” maison de la Culture, comme une cathédrale du vingtième siècle. C'est par l'action culturelle que le fondateur du ministère voulait manifester la rupture avec la politique des Beaux-Arts poussiéreuse des républiques précédentes.
Pierre Moinot, membre du cabinet de Malraux (et ancien directeur général des Arts et Lettres) résume sans détour : “on ne nous souhaitait qu'une chose : l'échec. Les Finances ne nous voulaient aucun bien, les calculateurs n'aimaient pas les danseurs, nous étions une menace de gouffre à argent pour payer du surplus, du luxe, du plaisir. Au-delà des vieilles directions budgétairement contrôlables, le reste était du rêve, et le rêve ne se finance pas !”.
C’est ainsi que les budgets alloués à l'action culturelle furent d'autant plus réduits que le premier Premier Ministre de la Ve République trouvait que seule la conservation du Patrimoine valait qu’on s’y intéresse.
La culture “est la plus sublime mission de l'homme, puisque c'est l'exercice de la pensée qui cherche à comprendre le monde et à le faire comprendre”, cette paraphrase d’Auguste Rodin aurait pu figurer au fronton des maisons de la Culture qui ont pu naître et exister malgré leurs adversaires. Notamment ceux pour qui elles étaient un territoire dangereux et subversif par leurs programmes et leurs publics.
Émile Biasini, nommé directeur du Théâtre, de la Musique et de l'Action culturelle par Malraux fut le véritable maître d'oeuvre des maisons de la Culture. Pour ce faire il s’appuya principalement sur les directeurs de troupes théâtrales qui furent souvent les fers de lance de l’action culturelle, notamment par le choix de répertoires en résonance avec l’époque. Ainsi, cette action culturelle conforme aux espoirs d’André Malraux était nourrie “d'une réflexion artistique et citoyenne“. Pensée qu’Émile Biasini a précisée dans une lettre à Charles-Louis Foulon disant que “la foule des consommateurs ne forme pas une société plus éclairée, éclairante, chaleureuse”.
Mais en cinquante ans on a “glissé subrepticement de la 'culture cultivée' (dont Malraux souhaitait qu'elle soit accessible au plus grand nombre) à un monde culturel dont le périmètre est devenu aussi vaste que flou, agrégeant les industries de loisirs, les industries créatives, le monde du numérique aussi bien que les activités marchandes et non marchandes liées au spectacle et au patrimoine”, a résumé la professeure Françoise Benhamou.
Finalement, on s’aperçoit que le sujet est plus rock and roll qu’il n’y paraît…
La causerie de Charles-Louis Foulon et le débat qui suivra permettront certainement d’examiner quelques uns des changements dans la politique culturelle de l’État qui se sont produits en cinquante ans, dans des sens parfois contradictoires. Comment sous huit présidents de la république, on a connu vingt-quatre ministres de la culture ! Et comment notre maison de la Culture de Bourges d’abord dirigée par un homme de théâtre (ensuite évincé par le maire de l’époque), puis administrée par une association (donc des citoyens), est devenue un établissement public géré principalement par des fonctionnaires de la culture, dans la catégorie “scène nationale”…
Pour conclure cette page faut-il choisir cette formule percutante de Jack Ralite (à l’origine des “États généraux de la culture”) pour qui nous sommes passés “d’une grande politique publique nourrie du Front populaire et de la Libération, à une communication culturelle, puis une marchandisation culturelle, ensuite une financiarisation culturelle, enfin à une mise sous tutelle des affaires de l’esprit par l’esprit des affaires” ? Chacune ou chacun pourra se faire une opinion le 7 décembre…
> Charles-Louis Foulon, historien, a été maître de conférences à Sciences-Po Paris pendant plusieurs décennies, il est l’organisateur du “Colloque international André Malraux et le rayonnement culturel de la France”, qui marqua le centenaire de l'écrivain-ministre, il a co-dirigé le Dictionnaire Malraux. Il est l’auteur de “André Malraux, ministre de l’Irrationnel”.
> Photo du haut. Inauguration de la maison de la culture de Bourges. De gauche à droite : André Malraux, Charles de Gaulle, Émile Biasini, Gabriel Monnet. En bas : Charles-Louis Foulon.
> “L’action culturelle en France De l’An I (1962) à nos jours - 50 ans de métamorphoses” par Charles-Louis Foulon. Jeudi 7 Décembre 2017 à 19h30 A l’Amphithéâtre des Archives Départementales du Cher, Rue Heurtault de Lamerville, 18000 Bourges. Une soirée organisée par Double Cœur. Entrée libre, réservation recommandée.
> Double Cœur. Maison des associations. 28 rue Gambon. 18000 Bourges. 02 48 21 04 71 et 06 83 87 27 64. Courriel : double.coeur@orange.fr Le site web de Double Cœur >>> Lien.