Berrichon, gendarme, poète et suspendu !

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Berrichon, gendarme, poète, citoyen et suspendu... Ça fait beaucoup pour un seul homme !

Un gendarme berrichon écrit un poème pour exprimer son émotion et apporter son soutien à Jean-Hugues Matelly, un autre gendarme (chef d’escadron et chercheur au CNRS), radié fin mars pour avoir enfreint le devoir de réserve en critiquant le rapprochement police-gendarmerie décidé en haut lieu. Pan, voilà le gendarme berrichon sanctionné à son tour !

> Vendredi 2 avril, l'adjudant Arnaud Chadelat, de la brigade de Mehun-sur-Yèvre rattachée à la brigade de gendarmerie de Vierzon, a été suspendu de ses fonctions "le temps nécessaire à l’instruction", a annoncé la Direction générale nationale de la gendarmerie (DGGN), qui qualifie le poème "d'écrit outrageant". L'adjudant Chadelat, qui est aussi un fervent amateur de moto, est bien connu ici, puisqu'il réside dans notre région du Pays Fort.

Fin mars, il avait publié sous la signature Adjudant A, sur le site internet de l’Association de défense des droits des militaires (Adefdromil), un poème intitulé "Il pleut sous nos képis" ! Dans ce poème, l’adjudant Chadelat revient sur son engagement dans un métier auquel il a "donné sans compter" puis sur l’évolution du métier, critiquant ouvertement la gestion de Nicolas Sarkozy. Bon, ça n'est pas du Verlaine, mais c'est du ressenti et c'est sincère à cent pour cent. Où est l'outrage là dedans, on se le demande ? Vous allez pouvoir en juger par vous mêmes. En tous cas voilà un berrichon bien d'cheu nous, avec du caractère, ni fade, ni tiède, ni consensuel mou ! 

> Interviewé par France Info, Jacques Bessy, le vice-président de l'Association de Défense des Droits des Militaires (Adefdromil), s'est déclaré inquiet face à cette "répression des délits d'opinions, ce qui rappelle d'autres pays et d'autres régimes".

 

IL PLEUT SOUS NOS KÉPIS !

Il faisait beau alors, le jour où j’ai signé !
Je me souviens comme j’étais fier de m’engager,
D’être formé à ce métier par mes aînés…

Du bon droit je voulais être le soldat,
Dans le respect des traditions et des hommes.
Du citoyen, à tout faire je serai l’homme !

De ma personne alors, j’ai donné sans compter.
Ma famille dans cette voie s’est trouvée liée.
Mes devoirs étaient les siens sans qu’elle ait signé…

Nos Gradés, nos Officiers étaient nos modèles.
Ils savaient nous motiver et nous ordonner.
Alors nous étions soudés, unis et fidèles…

Nous savions des sacrifices la juste raison,
Et étions tous reconnus “Servants de la Nation !”
De la France, la plus noble et vieille Institution.

Un nouveau Roy fût nommé, et tout a changé.
Diviser pour mieux régner, tel était son but !
Il y parvint bien, précipitant la chute !

Pour ce faire, il choisit bien parmi les nôtres,
Ceux d’entre eux les plus vénaux, les moins fidèles,
Leur fit tant miroiter, qu’il furent ses “apôtres”.

Ces vendus et parjures aujourd’hui, ont ourdi
D’enterrer sans coup férir notre belle histoire…
De nous taire ils nous ordonnent, arguant : “Tout est dit !”

L’un des nôtres osa parler sans démériter,
se faisant ainsi le râle de notre douleur…
Il fût vite éliminé par ces fossoyeurs !

Aujourd’hui, Sainte Geneviève saigne et pleure,
Je sens bien ses larmes chaudes sous mon képi,
Comme si sur moi Sarkozy faisait son pipi…

Soldats nous sommes, et c’est debout que nous mourrons.
Et à l’instar de Cambronne, “merde” nous dirons.
Nous briserons nos armes, mais nous taire “Pas question !”

Nous ne sommes que des hommes, soldats mais citoyens,
Et nos voix dans l’urne pèsent bien pour un scrutin…
Qu’on les entende ensuite, d’étonnant n’a rien.

Nous taire il ne faut point, surtout si c’est la fin !
Au pays des Droits de l’Homme, on dénie les miens.
Fidèle, loyal je suis, muet je ne suis point.

Même si tout est fini, que prévue est la fin,
Nous n’irons au sépulcre qu’après avoir tout dit.
Geneviève, Chère Patronne, Il pleut sous nos képis !

Adjudant A.

Dédié au Chef d’Escadron Jean-Hugues Matelly .


> Jean-Hugues Matelly est un officier supérieur de la Gendarmerie, âgé de 42 ans, contrôleur de gestion pour la région Picardie, ancien rapporteur à la Commission des recours des militaires, commandant de la compagnie de Blois en 1998, de formation universitaire, juriste, docteur et chercheur en Sciences Politiques, auteur de nombreux articles et ouvrages. Il est chercheur associé au CESDIP (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales), unité mixte de recherche du CNRS. L'organisation et le fonctionnement de la Gendarmerie Nationale font partie des sujets de recherche du CESDIP. C'est à ce titre, que Jean-Hugues Matelly est l'un des auteurs de l'article intitulé "Feu la Gendarmerie Nationale" et paru dans la revue Pouvoirs locaux. La sanction prise à l'égard de Jean-Hugues Matelly concerne son activité dans le cadre du service public de la recherche. Jean-Hugues Matelly a exprimé des points de vue critiques à l’égard de la conduite de la politique sociale au sein de la gendarmerie. Il a également émis des critiques sur la fusion de la gendarmerie avec la police dans le cadre de la réforme qui prévoit le rattachement de la gendarmerie au Ministère de l'Intérieur. Il a été radié des cadres par "mesure disciplinaire" par un décret du président de la République, le 25 mars 2010.