Rappelons qu’en France, que l'on dit être le pays de la gastronomie, 70 % de restaurants pratiqueraient la cuisine du "prêt à réchauffer" industriel. Chacun a déja connu la déception d'un plat au goût de cantine servi dans un restaurant ou un bistrot pourtant d'apparence sympathique. Et on se sent un peu honteux d'être français en voyant des touristes étrangers avaler naïvement ce genre de malbouffe. D'ailleurs la télévision s'est souvent intéressée à ces arnaques/trucages culinaires dans des enquêtes révélatrices.
Il fallait donc mettre un peu d'ordre là dedans.
Après les débats de l'Assemblée et du Sénat, un décret a été adopté par le gouvernement. Publié le 13 juillet 2014 au Journal Officiel, le décret relatif à la mention "fait maison" est entré en vigueur mardi 15 juillet. Le nouveau label désigne des plats entièrement élaborés "sur place", à partir de "produits bruts" n'ayant subi "aucune modification". Il servira à mettre en valeur le "savoir-faire" des restaurateurs, qui devront désormais l'afficher sur leur carte.
Les frites surgelées par exemple sont exclues du "fait maison" par le décret. Cela signifie que celles de MacDo et autres fast-foods (qui sont surgelées), ne pourront pas être baptisées frites faites maison. Les sauces toutes prêtes non plus. Et encore moins le bœuf en daube préparé dans une cusine industrielle et emballé sous vide et sous plastique comme la blanquette, la truite meunière et les pizzas, tous livrés par la camionette du matin. Les restaurateurs doivent désormais annoncer de manière visible par tous les consommateurs, que "les plats faits maison sont élaborés sur place à partir de produits bruts".
Mais déja, des critiques s'expriment et voient dans ce décret un texte mitonné sur mesures pour le plus grand bonheur des industriels de l’agroalimentaire. Le mijoté d’usine et la cuisine-ciseaux (il suffit d’une paire de ciseaux pour ouvrir une poche sous vide et d’un micro-onde pour réchauffer) ont-ils encore de beaux jours devant eux ? Et puis, disent des restaurateurs et des critiques gastronomiques : on peut trouver beaucoup de mauvaises choses faites maison ! Le nouveau label serait-il une fausse bonne idée....?
Durant les débats, le sénateur Martial Bourquin rappelait "que la cuisine française est classée au patrimoine mondial de l'Unesco. Sans jeter l'opprobre sur la cuisine industrielle, le consommateur a le droit de savoir ce qu'il a dans son assiette. C'est une véritable question de société". Pour Natacha Bouchard (autre sénateur), ceux qui rendent obligatoire la mention "fait maison" sur les cartes : "ne connaissent pas la cuisine, ils ne savent pas de quoi ils parlent : il n'est pas si facile de n'utiliser que du fait maison" !
Pour Pascal Riché, dans le Nouvel Observateur, le label "fait maison" va embrouiller les esprits. "Car les lobbies de l’agroalimentaire sont passés par là. Et à lire le texte de ce décret, un restaurant pourra afficher fièrement le logo "fait maison" tout en servant des plats à base de sauces en poudre, de viande hachée industrielle ou de poissons surgelés."
En effet, on peut désormais réaliser un plat “fait maison” avec des produits qui ont été livrés "épluchés, pelés, tranchés, coupés, découpés, hachés, nettoyés, désossés, dépouillés, décortiqués, taillés, moulus ou broyés (à l’exception des pommes de terre). Ils peuvent être aussi fumés, salés, réfrigérés, congelés, surgelés, conditionnés sous vide."
Et Pascal Riché conclut : "Vous avez bien lu. Donc, si vous "réceptionnez" du cabillaud surgelé, que vous le jetez dans un four avec quelques carottes sorties d’un sac plastique déjà épluchées et coupées, vous cuisinez "maison" !
Il existait déjà le label Maître restaurateur et le label Restaurant de qualité. Nous voici avec un troisième label, le "fait maison" pour les plats qui sont faits maison, et pour ceux qui ne le sont pas vraiment. Mais il n'y aura pas d'information sur les plats industriels que les restaurants se contentent de réchauffer (et dont certains sont parfois bons). Bizarre.
"Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup", a dit Martine Aubry à propos d'autres textes législatifs. On pourra tester la saveur de cette formule à table....
> Sources. Le décret "fait maison" nous prend pour des cornichons (surgelés). Rue89.nouvelobs.com. >>> Lien.
Libération.fr. Les restaurateurs expriment leur scepticisme et estiment que les consommateurs se sont habitués au surgelé. >>> Lien.
Le fait-maison : un label de qualité en trompe-l’œil. Politis. >>> Lien.
Compte rendu des débats du 28 janvier 2014 au Sénat. >>> Lien.
Compte rendu de la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. >>> Lien.