Sheldon Adelson, un milliardaire étasunien qui a fait fortune avec l'exploitation de casinos par sa société Las Vegas Sands Corporation, a un projet grandiose en Espagne. Grandiose est bien le mot : un budget de seize milliards d’euros pour construire en cinq ans une cité du jeu, six grands casinos et douze hôtels (trente six mille chambres), des restaurants (cinquante mille places), douze complexes immobiliers, neuf théâtres, trois terrains de golf, un auditorium de quinze mille places, pour accueillir onze millions de visiteurs par an ! Madrid et Barcelone sont les deux villes qui espèrent accueillir le nouveau Las Vegas européen.
Pour le gouvernement de droite en Espagne le projet est sans doute une aubaine. Le pays, durement touché par la crise économique (23% de chômage selon les chiffres officiels) bénéficierait d'environ deux cent cinquante mille emplois directs et indirects créés par le complexe. Pour le site osportsbetting, la manne apportée par la clientèle atteindrait quinze milliards d’euros dans les dix ou quinze prochaines années (dont l’État espagnol espère récupérer une partie sous forme de taxes).
Mais le pays est-il prêt à accepter n'importe quoi ? Pour de nombreux espagnols, l’installation du casino géant encouragerait la consommation d’alcool, de tabac, l’addiction au jeu et le développement de la prostitution, et tout ça grâce à une contribution financière de l'État, c'est à dire aux frais du contribuable ! En effet, Sheldon Adelson, prévoit de financer son projet avec l'aide de fonds publics. Au profit d’une activité (le jeu) qui n’apporte rien à la collectivité. Et ça n'est pas tout....
Voici une partie des conditions que Sheldon Adelson annonce au gouvernement espagnol. Êtes vous bien assis ? Avez vous une tasse de tilleul-verveine ou un calmant à portée de main ?
Modification du Code du travail afin d’assouplir "la rigidité des conventions collectives", notamment dans les secteurs présents dans le complexe de casinos (hôtellerie, restauration, jeu, commerces...).
Exemption totale pendant deux ans des cotisations de Sécurité sociale, puis 50 % de remise les trois années suivantes. À compter de la cinquième année, les travailleurs non espagnols pourront être rattachés au régime social de leur pays d’origine.
Perception par Las Vegas Sands de subventions pour l’emploi, tant en ce qui concerne les emplois directs qu’indirects créés durant la construction du complexe.
Prise en charge par les autorités espagnoles de la construction d’une nouvelle station de métro, d’une interconnexion avec le TGV, de nouvelles lignes d’autobus, de nouvelles routes et autoroutes.
Cession gratuite, à Las Vegas Sands, de toutes les terres que les autorités publiques possèdent dans la zone.
Expropriation des terres privées de la zone afin que Las Vegas Sands en prenne rapidement possession.
Suppression des règles d’urbanisme, y compris des critères de construction, afin que Las Vegas Sands ait toute latitude pour construire.
Autorisation d’accès aux casinos pour les mineurs, les majeurs incapables et les interdits de jeu.
Autorisation, pour les casinos, d’accorder des prêts aux joueurs, suppression des interdictions publicitaires concernant le jeu, modification de la législation sur les dettes de jeu qui réserve actuellement l’exécution des sanctions à la seule justice civile, légalisation du système d’intermédiaires et de "rabatteurs" incitant les joueurs potentiels à se rendre au complexe.
Remboursement de la TVA aux entreprises du complexe, statut de "zone franche" (donc, pas de paiement de TVA ni de taxes) pour les joueurs extra-communautaires.
Suppression des taxes et simplification des procédures pour tous les produits importés qui rentrent dans le complexe.
Modification des règles fiscales d’amortissement, de déduction du résultat fiscal et d’imposition des non-résidents.
Exemption pendant 10 ans de la taxe sur les jeux.
Réduction de 95 % de l’impôt sur les transmissions patrimoniales, ainsi que des impôts fonciers.
Réduction de 50 % de l’impôt sur les activités économiques.
Négociation préalable et obligatoire avec Las Vegas Sands avant toute entrée en vigueur de nouvelles taxes.
On croirait lire l'acte de reddition qu'un envahisseur présente au pays vaincu ! Mais cette caricature de contrat ressemble à d'autres choses. Par exemple certaines des conditions posées par Disney pour son implantation près de Paris, ou par Ryan Air pour créer des lignes à Marseille ou d'autres villes. C'est, en plus cynique et plus radical, ce que les dirigeants de l'Europe demandent aux grecs. Et ça ressemble aussi à la voie sur laquelle Nicolas Sarkozy a engagé la France avec le bouclier fiscal et la réforme des retraites... On voit clairement s'afficher la similitude des idées libérales, que ce soit dans le projet EuroVegas ou les conditions que l'Europe veut imposer au pauvre peuple grec, et demain à quel peuple ?
Je ne cite qu'une partie des conditions proposées par Sheldon Adelson et Las Vegas Sands Corporation au gouvernement espagnol. Inutile de chercher des mots pour qualifier ce projet, ici le mot de piraterie prend son véritable sens (rien à voir avec la copie d'un CD de musique) ! L'intérêt de cette information dont les médias français n'ont pas donné les détails, c'est que maintenant nous sommes prévenus...
> Illustrations. Sheldon Adelson sur la couverture du magazine d'affaires Forbes cette année. Maquette du projet Eurovegas à Barcelone. Barbenoire, pirate des caraïbes.
> Sources :
Le site de El Païs : Leyes a medida para la capital del juego
El Gobierno acepta estudiar la lista de exigencias para construir Eurovegas
Le Figaro : Un "Eurovegas" à Madrid ou Barcelone
Contre info : "EuroVegas, future zone de non droit" liste des exigences de Las Vegas Sands en français.