À première vue, la vie d'Emmanuel Delorme n’est pas émaillée de faits d’armes ou de déclarations héroïques. Certes, ce berrichon natif de Saint Amand, chansonnier un peu oublié auteur de plus de deux cent chansons, journaliste à la carrière intermittente, communard proscrit, a écrit une des premières "Internationale" qu'il chanta à Genève pour les exilés en 1871 (bien avant que l’œuvre d’Eugène Pottier soit entonnée au congrès socialiste de 1904 et fasse le tour du monde). Mais Delorme n’est pas souvent cité au nombre des chansonniers du 19e siècle.
Vouloir retracer sa biographie expose à de sérieuses difficultés, car les fils de son histoire sont ténus et les "trous" nombreux.
Alors pourquoi chercher à faire revivre une ombre ? Peut-être par un attachement sentimental à ce berrichon, un peu mystérieux ? Peut-être par une tentative donquichottesque de rendre justice à un oublié de l'Histoire ? Peut-être pour toutes ces raisons à la fois ?
Depuis que j’ai commencé à travailler pour mon bouquin sur les communards du Cher, il y a environ quatre ans, je cherchais vainement un portrait de Delorme. Bien qu’il soit souvent cité par les chercheurs grâce aux témoins de l’époque, bien que ses chansons et ses articles soient publiés dans les journaux de son temps, son portrait est obstinément absent de la documentation existante.
Mais, parcourant une liste de documents d’une longueur désespérante, je tombe vers la fin, sur la mention d’une photo dans la collection de Joseph Thibault aux Archives de l’Indre. Ce Joseph Thibault (1880-1980) a passé sa vie à récupérer, acheter, accumuler une documentation exceptionnelle sur le Berry. Jeune notaire, il devait succéder à son père, mais a trouvé sa véritable vocation en 1908, dans une étude de commissaire-priseur à Paris. Ce qui lui permet d'assister aux ventes de l'hôtel Drouot pendant plus de cinquante ans. Au fils des ans, Joseph Thibault constitue une immense collection, qu'il conserve dans sa maison. Documents, gravures, affiches, cartes postales photographies, livres, s'accumulent au point que les amis du collectionneur sont contraints de loger à l'hôtel ! Soucieux de transmission, Joseph Thibault lègue aux Archives départementales de l'Indre une exceptionnelle collection. Merci à lui, enfin les berrichons connaîtront la tête d’Emmanuel Delorme.
Ce vendredi, petit déplacement à Châteauroux, formalités rapides aux Archives départementales de l’Indre, photos, retour, petites retouches et mise en ligne !
Et voici la reproduction du tirage original, fidèle à sa couleur bleutée, où semblant sortir du brouillard de l'oubli, Delorme avec un air à moitié romantique à moitié punk vous regarde. On dirait qu’il va chanter quelque chose….
Delorme est âgé de 34 ans en 1871, mais quel âge avait-il quand la photo a été prise ? Le tirage a-t-il été fait en France avant la Commune, ou bien en Suisse après 1871 ? Encore des mystères.…
Prochainement, je vous en dirai plus sur Delorme car je continue à fouiner.
En attendant vous pouvez lire la notice biographique parue dans “La Commune et les communards du Cher”, ainsi que les pages consacrées à Delorme dans gilblog !
> Portrait d’Emmanuel Delorme. Tirage sur papier. Date inconnue. Archives départementales de l’Indre. Fonds Joseph Thibault. Je profite de cette trouvaille pour l’inclure dans les pages plus anciennes consacrées à Emmanuel Delorme.