Nous vivons au temps d'une culture du divertissement permanent soutenue par les médias qui en font la mise en scène. Elle trouve des défenseurs dans la classe politique et même chez des intellectuels. Le développement de cette culture de masse a entraîné l'érosion de la culture populaire et l'affaiblissement des liens sociaux. Les individus sont isolés dans une société où la culture et les arts sont devenus des marchandises. Survalorisée par les médias et la publicité, la culture de masse triomphe (films et séries états-uniens, coûteux gadgets des nouvelles technologies, sport spectacle, jeux vidéos, eurovision, télé réalité, etc.), elle est partout. Dans ce monde artificiel, l'uniformisation des comportements et des aspirations est présentée comme une libération, alors que ce n'est que de la consommation. Cette prétendue "civilisation" du loisir, où la culture est un marché, n'offre que des productions aseptisées et médiocres, et contribue à l'endormissement de nos concitoyens.
Dans cet environnement, dans quel état sont la culture et les arts à Bourges ? Voit-on se dessiner une ambition pour la ville et les citoyens ?
Le projet de reconstruction de la Maison de la culture est un fiasco. Les programmes, certes de qualité, que la MCB propose aux Berruyers sont puisés pour une grande partie au marché des tournées et des productions. La dynamique association Emmetrop n’est que rarement associée à ses activités. On est loin de Gabriel Monnet, de Jean Vilar, Antoine Vitez, et d'autres créateurs et diffuseurs dynamiques de la culture, qui avaient gagné un public enthousiaste, et donné de la fierté aux habitants de leur cité.
Il est symptomatique que l'architecte Christian Gimonet présente, seul et sur ses propres deniers, un projet de Maison de la culture qui revivifie l'urbanisme de Bourges - il n'a jamais été consulté par une municipalité qui est décidément sans imagination et sans talent (Gimonet en a sans doute trop à leur goût !).
Les Musées de Bourges, malgré les efforts de leurs personnels manquent cruellement de moyens. Le musée Estève n'évolue pas, et semble vivre sur sa renommée. Au musée du Berry, l'exposition ethnologique et d'art populaire avec les céramiques de La Borne, est fermée et mise en caisses. Cet ensemble d'une qualité exceptionnelle qu'on ne peut voir qu'en Berry n'est plus accessible, il a fait place à l'exposition des "œuvres dévoilées" (belle exposition au demeurant).
Faute d'une politique culturelle associant la ville et le département, le Printemps de Bourges est soupesé, évalué comme une vulgaire marchandise, et vendu.
Les trésors archéologiques de Bourges sont inexpoités, et les archéologues considérés comme des gêneurs. Pourtant la mise en valeur de ce patrimoine serait un atout supplémentaire pour la ville.
Malgré les efforts et les réalisations talentueuses de nombreux acteurs culturels et associations dans la ville (que François Lerat citait il y a quelques jours dans sa Tribune libre), la culture et les arts paraissent sous estimés, par des politiciens sans culture et seuls à décider. La ville perd ses habitants, l'agglomération n'en gagne pas, le chômage augmente. Dans cet environnement en déclin, faute d'avoir un projet, les politiciens s'accrochent au TGV comme à une bouée....
Les programmes électoraux des candidats aux dernières élections municipales de Bourges ne contenaient que quelques lignes pour la culture et les arts ; ils ne semblent se différencier les uns des autres que par le choix de l'emplacement de la future MCB. Or la culture ne se résume pas à un équipement, il lui faut un projet pour des publics. Pas étonnant que le débat semble terne. C'est une des raisons de ce "coup de gueule" qui n'engage que moi (et tant pis si le trait est un peu forcé).
Bref, les intérêts de la culture ne semblent guère pris en considération, et ceux des berruyers et des habitants du Cher dans ce domaine ne le semblent pas beaucoup plus. L'absence de projet culturel prive la vie dans la cité et le département d'un moteur essentiel. Dans les esprits, ce vide laisse la place à la monotonie et à l'indifférence, sans doute au désarroi. On est loin de la haute idée que Jean Vilar se faisait de la culture (je cite de mémoire) : théâtre populaire signifie apprendre ; et apprendre signifie libérer l’homme. Car Vilar ne s'adressait pas aux "consommateurs", il œuvrait pour des citoyens. Culture ne signifie pas "Cultura", ne pas confondre ! (*)
Pourtant une véritable ambition culturelle donnant naissance à des événements de qualité et à une vie locale animée, aurait un réel pouvoir d'attraction. Elle attirerait de plus nombreux touristes (**) au bénéfice de l'économie locale et de l'emploi. Elle aiderait à attirer de nouveaux habitants et à fixer ceux qui sont tentés de quitter la région. Elle améliorerait la qualité de vie de nos concitoyens. Et surtout, elle contribuerait à ce que chacun puisse donner du sens à son existence (..."apprendre signifie libérer l’homme").
La nouvelle équipe municipale saura-t-elle entamer un véritable "remue méninges" ? Saura-t-elle ouvrir le débat pour construire un projet avec la population berruyère, les associations, et les gens d'art et de culture de la ville et de la région (et non en déléguant à quelque fonctionnaire de la culture à la vision formatée) ? Ce serait le moyen de faire un état des lieux de l'opinion et de faire émerger de nombreuses propositions (on a pu constater lors des récents débat organisés par l'association des Amis de la Maison de la culture de Bourges, qu'ici les citoyens ne manquent pas d'idées). Ainsi, la ville se donnerait les moyens de fédérer et de ressouder les citoyens autour de "leur" projet, un projet culturel qui serait celui de tous.
Alors la "civilisation" du loisir qui réduit la culture à un marché, gagnera-t-elle encore du terrain ? On peut espérer qu'à Bourges ça change un peu, mais ça ne se fera pas tout seul, et la dernière campagne électorale n'y a pas suffi.
> Et surtout, qu'on ne nous dise plus que la culture "ça coûte cher". Un argument qui ne veut rien dire et ne sert qu'à botter en touche pour fermer la discussion. On ne peut affirmer que "c'est cher" si on ne donne pas un chiffre et la description de ce qu'il contient ! Pour affirmer que la culture est chère, il faudrait chiffrer le budget d'un projet culturel. Or à Bourges, le projet est absent.
Au moins comme ça, c'est économique ....
(*) On aura compris que ceci n'est pas destiné à dénigrer les grandes surfaces Cultura, mais à rappeler l'existence de la hiérarchie qui sépare la création artistique et culturelle, du commerce de livres et de disques.
(**) N'oublions pas que si la France est la première destination touristique du monde, c'est à cause de son rayonnement cuturel et de son patrimoine, et pas pour le steack-frites, la Fnac ou TF1 !
> Lire dans gilblog :
La tribune libre de François Lerat : L'art à Bourges en 2016. >>> Lien.
Le musée du Berry à Bourges met la céramique de La Borne en réserves. >>> Lien.
Musée du Berry. Quarante "œuvres dévoilées". >>> Lien.
Maison de la culture, ça bouge à Bourges. >>> Lien.
Maison de la culture de Bourges. J'ai fait un rêve.... >>> Lien.