Gargantua disait souvent qu’il est préférable de partir de bonne heure que de courir ensuite. C’est ainsi qu’il fit maints adieux à Gargamelle et partit vaillamment pour Subligny où il voulait se rendre pour le fameux marché de Saint Romble, sis auprès du presbytère.
Le palais alléché par les odeurs de victuailles, il commença ses emplettes par quelques douzaines de jambons, de langues de bœuf fumées, de cervelas, d’andouilles et tels autres avant-coureurs de vin, puis des confitures et du miel qu’il goûta à pleines palerées. Après quoi, il but un honorifique trait de sauvignon de Sancerre pour lui soulager les rognons. Pour ce qui est de boire ce vin blanc, il n’avait ni fin ni règle ; il disait que l’on devait seulement s’arrêter lorsque le siège de vos pantoufles enflait en haut d’un demi-pied.
Faisant fi des néfastes discours des théologiens de la Sorbonne, il fit joyeuse conversation avec plusieurs éscrivains et escholiers du Nivernois et du Berry qui étaient de passage en ce lieu pour y montrer leurs grimoires.
Comme l’heure passait et que la fraîcheur s’en venait, il lui fallut vaincre la rosée et le mauvais air ; Gargantua se fit donner quelques beaux légumes pour qu’on lui fit une soupe de primeurs à la taverne Saint Romble. Après quoi, il se munit d’un cent de paniers de bon osier et autant de grès et saloirs de La Borne pour y mettre ses provisions et prit la route pour le château de Grandgousier où son retour était attendu pour faire bombance….
Très librement adapté de François Rabelais.
Les photos sont de Robert Mileta (cliquez pour les agrandir).