Édouard André. La forêt Saint Martin et ses écossais - 5 - Fin.

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Édouard François André-portrait rouge 3

Voici la dernière page de l’étude du grand paysagiste berrichon Édouard André sur les Écossais et les poumes de la Forêt Saint-Martin (1863). Je vous en ai présenté de larges extraits précédemment dans gilblog. Voici aujourd’hui une liste des cultures fruitières des forêtains (et en premier les pommes, bien entendu), qu’il est intéressant de comparer avec les fruits commercialisés de nos jours…
Encore merci à Jean-Claude Bourdin (de la société pomologique du Berry), qui m’a fait connaître ce texte.

La question des variétés de fruits de la forêt Saint-Martin est digne d'attention. Elle porte assez souvent sur des formes locales particulières à ces contrées, et dont l'origine est fort difficile à retrouver. Selon toute probabilité, c'est une des localités de France où les arbres fruitiers sont cultivés depuis le plus longtemps, et là, peut- être, est le berceau de bien des variétés dont nous voudrions pouvoir revendiquer sûrement l'honneur pour notre Berry. Mais quoi ! l'acte de naissance de ces variétés nous manque ; heureux qui saura plus tard découvrir leur origine ! 

Voici cependant une nomenclature des espèces et variétés cultivées le plus en grand dans le pays, sans le secours des pépiniéristes voisins, et par la seule industrie des habitants : 

La cueillette des pommes-N&B

Pommes. Girogile. Pomme Curé. Saint-Jean. Bedoie (bec d'oie) rouge et blanche. Pomme de Charbois (paradis). De Calmine ou de Calvi (Calville). Rambourg d'été et d’automne. Pomme de buse buré. Pomme poire. Châtignié (châtaignier). Carpendu. Bec d'oie ou Bédoie (très estimée). Pomme de Cravert (très tardive). Pomme de Richard (d’hiver). Pomme de Bœu. Reiné carré (Calville Blanche). Reiné gris. Reiné franc (petite reinette franche). Pomme de clairin. Pomme api franc. Pomme de molon. etc ... 

Et beaucoup de variétés de qualités inférieures, employées à faire du cidre dans les années de grande abondance.

Poires. Cogné gros. Madeleine. Mouille-bouche. Poire à la grand'queue. Saint-Michel. Poire de bon Dieu. Beurré, Beurré d'automne, Beurré doré.Bouillère. Poire de Saint-Germain. Poire aigre et douce
Le cerisier ordinaire, aigre et à longue queue, y porte le nom de frantâbe (franc- arbre). 

La guigne blonde (qu'ils appellent guignes) fructifie en grande abondance lorsque les fleurs n'ont pas été détruites par la gelée. – Il existe, à ce propos, un dicton de pays qui prétend que lorsque les quatre guigniers de la montée de Saint-Georges sont gelés, il n'y aura pas de guignes de reste pour l'année dans toute la forêt. Ces arbres paraissent être le thermomètre infaillible de la région tout entière. – On dit aussi que la pluie, le jour de Saint-Georges, bouche les pommes et les fait tomber.
On attribue aussi à la floraison intervertie des pommiers et des poiriers des propriétés néfastes pour la production du vin. C'est ce qu'exprime le quatrain suivant : Quand la pomme passe la poére, P'tit bonhomme faut boère ; Mais si la poère passe la pomme, Rogne ton douzil, bonhomme ! 

Les forêtains connaissent encore les merises grosses et petites, dont ils font, non pas du kirsch, comme les paysans de la Forêt Noire, mais des gâteaux nommés glafoutis ; ils possèdent aussi les cœurets ou bigariots (nos bigarreaux gros rouges), la grosse cerise de Montmorency, qu'ils nomment Armorency, et la guériotte noère, griotte à eau-de-vie. 

Leurs prunes sont la Saint-Jean, la Rougerolle, la Madeleine petite et grosse, la Sainte-Catherine, la Mirabelle, la prune baveuse, la prune de cochon, l'Abricot vart (Reine Claude), la prune de Chyfre, la nigausse, la datte, la prune de potron, le gros et petit Saint-Julien. Toutes très abondantes. 

Les autres arbres fruitiers, abricotiers, pêchers en plein vent, noyers, châtaigniers, sorbiers, alisiers, coignassiers, néfliers, etc ... sont fort répandus et affublés par eux de noms souvent peu harmonieux.

Ils apportent au marché de Bourges les meilleurs raisins de la vigne à vin : le chasselas ordinaire, le mélier (petit blanc), le verdin, le goûche, le corps (ou franc moreau). Mais ils ne soignent pas leurs treilles en espalier et se contentent de récolter le fruit quand il est mûr. 

Toute cette avalanche de fruits, quand vient l'automne, fait irruption, non seulement à Bourges, mais, nous l'avons dit, sur le marché de Paris. Le raisin blanc doré que l'on vend actuellement dans les rues de Paris sous le faux nom de chasselas, n'est autre chose que la goûche, venant de la forêt, et vendu à bon marché en quantités considérables. 

A Menetou, la goûche, qui constitue le cépage dominant de la localité, donne parfois de telles récoltes (comme en 1858) que l'on transforme immédiatement le raisin en alcool, qui y est contenu en abondance, bien qu'il soit d'assez mauvaise qualité. – On vend à Bourges ces raisins les plus choisis, à des prix relativement assez élevés à la fin de l'automne et en hiver.

Leurs moyens de transport sont de grandes charrettes pleines de paniers couverts de fougères, et souvent aussi le dos de leurs ânes ou mulets, qu'il revêtent, par- dessus leur bât, de deux énormes paniers nommés beniaux, remplis de fruits. – Ces beniaux ont une capacité d'environ deux tiers d'hectolitre. – Le bouteron, autre panier, contient à peu près 25 litres et la corbeille (ou petit maniquin des jardinières de Bourges), à peu près un demi-hectolitre. 

Le plus souvent une partie du chargement est vendue aux revendeuses de la halle aussitôt l'arrivée du forêtain ; celui-ci garde, pour le détail, les plus beaux fruits, qu'il a grand soin de parer et de faire valoir. Il est rare qu'ils ne profitent pas d'un voyage à la ville pour tâcher d'emmener, au retour, une commission, un chargement qui leur est bien payé : sorte de concurrence organisée au détriment du messager ordinaire de l'endroit. 

Mille détails caractéristiques du paysan forêtain trouveraient ici leur place. Cette esquisse, toute de souvenirs, est fort incomplète. Qui voudrait l'étudier sous ses différents aspects, devrait aller vivre au milieu de cette active, intelligente et curieuse population. 

>  Lire les épisodes précédents dans gilblog.`
Les écossais et les pommes de Saint-Martin-d’Auxigny, de la légende à l’Histoire. >>> Lien. 
Saint-Martin, Édouard André et les poumes -1. >>> Lien.   
Saint-Martin, Édouard André et les poumes -2. >>> Lien.   
Saint-Martin, Édouard André et les poumes -3. >>> Lien. 
Saint-Martin, Édouard André et les poumes -4. >>> Lien.

    

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