C’est presque un an jour pour jour après le début de la guerre en Ukraine que le sénateur Pointereau choisit de présenter ses vœux à la population. Il n’avait pas revêtu sa tenue de combat, mais le cœur et la foi en la victoire y étaient. C’est donc au cœur de la petite commune de Méreau que l’élu a réuni ses ouailles afin de les chapitrer en leur souhaitant pour l’année 2023 le meilleur pour eux et leurs familles. Certes, la météo n’incitait pas à faire une petite pause adossé au tronc d’un arbre à l’instar du sous-préfet aux champs de Daudet, mais le cœur y était et notre élu de la République, pressé de présenter à l’auditoire acquis d’avance à ses aphorismes, livra aux élus du peuple sa vision du monde moderne en affirmant péremptoirement que l’homo sapiens conquérant se devait de réformer la société.
L’agriculture fut le cheval de bataille de notre preux chevalier qui enfourcha sans barguigner son fringuant destrier européen, celui qui porte haut et fort la parole européenne et déverse à flots les Euros chez tous les braves et bons petits soldats d’un puissant syndicat majoritaire. Ah ! cette belle monture n’avait pas grand-chose à voir avec ces pauvres rossinantes efflanquées qui accompagnent les misères de ces paysans largués de la Confédération…Ces paysans qui n’ont pas un sou, ces exclus de l’Europe, ces paysans qui veulent manger sain et sauver le monde et qui ne sont en fait que des “écolos écoterroristes”… Ce jour-là, les “écolos” en ont pris pour leur grade et la salle riait enfin souriait comme l’infirmière dans la chanson de Souchon “La ballade de Jimmy“
Mais, selon le sénateur, pour que l’agriculture moderne soit compétitive, il faut des conditions climatiques optimales et actuellement, ce n’est malheureusement pas le cas, car nos agriculteurs et moi-même en l’occurrence manquons cruellement d’eau ! Or de l’eau il y en a, mes chers amis, mais il faut aller la chercher là où elle se trouve, dans les rivières, les nappes phréatiques et autres… Quelle époque vivons-nous ? Aujourd’hui, toute cette eau salvatrice nous la laissons filer par le biais des fleuves et rivières jusqu’à l’océan, c’est un gaspillage insensé ! C’est de l’eau et de l’énergie perdue !!!
Alors oui, quitte à me faire maltraiter par mes “amis écolos terroristes” de voleur du bien commun qu’on appelle l’eau, je soutien et préconise la création de milliers de bassines qui nous assureront de magnifiques récoltes ! Christiane Lambert l’a dit récemment sur les antennes ; je cite : “Les français sont les champions d’Europe des propriétaires de piscines, pourquoi ferions-nous des histoires aux agriculteurs qui sauvent la France ! De plus, les piscines sauvent la biodiversité, elles attirent les oiseaux, les batraciens et sont indispensables pour lutter contre les incendies.” Fermez le ban ! C’est la parole officielle de la FNSEA, tout de même.
Je préconise également la réactivation des projets de barrages annulés suite aux diverses pressions des “écolos” dans les années 70/80 sur la Loire et ses affluents notamment. Je souhaite également que le gouvernement développe une nouvelle politique énergétique avec un programme nucléaire de nouvelle génération qui assurerait notre indépendance et ferait entrer des devises avec les KW/h excédentaires vendus à l’étranger.
Puis vint le moment d’évoquer les catastrophes phytosanitaires avec les problèmes liés aux interdictions d’emploi de trop nombreux pesticides, pardon, il est plus politiquement correct de dire : “traitements agrées”, suite aux pressions incessantes de puissants lobbys environnementaux et d’activistes “écoterroristes”…
A ce stade, j’avais mon compte et tel un boxeur, je me suis mis à voir le plafond tourner et quelques étoiles danser dans mon champ de vision. Bref, j’étais sonné.
Je remisai dans ma poche mon carnet de prise de notes et décidai de reprendre la route en snobant les petits fours et le vin pétillant qu’on installait au fond de la salle…
Alain Broglio, envoyé spécial pour Gilblog. Expert au sein du Comité national de dépistage de la langue de bois toutes essences confondues.