Verrons nous bientôt les vignes du Berry plantées de genouillet ? Pourrons nous nous régaler de ce vin rouge bien local, si réputé autrefois ? Et pourquoi le genouillet avait-il disparu ?
L'histoire du retour du genouillet est une belle histoire. Une histoire à contre courant des histoires actuelles maussades tristounettes ou pas belles à voir. Dans cette histoire là, le talent et l'opiniâtreté d'un couple de viticulteurs et de quelques amoureux des choses authentiques, font plus et mieux que les "exploits" des patrons du cac 40 ! Allez d'accord gilblog, on sent monter ton enthousiasme, mais il en faudrait nous expliquer un peu...
Bon, je vous raconte. Le genouillet était jadis très répandu dans les vignes du Berry (notamment à Issoudun). La vigne avait un aspect caractéristique avec ses sarments coudés comme une articulation, d'où son nom de genouillet. D'après les spécialistes ce cépage rouge serait issu d'un croisement entre le Gouais et le Tressot. À l'exposition universelle de 1900 il est récompensé et reconnu comme un excellent vin de garde. Il y avait environ trois mille hectares plantés en genouillet avant la crise du phylloxera. Mais après la quasi destruction du vignoble, il a été remplacé par des hybrides greffés sur des cépages américains, plus productifs et moins sensibles aux maladies, d'où sa quasi disparition. Il n'était même pas inscrit au catalogue des vignes cultivables établi après la deuxième guerre mondiale...
C'est Paul Dufour (ardent promoteur de lentille du Berry et de la truffe locale), qui a retrouvé dans les années soixante dix, douze pieds de genouillet dans une vigne près d’Issoudun (à Bordes). Grâce à lui, il a été multiplié et replanté au Vignoble conservatoire de Tranzault en 1993. La vigne conservatoire de Tranzault est dirigée par Jacques Aubourg président de l’association pour la Préservation et la Renaissance des ressources Génétiques du Centre (URGC - anciennement Union pour la préservation et la Renaissance des ressources Génétiques du Berry). Cette vigne, une mémoire du vignoble berrichon, compte aujourd’hui plus de cent variétés.
Analyse génétique, études et recherches suivies par l'Inao et le Sicavac de Sancerre, autorisations administratives… Enfin en 2005, Jean-Jacques et Maryline Smith, viticulteurs à Quincy qui militent pour le projet depuis le début, sont autorisés par l'Inra à planter cent cinquante pieds de genouillet sur un demi hectare de leurs vignes de Villalin (berceau du vignoble de Quincy). Depuis le travail à commencé. Pour Jean-Jacques Smith "il faut apprendre ce cépage, apprendre à maîtriser la production et la qualité pour le mettre en valeur" et il ajoute "six à sept grappes par pied, pas plus". Le demi-hectare de Villalin donne environ cent vingt litres. Les premières années la récolte a été vinifiée en rouge, cette année c'était en rosé.
Mais, déclare Jean-Jacques Smith, "l'intérêt ne se limite pas à faire renaître un cépage ancien ou à découvrir de nouvelles saveurs. Il faut savoir que les bois sont sensibles aux maladies, et que nous devons remplacer dix pour cent des ceps tous les ans ! Introduire le genouillet c'est diversifier les variétés cultivées, ne pas se limiter au sauvignon et au pinot, c'est améliorer la santé du vignoble, c'est une assurance pour l'avenir".
Le genouillet n'est pas seulement resuscité, il a désormais une existence légale : pour l'administration il est officiellement inscrit au "Catalogue des variétés de vigne" depuis le mois de septembre 2011. Et la biodiversité y gagne. Pas mal pour un cépage qui n'existait plus !
Et le résultat est plus que prometteur. Pour Hervé Lalau qui a dégusté le genouillet rouge des Smith : "Au nez, c'est à la fois fruité et fumé - entre Syrah et Mondeuse. Gariguette, poivre gris, coriandre. La bouche est fluide, avec encore ces notes poivrées fumées et une finale sur la framboise et la mûre".
Ce mois de mai 2014, j'ai goûté au rosé de la dernière récolte, et je confirme : c'est bon, et même très bon ! C'est un rosé expressif mais sans agressivité, aux saveurs de fruits rouges, de framboise, un peu de fruits noirs aussi. Et une bonne persistance en bouche.
Les objectifs de Jean-Jacques et Maryline Smith, acteurs de la renaissance du genouillet, sont "de travailler sur les accords mets-vins… avec des produits du terroir berrichon, évidement" ...et de voir ce nectar retrouvé, gagner les faveurs d'autres viticulteurs. "C'est déjà le cas avec Pierre Picot à Châteaumeillant. Bientôt on verra le genouillet s'exprimer sur d'autres terres que celles de Quincy - Menetou, Sancerre ?" Et qui sait, peut-être un jour pas trop lointain, la famille des vins du Berry s'enrichira d'une nouvelle AOC, quand le genouillet sera bien installé dans son terroir !?
Des histoires vraies, comme celle là, on en redemande.
> Je profite de l'occasion pour adresser un salut amical à Bernard Chat qui m'a donné envie de découvrir le genouillet !
> Les vins du domaine de Villalin.
Quincy AOP Cuvée tradition. Sauvignon blanc.
Cuvée Villalin. Sauvignon blanc.
Cuvée Anastasie. Sauvignon blanc “à l’ancienne”, non collé, non filtré (attention le dépôt est normal).
Coteaux du Cher et de l’Arnon rouge. Cépage pinot noir
Coteaux du Cher et de l’Arnon rosé. Cépage pinot gris.
Genouillet "Renaissance" commercialisé depuis 2012.
> Maryline et Jean-Jacques Smith, propriétaires vignerons. Hameau Le grand Villalin
18120 Quincy. 02.48.51.34.98. Courriel >>> Lien.
Le site web du Domaine de Villalin. >>> Lien.
> Pour en savoir plus :
Les fous de vin d'Alain Fourgeot. "Vous avez dit cépages disparus ?" >>> Lien.
Le numéro Hors série de La Bouinotte de mai 2014 "Bonnes tables en Berry". Genouillet, renaissance d'un cépage, pages 46 à 48. Chez les marchands de journaux.
Union pour la préservation et la valorisation des Ressources Génétiques du Centre. URGC, Château du Plaix. 18160 Saint Hilaire en Lignières. Site web de l'association. >>> Lien.